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Armée suisse: 3 soldates racontent leur agression sexuelle

Strammstehen im Rotkreuzdienst, der die Armee unterstützt.
La proportion des femmes dans l'armée atteint actuellement 0,9 pour cent.image: Nicola Pitaro / VBS

3 soldates racontent leur agression sexuelle et comment l'armée a réagi

Trois décisions révèlent comment la justice militaire traite les crimes sexuels. Cependant, une question délicate se pose: est-il encore approprié que les tribunaux militaires tranchent dans ce genre de cas?
05.03.2023, 08:0005.03.2023, 10:50
Andreas Maurer / ch media
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La proportion de femmes dans l'armée doit atteindre dix pour cent. C'est l'objectif que s'est fixé la ministre de la Défense Viola Amherd. Elle en est loin. Actuellement, les femmes représentent 0,9% des effectifs.

Pourquoi ce chiffre est-il si bas? Les cas de harcèlement sexuel qui sont régulièrement rendus publics peuvent avoir un effet dissuasif sur les femmes. La justice militaire intervient chaque année pour environ cinq délits sexuels présumés. Et les condamnations? Les chiffres n'ont jamais été révélés.

Le groupe CH-Media (auquel appartient watson) a eu accès à trois jugements récents de la justice militaire. Ils donnent un aperçu du problème du sexisme dans l'armée suisse et montrent comment l'armée rend la justice dans de tels cas.

Cas 1: Une soirée de compagnie dégénère

La fête bat son plein, l'alcool coule à flots pour la colonne de train 13/1 ce soir-là. Cette unité opérant avec des chevaux est une formation plébiscitée par de nombreux soldats et soldates adeptes d'équitation. La proportion féminine atteint 25 pour cent.

Ce soir-là, une femme soldat en tenue de camouflage porte un camarade sur ses épaules. Avec ses mains, elle lui tient les jambes. Un autre soldat arrive et profite du fait qu'elle ne puisse pas se dégager. Il saisit alors ses seins avec ses deux mains.

Sans défense, la jeune femme est sous le choc par ce qu'elle vient de vivre. Elle se confiera plus tard à ce sujet. Au début, elle n'avait pas perçu l'incident comme particulièrement grave. Mais en y réfléchissant, elle se dit qu'elle ne devrait pas en rester là. Elle fait remonter le cas à la justice militaire.

La justice militaire règle l'affaire par une ordonnance pénale. L'auditeur – c'est ainsi que l'on désigne le procureur militaire – établit une proposition de jugement qui devient exécutoire si, comme dans ce cas, l'accusé ne fait pas opposition. L'auditeur considère la consommation d'alcool des deux participants comme une légère diminution de la peine. Mais la faute ne doit en aucun cas être minimisée, conclut-il. Elle est de gravité moyenne, ce qui vaudra une amende de 1000 francs au soldat.

La justice militaire, oldschool?

La justice militaire est une particularité suisse. En Allemagne et en Autriche, par exemple, elle a été supprimée. Dans notre pays, cette autorité militaire juge surtout les délits commis pendant le service militaire. Il existe, pour cela, un code pénal militaire et un code de procédure pénale spécifiques. Les délits punis sont les mêmes que dans la vie civile. S'y ajoutent des dispositions spécifiques à l'armée, comme celles relatives à la dilapidation de matériel ou au service militaire étranger.

Les tribunaux militaires se composent de cinq personnes: un président, qui est le seul à être juriste, deux officiers et deux sous-officiers ou membres de la troupe. Lors des audiences, ils se présentent en uniforme.

Il y a plus de 100 ans déjà, le parti socialiste demandait l'abolition de la justice militaire. Depuis, cette revendication politique est relancée à intervalles réguliers. Mais la critique s'essouffle à chaque fois. Elle ne fait pas le poids face à la tradition.

Autre argument non négligeable: la justice militaire est organisée selon un système de milice et la justice ordinaire n'est pas intéressée à prendre en charge les cas militaires, car elle est souvent surchargée.

