Depuis peu, Zewo, l'organisme de certification des œuvres de bienfaisance, déconseille officiellement les dons à la Protection suisse des animaux (PSA). Martina Ziegerer, la directrice de Zewo explique:
La Zewo a exigé de voir les rapports annuels et les comptes de la PSA – et n'a pas été satisfaite du résultat: l'organisation n'a fourni que des documents obsolètes jusqu'en 2020, et la Zewo a dû s'appuyer sur des rapports comme celui de la fiduciaire BDO, révélés grâce à des enquêtes journalistiques.
La Zewo a désormais publié son évaluation de la PSA sur son site Internet. Elle déplore l'absence d'un système de contrôle interne, d'un contrôle des comptes et de processus de validation dans le domaine immobilier. Elle critique les frais excessifs documentés dans les médias ainsi que le cumul de pouvoir de la présidente. Si les critiques sont fondés, «la séparation fonctionnelle et personnelle des pouvoirs n'est pas respectée», peut-on y lire. En conclusion, l'organisation de protection des animaux ne respecte pas les normes courantes et les dons sont déconseillés.
En effet, au cours des deux dernières années, toute une série de dysfonctionnements au sein de la PSA ont été rendus publics:
Le comité directeur a commencé à se disputer au printemps 2022. Des voix critiques ont démissionné ou ont été démises de leurs fonctions, le juriste de l'association a été licencié – ils avaient tous posé des questions qui ne plaisaient pas à la direction. Après des efforts de réforme internes infructueux, les dysfonctionnements ont été rendus publics cet été et ont débouché sur une plainte pénale – avec des conséquences désastreuses pour la réputation et le flux de dons de l'organisation.
Le comité central vient de donner le coup d'envoi d'une série d'économies pour 2024. Il confirme vouloir réduire les dépenses de 10% à 15%.
Les problèmes de la PSA sont certes exceptionnellement étendus et persistants. Mais cette année, plusieurs autres institutions d'utilité publique ont aussi connu une crise: à la Croix-Rouge suisse (CRS), le directeur et la présidente ont démissionné après une lutte de pouvoir féroce et une enquête externe.
Pro Infirmis a dû justifier un déficit de 18 millions de francs lors de ses comptes annuels, et quatre membres du comité directeur ont quitté leur poste. Au Club alpin suisse (CAS), le directeur, déjà contesté, a tiré sa révérence après avoir dû assumer le déficit de plusieurs millions des Championnats du monde d'escalade. Et au Forum des consommateurs, la présidente surchargée a également été critiquée publiquement, et l'assemblée générale a dû être reportée pour vice de forme.
Qu'est-ce qui se passe avec les institutions bénévoles? Il est clair qu'on ne peut pas directement comparer les cas, mais on trouve néanmoins des causes communes. «Le coeur du problème est la base juridique qui est trop minimale», explique Peter V. Kunz, professeur de droit économique.
En Suisse, les associations peuvent en grande partie s'organiser elles-mêmes, contrairement aux sociétés anonymes. Il n'y a guère de cas où les dirigeants d'une association ont été poursuivis en justice parce qu'ils n'avaient pas respecté les statuts – ce serait une affaire trop coûteuse.
Kunz souhaite donc un «droit d'association plus strict», en particulier pour les grandes institutions:
Les chances de voir aboutir cette requête sont néanmoins minces, car elle n'est pas très appréciée en politique. En effet, outre les grandes institutions comme la Fifa ou le WWF, les partis politiques sont également organisés de manière informelle en tant qu'associations.
Deuxièmement, presque toutes les associations nationales ont des discussions sur les compétences de la centrale et l'autonomie des sections, comme l'observe Martina Ziegerer, directrice de Zewo. Les sections cantonales poursuivent souvent des intérêts différents, comme le montre l'exemple de la Ligue suisse contre le cancer:
Troisièmement, ce sont souvent des personnes idéalistes avec de fortes convictions qui s'engagent dans le travail bénévole. Une forte identification à la cause et le sacrifice de beaucoup de temps libre peuvent conduire à des guerres de tranchées personnelles. Peter V. Kunz va jusqu'à dire que les personnes actives dans le bénévolat sont un «autre type de personnes, plus émotionnelles que dans l'économie».
Des compétences de direction et des capacités d'intégration supérieures à la moyenne seraient d'autant plus nécessaires, notamment pour la présidence, explique Caroline Brüesch, professeure de management public. Les expertes interrogées sont unanimes: il faut plus de professionnalisme, même dans les fonctions bénévoles.
La présentation des comptes, la transparence et la protection des données, mais aussi la communication et la collecte de fonds sont plus exigeantes à l'ère numérique. Même les organisations à but non lucratif doivent faire de plus en plus de bilans pour évaluer leur efficacité.
Que faut-il donc faire dans la crise actuelle? Kunz, Ziegerer et Brüesch demandent:
Pour que l'organisation obtienne une certification Zewo, il lui faudrait résoudre presque tous ces aspects. Des membres critiques du comité de la PSA exigent depuis bientôt deux ans des réformes correspondantes ainsi qu'une affiliation à Zewo. Mais la présidente Nicole Ruch a empêché cela jusqu'à aujourd'hui – selon elle, une certification Zewo serait «trop chère».
Une demande auprès de Zewo révèle que la PSA devrait payer en moyenne moins de 5000 francs par an sur dix ans, dépenses initiales comprises. «Cela ne correspond même pas à 50 centimes pour 1000 francs de dons», écrit la directrice de Zewo: les coûts prétendument élevés seraient une «excuse bien connue». Confrontée à cela, Ruch lance:
Ziegerer regrette que la crédibilité de nombreuses œuvres de bienfaisance souffre de la crise de la PSA qui dure depuis des mois.
Pour elle, c'est clair: «Lorsqu'il y a une crise, il faut réagir rapidement». Ainsi, l'œuvre d'entraide Heks a réagi de manière exemplaire cet été lorsqu'un centre de requérants d'asile qu'elle gérait a fait l'objet de critiques. Elle a immédiatement lancé une enquête externe dont les résultats ont été publiés un mois plus tard. Grâce à la démission de la directrice responsable et à d'autres mesures immédiates, la crise a été résolue en deux mois.
De son côté, la présidente de la PSA veut prendre son temps pour mener à bien les réformes attendues depuis longtemps. Elle est membre du comité depuis novembre 2013, vice-présidente avec droit de signature depuis plus de sept ans, présidente depuis plus de deux ans – et estime qu'il faudra encore un an et demi pour que les réformes entrent en vigueur.
Les donateurs feront-ils preuve d'autant de patience? Le porte-parole de Ruch n'a pas voulu quantifier la baisse actuelle des dons. CH Media (le groupe de watson) sait cependant qu'en raison de ces querelles, plusieurs legs ont déjà été retirés et qu'un grand donateur a supprimé sa contribution annuelle à six chiffres jusqu'à ce que la présidence soit repourvue. Affaire à suivre.
Traduit et adapté de l'allemand par Léa Krejci