Un redoutable «papillon de la tomate» fait des ravages en Suisse
L'agriculture suisse souffre d'un papillon ravageur du nom de noctuelle de la tomate (Helicoverpa armigera). Le nom peut faire penser à un oiseau, mais il s'agit bien d'un petit papillon nocturne brun clair ou beige, qui appartient à la famille des noctuelles. Ses chenilles se nourrissent de la chair des tomates, mais aussi d'autres plantes, comme le coton ou le maïs.
Et cette chenille est redoutée dans le monde entier. À partir du troisième stade larvaire environ, elles s’attaquent de préférence aux gousses et aux fruits des plantes. «Même sur les légumes-feuilles, on observe des dégâts par grignotage, perforation et contamination par les excréments des chenilles. Cela rend la récolte invendable ou inutilisable», explique Cornelia Sauer, chercheuse à l’institut Agroscope.
La particularité de cette noctuelle réside dans la grande diversité de ses plantes-hôtes. Le papillon n’est pas difficile et est en plus très mobile. Il peut parcourir plus de 1000 kilomètres par an. Et il est également très fécond : la femelle peut pondre 1000 à 3000 œufs. Cornelia Sauer précise:
Une nouvelle vague est possible cet été
En 2023, la noctuelle de la capsule du coton a causé d’importants dégâts en Suisse. Haricots, pois, pois chiches, tomates, poivrons, maïs doux, côtes de bettes et salades ont été touchés. «Dans certains cas, les pertes de rendement ont été considérables, voire totales», indique la chercheuse d’Agroscope. C’est pourquoi l’institut a renforcé la surveillance nationale de ce ravageur dans le cadre du réseau national de détection précoce.
Le papillon continue de survoler nos champs cette année. Toutes les stations de surveillance en Suisse enregistrent des vols de noctuelles de la tomate. On en observe un peu moins dans le centre du pays que dans les régions proches des frontières, car l’insecte arrive en Suisse par l’ouest, le sud et l’est.
«Il est possible qu’au cours de la seconde moitié de l’été, en raison des températures plus élevées, il y ait une nouvelle vague importante d’arrivée de noctuelles de la tomate», prévient Cornelia Sauer. Ce papillon originaire des régions tropicales aime la chaleur.
L'impact du changement climatique
«Avec le réchauffement climatique, la noctuelle de la tomate progresse en été de l’Afrique du Nord jusqu’au nord de l’Europe», explique la chercheuse. Cette expansion croissante a également été observée en Suisse au fil des ans. Dans les années 1980, elle était d’abord présente régulièrement au Tessin; dans les années 1990, elle a été détectée en Suisse romande, puis durant l’été caniculaire de 2003 dans la vallée de la Reuss, dans le canton d'Uri.
Aujourd'hui on l'observe régulièrement dans toute la Suisse. Cornelia Sauer précise:
Ce migrant tropical a aussi des ennemis naturels. Il existe diverses espèces de guêpes de Darwin qui peuvent parasiter les œufs ou les larves de la noctuelle de la tomate. En Allemagne, il existe déjà des études sur différentes espèces de ces guêpes.
Grâce à une détection précoce renforcée, des mesures de lutte peuvent être mises en place. Pour combattre activement la noctuelle, il faut d’abord l’identifier, et ce grâce à un réseau de pièges à phéromones. Les phéromones sont des signaux chimiques que les insectes utilisent pour communiquer entre eux; elles servent ici à attirer les papillons dans les pièges.
La lutte peut ensuite commencer, par exemple à l’aide de préparations bactériennes. «En cas d’infestation, l’hygiène des champs est importante. En broyant et en incorporant les résidus végétaux, on peut détruire les insectes, œufs ou larves qui s’y trouvent», ajoute Cornelia Sauer. Dans un jardin, on peut protéger les cultures potagères en les recouvrant de filets anti-insectes afin d’empêcher l’arrivée des papillons.
Traduit de l'allemand par Anne Castella