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L'heure de vérité a sonné pour le climat en Suisse

People walk on the Tsanfleuron Glacier at the "Glacier 3000" alpine resort, above Les Diablerets, Switzerland, Saturday, August 6, 2022. The Swiss Glacier Monitoring Switzerland (GLAMOS), fe ...
Le glacier de Tsanfleuron au-dessus des Diablerets (VD). L'année dernière, la fonte des glaciers a considérablement augmenté.photo: keystone
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L'heure de vérité a sonné pour le climat en Suisse

Deux ans après le «non» à la loi sur le CO2, celle sur la protection du climat est soumise au vote. L'heure est venue de voir si la Suisse prendra la crise climatique au sérieux.
20.04.2023, 18:47
Peter Blunschi
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En tant que conseillère fédérale, Simonetta Sommaruga a subi quelques échecs lors de votations populaires. La plus amère a sans doute été le «non» à la loi sur le CO2, le 13 juin 2021. Elle a été rejetée par la population rurale qui ne voulait pas entendre parler d'une hausse du prix de l'essence. Il était question d'une dizaine de centimes, ce qui, pour certains, paraît absurde au vu des prix actuels à la pompe.

Pour la protection du climat en Suisse, le «non» a été un sérieux revers. Notre pays serait coincé pendant des années, ont dit les premières réactions des partisans déçus de la défaite. Mais à peine deux ans plus tard, le 18 juin 2023, la prochaine votation aura lieu. Il s'agit de la loi sur le climat et l'innovation (LCI), le plus souvent appelée loi sur la protection du climat.

Elle a été adoptée par le Parlement l'automne dernier en tant que contre-projet indirect à l'initiative sur les glaciers. Elle n'a été rejetée que par l'UDC, qui a lancé un référendum, raison pour laquelle elle sera soumise au vote dans deux mois. Cette initiative semble quelque peu étonnante, mais elle montre que le monde politique a reconnu la nécessité d'agir en ce qui concerne le climat.

L'initiative

En mai 2016, environ six mois après l'adoption de l'Accord de Paris sur le climat, le journaliste environnemental Marcel Hänggi a proposé le lancement d'une initiative populaire afin d'aider les politiques dans la mise en œuvre de l'accord. L'initiative sur les glaciers a été lancée en janvier 2019 et déposée en novembre de la même année.

Des personnes manifestent lors d'un "hommage a nos glaciers", une commemoration pour les glaciers disparus au pied du glacier du Trient organise par l?Alliance Climatique et ...
L'initiative sur les glaciers a été déposée en novembre 2019.photo: KEYSTONE

Le titre est astucieux, car peu de facteurs illustrent aussi clairement la crise climatique en Suisse que la disparition progressive des glaciers. L'été dernier, qui a été très sec, elle a atteint une ampleur sans précédent. Cela a influencé la perception de l'initiative. Lors de son lancement, elle était considérée comme radicale. Aujourd'hui, elle semble tout à fait modérée.

L'objectif «net zéro» demandé pour 2050 a été repris par le Conseil fédéral. Un revirement a également eu lieu au sein de l'économie. Lors de l'annonce, Economiesuisse a qualifié l'initiative sur les glaciers de «périlleuse». Lorsque le Conseil national s'est prononcé en faveur du contre-projet l'année dernière, l'organisation faîtière a écrit:

«Aujourd'hui est un bon jour pour le climat»

A ce propos, le contre-projet suit en grande partie les directives de l'initiative. Seule l'interdiction des combustibles et carburants fossiles à partir de 2050 (à quelques exceptions près) n'a pas été prise en compte. Malgré cela, les initiateurs autour de Marcel Hänggi soutiennent la loi par conviction. En cas de «oui» le 18 juin, l'initiative sur les glaciers sera retirée.

Des subventions plutôt que des taxes

Mardi, le comité en faveur du «oui», dans lequel tous les grands partis sont représentés, à l'exception de l'UDC, s'est présenté devant les médias. Le conseiller national zurichois GLP Martin Bäumle a donné le ton:

«Au lieu de nouvelles interdictions et taxes, la loi sur la protection du climat mise sur les investissements et la promotion de l'innovation. Les entreprises et la population en profiteront de la même manière.»

