L'Association suisse d'assurances (ASA) redouble d'efforts et mise sur les derniers instants de la campagne pour faire capoter le projet d'une 13ᵉ rente AVS soumis à la votation populaire le 3 mars.
Le président de l'ASA, Stefan Mäder ne s'en est pas caché lors d'un entretien avec le Blick. «Heureusement que la prévoyance professionnelle vieillesse, survivants et invalidité a été introduite de manière obligatoire en 1985». La rente de la caisse de pension complète l'AVS, elle, est obligatoire pour la plupart des actifs. L'argument phare de Mäder est le suivant: grâce à la prévoyance professionnelle, pas besoin d'une rente AVS supplémentaire.
La gauche analyse les choses complètement à l'inverse. «Le niveau des nouvelles rentes LPP a baissé de 20% en treize ans», estime le conseiller national Roger Nordmann (VD). Pour une retraite prise en 2010 avec un avoir de caisse de pension de 300 000 francs, la rente annuelle moyenne s'élevait à 20 220 francs. En 2023, elle n'atteignait plus que 16 110 francs, soit 4110 francs de moins.
Cela représente 6500 francs de rente en moins par an pour un avoir de 500 000 francs. En considérant une espérance de vie moyenne de 20 ans pour une personne de 65 ans, la perte totale entre 2010 et 2022 s'élève à 130 000 francs, selon l'entreprise spécialisée VZ. La conclusion de l'élu est sans appel:
. Pour ses calculs, il s'est appuyé sur les études sur les caisses de pension de Swisscanto, qui interroge chaque année plus de 500 entités sur leur évolution.
«Le paramètre décisif, c'est le taux de conversion du capital en rente», explique Nordmann. «Selon les données de Swisscanto, le taux de conversion effectif moyen pour les hommes de 65 ans a baissé de 6,74 à 5,37% entre 2010 et 2023».
Le taux de conversion légal de 6,8% ne s'applique qu'à la partie obligatoire de l'avoir de vieillesse. Or, la plupart des assurés ont également un avoir facultatif dont les caisses peuvent fixer le taux de conversion librement. Il se situe souvent nettement plus bas, entre 5 et 5,5% selon VZ.
«La mauvaise performance du deuxième pilier est due aux frais administratifs excessifs et aux mauvais rendements des placements», toujours selon le Vaudois:
Pour la Confédération en revanche, c'est bel et bien le cas. Le contexte défavorable lié au taux d'intérêt jouerait aussi un rôle.
Pour Roger Nordmann, il est clair que si la 13ᵉ rente AVS est acceptée, il faudra malgré tout une «réforme fondamentale» du deuxième pilier. En commençant par s'attaquer aux frais administratifs. «Ils s'élèvent à 6,8 milliards de francs par an, dont 5,1 milliards pour la seule gestion de la fortune».
La baisse du taux de conversion explique en partie la diminution des rentes. Mais il y a une autre raison: de plus en plus de jeunes retraités retirent tout ou partie de leur capital du deuxième pilier, comme l'ont révélé la Handelszeitung et le Blick.
Lukas Müller-Brunner, directeur de l'Asip, l'Association des institutions de prévoyance, le confirme. Il parle d'un «montant exorbitant». En 2022, 11,5 milliards de francs auraient été retirés:
Dans les statistiques, cela se traduit par des versements de rentes plus faibles. Lukas Müller-Brunner va même plus loin. Sans tous ces retraits en capital, les rentes auraient doublé, évalue-t-il:
Müller-Brunner critique donc le calcul de Roger Nordmann. «Comparer simplement les taux de conversion dans le temps et conclure à des réductions de rentes n'est pas sérieux. En réalité, la plupart des caisses de pension veillent à ce que les gens puissent maintenir le niveau des prestations». Cela se fait à deux niveaux, selon l'expert:
Chez Publica, la caisse de pension de la Confédération, ce sont désormais 50% des assurés qui perçoivent un capital au moment de leur retraite. La directrice Doris Bianchi le confirme. «Nous observons une nette tendance au retrait en capital sous une forme mixte», précise-t-elle. Une partie des fonds est perçue sous forme de capital, une autre sous forme de rente. On peut même en déduire une règle générale:
Le choix du capital a commencé quand les caisses de pension ont remplacé la primauté des prestations (rente garantie) par la primauté des cotisations (rente selon les versements). Et elle s'est encore accentuée avec les baisses du taux de conversion. Bianchi observe que l'industrie financière oriente «clairement les gens à toucher leur argent en une fois».
Et elle confirme: les caisses de pension auraient pour beaucoup augmenté les cotisations d'épargne pour compenser la baisse des taux de conversion. En fin de compte, ce sont donc effectivement les assurés qui en font les frais. Car le deuxième pilier ne prévoit pas de modèle de redistribution comme l'AVS.
En tant que directrice de Publica, Doris Bianchi est neutre vis-à-vis de la 13e rente AVS. Elle constate néanmoins: «Cette votation pointe du doigt le manque de transparence quant à la situation des seniors en matière de revenus».
(Traduit de l'allemand par Valentine Zenker)