Cas 2: Trop de proximité durant le Covid-19

Pendant la pandémie de Covid-19, la compagnie d'état-major du bataillon d'hôpital 5 loge dans un hôtel de séminaire à Sursee (LU). Son rôle: appuyer les autorités dans le cadre des mesures destinées à lutter contre la pandémie. C'est une période stressante pour les militaires. Ils sont confrontés à des situations d'urgence et surtout, ils doivent faire leurs preuves.

Pour une lieutenante, une nouvelle perspective se dessine à l'horizon. Le commandant de la compagnie, un major de 31 ans, lui fait miroiter une promotion. L'année suivante, elle pourrait devenir son adjointe.

Mais il ne s'intéresse pas seulement à ses compétences professionnelles. Peu avant minuit, il entre dans sa chambre. A partir de là, il existe deux versions des faits sur l'incident qui s'y déroule.

La lieutenante témoigne plus tard qu'il lui a proposé un massage du dos. Il était masseur et voulait soulager ses douleurs dorsales. Elle aurait refusé, tout en le remerciant, mais il aurait insisté. Elle avait le sentiment qu'un refus pourrait compromettre sa promotion.

Elle s'est donc allongée sur le lit. Son supérieur commence à lui masser le dos. Ses mains descendent de plus en plus. Il lui touche les fesses. Elle lui fait savoir qu'elle n'est pas d'accord. Dans la foulée, elle explique qu'elle ne se sent pas bien et qu'elle veut dormir.

Le commandant s'allonge dans le lit aux côtés de la jeune femme. Il glisse sa main sous son pull, caresse son ventre et tente de lui toucher la poitrine. Elle croise les bras pour le repousser. Ce n'est qu'après plusieurs demandes de la jeune femme qu'il finit par quitter la pièce.

Lors de son interrogatoire, le major se dit choqué par les accusations. Il ne reconnaît qu'une seule erreur. En tant que supérieur, il n'aurait pas dû entrer seul dans cette chambre. Il martèle qu'il a seulement aidé la lieutenante à résoudre ses problèmes. Il ne l'aurait même pas touchée.

La lieutenante reproche au major un deuxième incident similaire survenu la même semaine. Cette fois-ci, son récit s'avère quelque peu contradictoire. Sa crédibilité est mise à mal.

Le Tribunal militaire 2 ne parvient pas à se mettre d'accord lors de sa délibération. Il consigne les divergences dans les motifs écrits du jugement.

Pour une minorité des membres, il ne fait «aucun doute» que le premier incident s'est déroulé exactement comme la lieutenante l'a décrit.

La majorité du tribunal reconnaît des signes qui indiquent que la femme aurait pu effectivement vivre l'incident de cette manière. Mais elle considère les explications du major comme «plausibles, réalistes et compréhensibles». Le verdict tombe:

L'accusé est acquitté. Le juge a fait valoir le bénéfice du doute

L'auditeur fait appel. L'affaire sera donc portée devant la deuxième instance, la Cour d'appel militaire.

Les femmes jugent-elles différemment des hommes?

Les juges militaires sont désignés par le Conseil fédéral. Jusqu'à il y a quatre ans, la proportion de femmes était inférieure à cinq pour cent. Lors des élections de 2019, elle est passée à 20% puis est montée à 33% lors des élections de succession. Une forte augmentation en peu de temps et qui n'est pas le fruit du hasard. Le Département fédéral de la défense, de la protection de la population et des sports (DDPS) avait envoyé des lettres à toutes les femmes de l'armée pour les encourager à se porter candidates.

La part féminine reste inférieure à celle des tribunaux cantonaux, qui atteignent en moyenne 40 pour cent. Dans certains tribunaux civils, elles sont même devenues majoritaires, car de plus en plus de femmes étudient le droit.

Le droit militaire stipule que les femmes peuvent demander à ce qu'une juge siège dans le panel en cas de délits sexuels. La plupart du temps, ces affaires sont jugées par quatre hommes et une femme. Des questions de quota.

Dans l'affaire précitée, la juge femme s'est rangée du côté de la majorité. Elle a donc mis en doute les déclarations de la lieutenante. Il s'agit d'un schéma typique. Les juges femmes auraient tendance à porter un jugement plus critique sur le comportement d'autres femmes que les hommes.

