Ce secteur de l'économie russe vit son âge d'or
L’économie russe montre des signes de fragilité sur de nombreux fronts. La guerre en Ukraine, qui engloutit des ressources et du matériel en quantité colossale, pèse lourdement sur le pays. Vladimir Poutine et les dirigeants du Kremlin sacrifient presque tout à cet effort militaire.
Alors que l’économie de guerre a longtemps soutenu la machine russe, d’autres secteurs ont nettement reculé. Mais il en est un qui, contre toute attente, profite pleinement des sanctions occidentales: le vin.
Le vin russe, grand gagnant des sanctions
Tandis qu’une grande partie de l’économie russe s’essouffle, un véritable boom s’est emparé du secteur viticole. Là où les rayons des supermarchés russes regorgeaient autrefois de bourgognes français ou de barolos italiens, c’est désormais un tout autre paysage. Les sanctions renforcées de l’Occident et des Etats-Unis après l’invasion de l’Ukraine ont profondément modifié les habitudes de consommation. Les clients se tournent désormais vers les producteurs locaux.
Les chiffres confirment cette tendance: les ventes de vin russe ont fortement progressé et représentent aujourd’hui environ 60% du marché, selon l’agence de presse Reuters. Il y a dix ans, cette part n’était que de 25%.
Taxes imposées sur le vin des «pays inamicaux»
«Le vin russe a conquis une part de marché très importante», explique Yury Yudich, président du Comité de viticulture russe de la Fédération des restaurateurs et hôteliers, à Reuters. Il souligne notamment le rôle des taxes majorées appliquées aux «pays inamicaux», qui ont contribué à faire du vin local l’un des rares gagnants de l’économie russe actuelle.
Depuis l’annexion de la Crimée en 2014, plus de 25 000 sanctions ont été imposées à la Russie, la majorité après le déclenchement de la guerre contre l’Ukraine en 2022.
«Peu à peu, le marché a changé et les prix ont grimpé. Les vins importés coûtent probablement 30 à 40% plus cher», précise-t-il, ajoutant que les consommateurs doivent encore «s’habituer au goût des vins locaux».
Dans les supermarchés moscovites, les étagères témoignent de ce basculement: on y trouve désormais surtout des crus russes, géorgiens et arméniens – là où les bouteilles françaises, italiennes ou sud-américaines dominaient il n'y a pas si longtemps.
Le vin russe renaît après des décennies de chaos
La viticulture russe, pourtant millénaire autour de la mer Noire, a connu un déclin dramatique au 20e siècle. D’abord à cause de la Révolution et de la guerre civile, puis en raison des campagnes anti-alcool menées à l’époque soviétique, notamment celle de Mikhaïl Gorbatchev en 1985.
Après l’effondrement de l’URSS en 1991, le secteur s’est lentement redressé. Des investisseurs ont racheté des terres dans le sud du pays et fait venir des œnologues français et italiens pour relancer la production.
Au domaine Côte Rocheuse, près de la mer Noire, ce renouveau se constate à vue d’œil:
Le domaine cultive des cépages classiques européens – merlot, cabernet sauvignon, pinot noir, chardonnay – ainsi qu’un cépage local, le «krasnostop zolotovsky», originaire de la région de Rostov. Les équipements sont pour la plupart français ou italiens, mais les vins ont une identité résolument russe, façonnée par le sol et le climat du pays.
Vladimir Poutine ne cesse de vanter la «résilience» de l’économie russe face aux sanctions. Dans le même temps, les entreprises et les fonctionnaires sont encouragés à trouver des moyens de les contourner, le président qualifiant régulièrement ces mesures de «contraires au droit international» et d’«injustifiées».
Galina Romanova, une touriste rencontrée au domaine Côte Rocheuse, résume l’état d’esprit ambiant:
Adapté de l'allemand par Tanja Maeder

