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Voici le salaire des patrons des CFF, la Poste et Swisscom

Combien gagnent les patrons du secteur public en Suisse? Voici la réponse

Selon plusieurs experts, les bonus en entreprise sont inefficaces et contre-productifs. Pourtant, la Confédération et les cantons les appliquent en nombre dans leurs entreprises publiques.
01.05.2023, 12:10
Florence Vuichard et Stefan Ehrbar / ch media
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Personne n'incarne le banquier de Wall Street mieux que lui: Gordon Gekko, icône du cinéma et modèle de toute une profession. Sa devise, «La cupidité, c'est bien», semble toujours montrer la voie, 35 ans après la sortie du film Wall Street (1987). Les faillites de banques et la crise financière n'ont rien pu changer.

Et ce, parce que personne ne veut, ou ne croit pouvoir faire quelque chose pour y remédier. Les erreurs ne peuvent pas être effacées, la ministre des Finances, Karin Keller-Sutter, l'a pourtant répété à plusieurs reprises depuis le sauvetage d'urgence du Credit Suisse. Une position que tout le monde ne partage pas et notamment la conseillère aux Etats, Eva Herzog, qui estime que la culture d'une banque peut tout à fait être modifiée, «et ce, en limitant le versement des bonus» aux patrons.

Des bonus injustifiés

Antoinette Weibel, professeur de gestion du personnel à l'université de Saint-Gall (HSG)
Antoinette Weibel, professeur de gestion du personnel à l'université de Saint-GallImage: dr

Antoinette Weibel, professeur de gestion du personnel à l'université de Saint-Gall (HSG), est du même avis. Elle ne se contenterait pas de limiter les bonus, mais les supprimerait complètement. En tout cas pour les patrons, comme elle le souligne. «Car chez les CEO, il n'y a pas de corrélation, ou tout au plus une très, très faible corrélation, entre la perception de bonus et la performance pour l'entreprise». Telle est la conclusion désabusée d'à peu près toutes les études scientifiques sur le sujet.

Un résultat que même les partisans du bonus ne peuvent pas ignorer. Ils expliquent désormais leur nécessité par les difficultés de recrutement. Sans bonus, disent-ils, il serait impossible de trouver de bonnes personnes pour le poste de chef. Antoinette Weibel ne croit pas à cet argument qui est régulièrement mis en avant par le secteur des conseillers en rémunération.

Selon elle, les bonus pour les chefs sont non seulement inefficaces, mais également contre-productifs. Des études montreraient qu'ils conduisent à des incitations erronées et parfois même à des manipulations du cours des actions. Par exemple, quand le chef est sur le point d'encaisser les bonus qui lui sont attribués sous forme d'options.

D'une manière générale, et pas seulement en ce qui concerne le chef, Weibel cite d'autres conséquences négatives provoquées par une culture du bonus: en plus des fausses incitations mentionnées, les bonus détruisent la motivation intrinsèque des collaborateurs. De plus, l'administration d'un système de bonus est également très coûteuse.

«Comme tout tourne autour de l'argent, le plaisir au travail est dévalorisé»
Antoinette Weibel

La Poste, les CFF et plus encore en profitent

La politique pourrait tout de même mettre un frein aux bonus dans les entreprises publiques. Mais elle ne veut pas entendre parler d'interdiction. Ni dans les entreprises fédérales, ni dans les banques cantonales, ni dans les entreprises énergétiques nationales, cantonales ou communales. Bien que l'avis des experts soit clair: «Les bonus n'ont rien à faire dans les entreprises publiques», déclare, par exemple, Roger Sonderegger, maître de conférences en gouvernance d'entreprise publique et conseiller d'entreprises et d'institutions publiques.

Qu'il s'agisse du directeur général des CFF, Vincent Ducrot, du directeur général de la Poste, Roberto Cirillo ou d'Alex Bristol, le capitaine de la surveillance aérienne Skyguide: tous perçoivent, en plus d'un salaire de base confortable, un bonus d'environ 100 000 francs.

Les dirigeants de Swisscom et de la division internationale de Ruag touchent nettement plus: Christoph Aeschlimann et André Wall reçoivent chacun une somme de plus de 250 000 francs.

Le leader en termes de bonus se trouve dans le secteur de l'énergie. Suzanne Thoma, la cheffe démissionnaire de BKW, une entreprise énergétique détenue majoritairement par le canton de Berne, a reçu des indemnités variables de 764 000 francs en 2021.

L'exemple de l'EWZ de la ville de Zurich montre néanmoins qu'il peut en être autrement: son directeur a gagné l'an dernier un maximum de 250 000 francs sans part variable, et sans que les lumières de la ville ne se soient éteintes jusqu'à présent. Le patron d'Axpo, Christoph Brand n'a pas non plus touché de bonus au cours de l'exercice écoulé. Il y a renoncé volontairement après avoir dû supplier l'Etat de lui accorder un crédit de liquidités de quatre milliards de francs.

Impossible de trouver des directeurs sans bonus dans les banques cantonales. Ils perçoivent des sommes allant de 100 000 à plus de 700 000 francs. La plupart d'entre eux atteignent ainsi une rémunération totale nettement supérieure à un million de francs. La transparence n'est, toutefois, pas de vigueur partout: le bonus du directeur général de la banque cantonale zurichoise (ZKB), le plus haut salaire de la catégorie, n'est même pas divulgué.

A chaque règle son exception. Le salaire du chef de la Banque cantonale d'Argovie (AKB), Dieter Widmer, a été plafonné par le parlement cantonal. Selon le paragraphe 11 de la loi sur l'AKB, il ne doit pas dépasser «le double du salaire brut d'un membre du Conseil d'Etat», ce qui correspond à environ 600 000 francs.

En comptant les cotisations aux assurances sociales et à la caisse de pension, Dieter Widmer arrive à un total d'un peu plus de 770 000 francs. Il reste tout de même le patron de banque cantonale le moins cher de Suisse.

Carte blanche pour le patron de la Banque cantonale de Zurich

Le monde politique a du mal à légiférer sur les rémunérations: suite au sauvetage du Credit Suisse, le parlement cantonal zurichois a ainsi refusé de fixer un montant maximal pour le salaire de son directeur de banque cantonale qui a plus que doublé au cours de la dernière décennie.

Comme le souligne Weibel, professeur à l'HSG, il n'existe pas de résultats scientifiques clairs sur les plafonds salariaux. Mais il est clair que des différences salariales trop importantes entre la rémunération du chef et les salaires les plus bas sont généralement considérées comme disproportionnées et entraînent un mécontentement. Et ce, non seulement chez les personnes ayant les salaires les plus bas, mais aussi chez celles qui gagnent bien leur vie.

Traduit et adapté par Nicolas Varin

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