Cas 3: Le lit dans la chambre des officiers

Un lieutenant fume une cigarette avec une soldate devant la caserne de Moudon (VD). Elle lui propose de lui faire visiter sa chambre. Une pièce qu'elle occupe seule, pour des questions d'intimité. Une fois sur place, il passe ses mains autour de ses hanches et l'embrasse langoureusement. Elle le repousse et lui demande en anglais:

«What are you doing?»

Il témoignera plus tard qu'il croyait sur le moment que la jeune femme était ironique. Il l'attire donc à nouveau contre lui et l'embrasse une seconde fois. Il la pousse ensuite sur le lit. Elle se débat: «Je voulais simplement te montrer ma chambre!». L'homme la maintient sur le lit en s'asseyant sur ses cuisses. Il tente de défaire sa ceinture.

Elle croise les jambes, paniquée, et lui dit qu'elle est encore vierge. Il lui répond que ce n'est pas grave, qu'elle ne le sera bientôt plus.

«Stop it!»
La soldate criant à la figure de son assaillant

Il laisse alors sa ceinture tranquille, mais soulève son t-shirt et s'en prend à sa poitrine. Il lui lèche et mordille les mamelons. La jeune femme révèlera plus tard, pendant son interrogatoire, qu'elle ne s'est jamais sentie aussi vulnérable qu'à ce moment-là. Au bout d'environ 20 minutes, il s'éloigne: son service de garde est sur le point de commencer.

Devant le tribunal militaire, ce qui est contesté n'est pas ce qui s'est passé, mais si cela a été fait de manière consensuelle. Le lieutenant affirme que la jeune femme en avait envie et qu'elle aurait répondu à ses baisers. Il admet avoir embrassé et léché ses seins, bien qu'elle ait dit non.

La première et la deuxième instance le condamnent pour contrainte sexuelle. Il écope d'une peine de prison avec sursis d'un an et doit être dégradé. Le jugement stipule:

«La confiance ne peut plus être accordée à un officier qui ne respecte pas de telles limites élémentaires vis-à-vis d'autres membres de l'armée.»

L'accusé fait appel. L'affaire est actuellement pendante devant la plus haute instance, le Tribunal militaire de cassation.

Les capacités d'un tribunal spécialisé

Les tribunaux militaires sont légitimés principalement parce qu'ils sont spécialisés. Ils connaissent tout de l'armée. Si les tribunaux cantonaux jugeaient les délits militaires, ils devraient souvent faire appel à des experts militaires. Des coûts non négligeables.

Mais cet argument n'est pas valable pour toutes les affaires. Dans le cas des délits sexuels, les tribunaux cantonaux font preuve d'une plus grande expertise. En effet, ils traitent plus souvent ce type d'affaires et les juges connaissent les spécificités du droit pénal sexuel et de l'analyse des déclarations grâce à leur expérience.

Noémie Roten a été conductrice de camion dans l'armée et travaille aujourd'hui comme juge suppléante dans des tribunaux militaires. Elle est aussi co-présidente de l'association Service citoyen pour la promotion de l'engagement de la milice. Elle estime qu'il est juste que les tribunaux militaires soient également compétents pour les délits sexuels. Car ils connaîtraient le fonctionnement de la vie sous les drapeaux.

Noémie Roten im Dienst.
Noémie Roten en service.image: zvg

Dans l'armée, il y a des dynamiques de groupe que l'on ne connaît pas dans la vie civile, explique-t-elle. En tant que femme, on se retrouve soudain dans une minorité de 0,9 pour cent. Les juges militaires sont particulièrement bien placées pour juger cette configuration particulière, car elles l'ont elles-mêmes vécue. «Elles savent comment les femmes se comportent en service et comment une femme se sent lorsqu'elle se déplace seule le soir dans une caserne au milieu de nombreux hommes», détaille-t-elle.

La proportion de femmes dans les tribunaux militaires est déjà nettement supérieure à la moyenne de l'armée. Il faudrait se concentrer sur l'engagement des femmes à l'école de recrues, estime Noémie Roten.

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