Les relations entre la Suisse et l'Union européenne ne sont pas optimales, pour le dire gentiment. Une autre «zone de combat» pourrait s'ouvrir. La semaine dernière, la Commission européenne a présenté un projet de loi visant à faciliter l'utilisation transfrontalière des camions surdimensionnés ou gigaliners.
Les méga-camions mesurent 25,25 mètres de long et pèsent 60 tonnes. Avec ses projets, la Commission européenne suscite également l'inquiétude en Suisse. Car aujourd'hui, les camions de 18,75 mètres de long et de 40 tonnes au maximum sont autorisés à circuler sur les routes de notre pays. L'Initiative des Alpes craint que l'UE n'exige l'ouverture des frontières aux gigaliners.
«Les gigaliners freinent clairement le modèle de réussite de la politique suisse de transport de fret», constate le directeur Django Betschart. En effet, la pression sur les prix va augmenter avec ces camions surdimensionnés:
Les projets de l'UE ne sont pas nouveaux. La Commission de Bruxelles a fait une première tentative il y a dix ans, mais elle a échoué face à l'opposition du Parlement européen. Elle tente maintenant sa chance avec des arguments écologiques. Les gigaliners permettraient un «transport de marchandises plus vert», car la même quantité de marchandises pourrait être transportée avec moins de trajets.
Dans un avenir proche, seuls les camions à zéro émission devraient circuler dans l'UE, tel est un autre argument en faveur des méga-véhicules. Le manque de chauffeurs de poids lourds est également mis en avant. Django Betschart n'y croit guère: la véritable contribution à la réduction des émissions de CO2 est le transfert sur le rail, qui «fonctionne ici et maintenant à l'électricité».
Mais quelles sont les chances de cette nouvelle tentative? Dans certaines régions de l'UE, les gigaliners font déjà partie du paysage routier depuis longtemps, notamment en Finlande et en Suède, deux pays de grande superficie et peu peuplés. Ailleurs, ils sont utilisés à titre expérimental. En Allemagne, par exemple, ils sont autorisés à circuler sur certains tronçons sélectionnés.
Le réseau de Gigaliners a été constamment étendu. Aujourd'hui, selon la NZZ, il est possible de conduire un Gigaliner sans problème de la frontière danoise à la frontière suisse. Cela suscite une inquiétude supplémentaire de la part de l'Initiative des Alpes. On craint une sorte de tactique de salami, car l'Allemagne, en tant que plus grand pays de l'UE, a un poids considérable
Cependant, il existe toujours une résistance à une utilisation transfrontalière dans toute l'Union. L'Autriche, notamment, qui est traversée par la route de transit alpine la plus fréquentée d'Europe veut lutter contre les camions monstres, comme l'a souligné la ministre verte de la protection du climat et des transports Leonore Gewessler.
Pour l'Initiative des Alpes, l'Autriche est «un partenaire important», selon Betschart. Dans la lutte contre les gigaliners, elle mise sur la collaboration avec les associations environnementales européennes et les forces alliées au sein du Parlement européen. En Suisse aussi, le rejet des gros camions est large et étonnamment uni. On ne trouve guère de partisans.
L'association des véhicules utilitaires Astag, un adversaire fréquent de l'initiative des Alpes, ne veut pas de gigaliners. Dans une analyse, l'Office fédéral des routes (OFROU) se montre également critique à l'égard d'une éventuelle autorisation, surtout en raison de l'infrastructure:
Cela suffira-t-il? On se souvient de la discussion des années 1990. A l'époque, la Suisse avait une limite de poids de 28 tonnes pour les camions, mais l'UE faisait pression pour que les camions de 40 tonnes soient autorisés. Le débat politique et l'opposition des associations environnementales ont été vifs, mais la Suisse a finalement dû céder à la pression.
Dans l'accord sur les transports terrestres, un élément des Bilatérales, la Suisse a accepté les camions de 40 tonnes, mais a obtenu en contrepartie des concessions importantes de la part de l'UE. Elle a ainsi accepté l'interdiction de circuler la nuit en Suisse et une taxe de transit qui correspond en fait à la redevance sur le trafic des poids lourds liée aux prestations (RPLP).
Aujourd'hui, l'Initiative des Alpes craint que le bras de fer sur les questions institutionnelles et les nouveaux accords bilatéraux ne se déroule de manière similaire, mais pas dans un sens positif. Django Betschart estime qu'il y a un risque que les 60 tonnes soient présentés «par exemple comme un gage pour une meilleure protection des salaires». Il est toutefois difficile de faire une estimation.
De nombreuses questions relatives à l'autorisation des gigaliners restent ouvertes. Ainsi, on ne sait pas si l'Autriche continuera à s'y opposer si les Verts ne sont plus au gouvernement. La Suisse, quant à elle, ne peut pas se permettre un nouveau conflit avec l'UE.
Traduit et adapté par Noëline Flippe