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Immobilier: la Suisse ne construit pas assez de logements

Illustration sur la pénurie de logement qui touche actuellement la Suisse
Image: watson
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Pourquoi la Suisse est incapable de vaincre la pénurie de logements

Tandis que la population suisse augmente, le nombre de nouveaux toits, lui, ne suit pas. Les experts guettent un tournant dans la construction de logements, qui se fait attendre.
11.11.2023, 16:2311.11.2023, 17:13
Niklaus Vontobel / ch media
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Les logements sont une denrée rare en Suisse. Cela se voit dans tous les aspects du marché: les prix de vente de l'immobilier continuent d'augmenter, bien que la demande soit affaiblie par des taux d'intérêt hypothécaires élevés. Parallèlement, chercher un appartement à louer dans les villes et les agglomérations environnantes s'apparente à un marathon pour la grande majorité des gens.

Pour les économistes, ces tendances sont des signes de pénurie et, dans une économie de marché qui fonctionne, ils devraient tous annoncer la même chose: une augmentation de l'offre jusqu'à ce que la pénurie soit éliminée. Les locataires pourraient ensuite espérer avoir plus de choix, alors que les propriétaires de logements devraient craindre de bientôt obtenir un prix plus bas en cas de vente.

C'est pourquoi de nombreux experts suivent de près la situation actuelle, à l'affût d'une telle augmentation de l'offre. Et c'est pourquoi les nouvelles prévisions d'automne du Centre de recherches conjoncturelles de l'EPF de Zurich (KOF) concernant les investissements dans la construction suscitent un intérêt particulier. «Le tournant est en vue», peut-on y lire.

Hausse des investissements prévue, mais pas assez forte

Ce «tournant» signifie que «le creux de la vague» des investissements dans la construction de logements devrait être dépassé en 2024 et 2025. Les investissements devraient donc à nouveau augmenter, de 0,7% en 2024 et de 1,4% en 2025. Il s'agit d'un véritable renversement de tendance après une période de baisse des investissements qui a duré six ans.

En Suisse, on ne construit pas assez de nouveaux logements.
Le manque de personnel qualifié est un des facteurs qui explique la pénurie de logements en Suisse.Image: KEYSTONE

La construction de logements réagirait donc bel et bien aux signaux de pénurie – mais la réaction n'est pas assez forte, du moins pas pour l'instant. Selon les prévisions du KOF, elle sera même encore plus faible en 2023 que l'année précédente, comme le montrent notamment les demandes de permis de construire et les autorisations. Par la suite, la tendance ne devrait être que légèrement à la hausse.

Le KOF estime qu'en 2025, les investissements se situeront à peu près au même niveau qu'en 2011, c'est-à-dire il y a plus de dix ans. Or, la Suisse compte aujourd'hui environ un million d'habitants de plus qu'à l'époque.

La pénurie de logements s'installe

C'est pourquoi le KOF ne s'attend pas pour l'instant à un «tournant dans la pénurie de logements», déclare Stefanie Siegrist, l'experte responsable du secteur de la construction. La croissance prévue pour les investissements dans la construction de logements est «définitivement trop faible» pour cela.

Si les prévisions s'avèrent exactes, seul le ralentissement de la construction de logements prendra fin, dit Stefanie Siegrist. L'une des causes de la pénurie de logements sera donc atténuée, mais cela ne suffira pas à résoudre la situation, du moins pas dans un premier temps.

Dans un avenir plus lointain, l'offre pourrait alors s'étendre dans une mesure telle que les nouveaux logements ne seraient pas immédiatement absorbés par l'excédent de la demande.

Pour le moment, la situation reste la même – mais elle ne s'empirera probablement pas.

Une multitude de facteurs en est la cause

«Pourquoi la construction de logements ne prend-elle pas son envol?» Les experts de Wüest Partner ont cherché à déterminer les causes de cette situation. Leur «Immo-Monitoring», un groupe d'experts qui étudie l'évolution de l'immobilier, n'a pas trouvé de réponse simple à cette question. Il s'agirait plutôt d'une «combinaison d'une multitude de facteurs».

Manque de densification

Le premier facteur est un manque de densification. Là où il y a encore des terrains à bâtir, les gens ne veulent pas habiter; et là où ils veulent habiter, il n'y a plus de terrain à bâtir. En soi, la solution est connue: il faut densifier les constructions.

Mais construire de manière dense est exigeant, et encore plus lorsque s'y ajoutent des prescriptions complexes, des oppositions interminables, etc. En exagérant un peu, on pourrait dire que la Suisse ne sait pas, ou pas encore, densifier. Pourtant, les calculs de Wüest Partner montrent qu'il serait possible d'obtenir de bons résultats de cette manière.

Si l'on s'en tenait aux limites légales existantes en matière d'extensions et de surélévations, on pourrait créer jusqu'à 1 million d'unités de logement, avec une surface habitable moyenne de 120 mètres carrés. C'est un chiffre énorme pour un pays qui comptait 4,7 millions de logements en 2022.

Pénurie de personnel qualifié

Deuxième facteur qui freine la construction: le manque de personnel qualifié. Il touche les entreprises de construction, bien sûr, mais aussi les services communaux, qui devraient traiter les demandes de permis de construire rapidement et correctement.

Cette pénurie de personnel qualifié est actuellement aiguë, car l'économie se porte bien et le taux de chômage n'a jamais été aussi bas depuis des décennies. Si la conjoncture s'affaiblit, les entreprises de construction devraient à nouveau avoir plus de facilité à trouver du personnel.

Hausse des coûts

Troisièmement, la hausse des coûts constitue aussi un frein important. A l'automne 2022, au plus haut point de l'inflation, les prix de la construction ont atteint une inflation annuelle de 8,2%. Conséquence: de nombreux projets ont été reportés.

Mais, contrairement à ce que l'on espérait, ils n'ont jamais été repris.

La hausse des taux d'intérêt renchérit encore le coût des nouvelles constructions. Parallèlement, il existe d'autres alternatives intéressantes qui permettent aux acteurs financiers de gagner de l'argent. Ainsi, les caisses de pension, qui ont investi massivement ces dernières années, sont désormais moins actives.

Dans leur cas, s'ajoute le fait que nombre d'entre elles ont récemment frôlé, voire dépassé, la limite des 30%, c'est-à-dire le seuil que peuvent représenter les investissements immobiliers par rapport à l'ensemble des placements, selon les ordonnances sur la prévoyance vieillesse professionnelle.

La nature du problème reste
à définir

Interrogé par CH Media (dont watson fait partie), le directeur de l'Office fédéral du logement, Martin Tschirren, affirme que le marché est actuellement peu élastique, ce qui conduit aussi à des pénuries. Mais il estime qu'il est trop tôt pour savoir si la Suisse a un problème structurel: il se pourrait aussi que le marché ne réagisse qu'avec un certain retard.

C'est pourquoi Martin Tschirren estime qu'il serait judicieux de prendre provisoirement des mesures visant à soutenir l'activité de la construction en améliorant les conditions-cadres.

Pour l'instant, la situation reste la même: la Suisse a besoin de plus de logements, mais elle n'en a jamais créé aussi peu depuis plus de dix ans – quand elle comptait un million d'habitants en moins.

Traduit et adapté de l'allemand par Léa Krejci

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