Il est possible que vous les ayez vus dans la rue. Peut-être même sont-ils passés entre vos mains. Quoi donc? Des autocollants. De surprenants autocollants. De la pub? Oui, mais pas pour le garage d’à côté, ni pour un parti politique en lice aux élections fédérales du 22 octobre. Non, de la pub pour une vieille idée qui n’a jamais abdiqué, malgré les faux espoirs qu’elle a fait naître et qui se sont soldés par des millions de morts: le communisme.
Après la profession de foi «post-capitaliste» des Jeunes Verts suisses au mois d'août prônant la collectivisation des terres et des entreprises, la rentrée de septembre coïncide avec une «offensive marxiste» (les termes sont revendiqués) reprenant les teasing et merchandising de son ennemi le capitalisme. Tel l’Oncle Sam sommant les Américains de s’engager dans l’armée durant la Première Guerre mondiale, le père Marx pointe un doigt qui veut dire à son tour «I Want You»:
On a bien affaire à un recrutement. Selon le site L’Etincelle, en allemand Der Funke, aux manettes de cette propagande échappée d'une Internationale révolutionnaire, il s’agit de créer un «bureau» en Suisse romande. Comme si le moment était venu de passer à la vitesse supérieure de l'action révolutionnaire.
Ce n’est pas à la caserne, mais à l’université que ce recrutement est organisé. Trois universités romandes sont si l’on peut dire requises à cet effet, celles de Genève, Fribourg et Lausanne. Des discussions à bâtons rompus, histoire de faire connaissance avec la doctrine marxiste, auront lieu dans les deux premières le 21 septembre, dans la troisième le 28. Les réunions se dérouleront dans des salles réservées pour l'occasion, sauf à Lausanne, où l’on sait seulement que la rencontre se tiendra quelque part dans le vaste bâtiment des sciences humaines.
Les présentations faites, la formation théorique pourra commencer. Diverses dates sont d’ores et déjà prévues en octobre. Mois révolutionnaire s’il en est. C’est en effet en octobre 1917 que les bolcheviks Lénine et Trotski ont jeté leurs forces dans la bataille. Le 24, dans les universités de Genève et Lausanne, on tirera les «leçons de la révolution russe» – car tout ne fut pas rose sur le moment et par la suite.
Précédemment, le 3 octobre à Genève, les novices en marxisme sauront que «le socialisme est la seule réponse» à la planète en feu (réchauffement climatique), quand ceux rassemblés le 12 à Fribourg apprendront «comment construire l’organisation révolutionnaire». Joint par e-mail, le collectif L'Etincelle n'a pas répondu aux sollicitations de watson.
Les rectorats sont-ils au courant de ces formations accélérées à la révolution communiste organisées dans des enceintes placées sous leur autorité? Affirmatif pour Genève et Fribourg. Négatif pour Lausanne. Le service de presse de l’Université de Genève (UNIGE), traversée en 2022 par plusieurs incidents imputables à l’extrême gauche, répond:
A Fribourg, le département de la communication fournit une explication similaire:
Sans doute pourra-t-on objecter que les révolutions anticapitalistes comportent généralement des aspects discriminatoires et violents.
A Lausanne, «l’Université n’a pas reçu de demandes officielles» pour les réunions des 28 septembre et 24 octobre, assure Géraldine Falbriard, chargée des relations avec les médias. D'où la vague indication du point de rassemblement: le bâtiment des sciences humaines, appelé l’Anthropole.
Sur une place de Genève, l'un des autocollants édités par L’Etincelle squatte l’affiche du candidat PLR au Conseil national, l’avocat Lionel Halpérin, à hauteur de son front. «Le capitalisme a échoué, rejoins les marxistes!», est-il rédigé en anglais. A côté, sur la même affiche, quelqu’un a écrit «PLR KOSHER», kosher comme casher, une inscription antisémite.
Joint par watson, Lionel Halpérin, de confession juive, rapporte que le tag «PLR KOSHER» est apparu avant l’autocollant. Son auteur ne serait a priori pas celui ou celle qui a collé le slogan marxiste, même si l’antisémitisme de gauche est une réalité qui ne date pas d’aujourd’hui.
«On peut s’étonner que la personne qui a mis l’autocollant sur cette affiche n’ait pas jugé utile de recouvrir "PLR KOSHER"», réagit d'une ironie agacée Johanne Gurfinkiel, le secrétaire général de la CICAD (Coordination intercommunautaire contre l'antisémitisme et la diffamation), contacté par watson. On ne peut pas non plus exclure que la pose du sticker marxiste soit le fait d'un individu agissant sous faux pavillon pour tenter de nuire aux communistes d'Etincelle.
L’inscription "PLR KOSHER" est dernièrement apparue en plusieurs endroits des quartiers de Plainpalais et des Bastions à Genève, sur des murs comme sur le sol, rapporte Johanne Gurfinkiel. La CICAD prépare une dénonciation pénale, alors que l’exécutif municipal est averti de ces tags tombant sous le coup de la norme antiraciste.