Contrairement à la loi sur le CO2 qui a été rejetée, la loi sur la protection du climat fonctionne avec des subventions plutôt qu'avec des taxes d'incitation. Celles-ci sont présentées par les libéraux comme un outil d'économie de marché. En réalité, beaucoup ne comprennent pas le concept. Ils ne voient que des prix plus élevés, surtout si le remboursement se fait comme aujourd'hui via les primes d'assurance maladie.

Dans la théorie «pure» du marché, le meilleur moyen de lutter contre le changement climatique est de fixer un prix sur le CO2 émis. Dans la pratique, il se heurte souvent à des réticences, par crainte de désavantages économiques. De plus en plus de pays se tournent donc vers l'encouragement de l'innovation par des subventions, comme les Etats-Unis avec l'Inflation Reduction Act adoptée l'année dernière.

Concrètement, la loi sur la protection du climat prévoit d'encourager le remplacement des chauffages à mazout et à gaz ainsi que des chauffages électriques à résistance à hauteur de 200 millions de francs par an, pour une durée limitée à dix ans. Elle mise sur des mesures incitatives plutôt que sur des interdictions, mais elle est néanmoins combattue par l'UDC et l'Association des propriétaires fonciers, qui la diffament en la qualifiant de «loi dévoreuse d'électricité.»

Le camp du « Non »

Le comité du «non», dont font partie des radicaux, combat la loi en arguant qu'une acceptation signifierait «une augmentation massive des besoins en électricité et des milliers de francs de coûts supplémentaires par ménage et par an». Pourtant, les pompes à chaleur sont moins chères et plus efficaces que les chauffages au mazout, au gaz et surtout électriques. Ces derniers s'avèrent être de véritables «dévoreurs d'électricité.»

Nationalrat Michael Graber, SVP-VS, und weitere Vertreter von der SVP Schweiz reichen mit ueber 50 000 Unterschriften das Referendum gegen das Klimaschutzgesetz ein, am Donnerstag, 19. Januar 2023, in ...
Le conseiller national valaisan UDC Michael Graber préside le comité du non.photo: keystone

On passe également sous silence le fait que la loi fédérale sur la sécurité de l'approvisionnement en électricité grâce aux énergies renouvelables, appelée en bref «loi-cadre», vise à remplacer le pétrole et le gaz naturel importés pour sept milliards de francs par an par de l'électricité indigène. Cette loi est en bonne voie et va dans le sens direct de la loi sur la protection du climat.

Le Conseil fédéral

Vendredi, le successeur de Sommaruga, Albert Rösti, expliquera devant les médias le «oui» du Conseil fédéral et du Parlement à la loi sur la protection du climat. Il se trouve dans une position délicate: en tant que conseiller national UDC, Rösti avait combattu la loi. Il a également fait partie du comité référendaire. En tant que conseiller fédéral responsable, il doit désormais la «vendre» aux électeurs.

Albert Roesti, Membre du Conseil federal, s'exprime, lors de l'assemblee des delegues du parti de l'Union Democratique du Centre, UDC SVP, ce samedi 18 mars 2023 a Meyrin pres de Geneve ...
Albert Rösti, Membre du Conseil fédéral, lors de l'assemblée des délégués du parti de l'UDC, le 18 mars 2023 a Meyrin, près de Genève.Image: KEYSTONE

Mais Rösti a pris la précaution de convoquer des «renforts» pour la conférence de presse de vendredi: le conseiller d'Etat valaisan Roberto Schmidt, représentant des cantons, Katrin Schneeberger, directrice de l'Office fédéral de l'environnement (OFEV), et Benoît Revaz, directeur de l'Office fédéral de l'énergie (OFEN).

L’épreuve d’endurance

La Suisse n'est pas sur la bonne voie en ce qui concerne les objectifs climatiques. Les émissions de gaz à effet de serre ont augmenté de près de 3% en 2021, a récemment annoncé l'OFEV. Cela est dû à un hiver froid et à la croissance démographique.

Atteindre l'objectif «net zéro» d'ici 2050 serait un tour de force. La loi sur la protection du climat y aiderait largement. Le rejet de la loi sur le CO2 il y a deux ans pouvait encore être qualifié d'«accident industriel». Cette excuse n'est plus valable pour la votation du 18 juin. Ce sera alors un moment de vérité pour savoir si la Suisse prend la protection du climat au sérieux.

Traduit et adapté par Pauline Langel

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