Vous êtes un défenseur du F-35, mais ces accidents et ces pannes, cela ne vous inquiète pas?
Alexandre Vautravers: Non. Si vous regardez le nombre d'accidents et de pannes de FA-18 C/D à travers le monde, tout au long de sa carrière, vous trouverez également des statistiques de pannes, d’accidents. Statistiquement le F-35 est un appareil qui a été jusqu’ici extrêmement sûr. Il faut ajouter à cela que cet avion est en train d'entrer en service, ce qui implique un facteur de risque supplémentaire, lié à la nouveauté, à la familiarisation des pilotes.
L'accident survenu en janvier ne permet pas en l’état de remettre en cause la technologie de l’avion. Il s’agissait d’un F-35C, la version «navalisée» destinée à opérer à partir de porte-avions, qui est entrée en service plus récemment que la version conventionnelle (F-35A) destinée à opérer à partir de pistes terrestres, plus longues. L’US Navy ne compte d’ailleurs que deux porte-avions transformés pour embarquer cet appareil et il s’agit seulement de la deuxième mission embarquée du F-35C. On peut donc dire que:
Finalement, il est difficile de comparer un porte-avion et une piste comme celle de Payerne qui est extrêmement longue. Les conditions ne sont pas comparables. Rappelons enfin que le pilote a pu s’éjecter malgré la situation critique.
Est-ce normal pour un avion de combat de connaître de tels problèmes?
N’anticipons pas sur les résultats de l'enquête, mais dans un cas de figure comme celui-là, il est très probable que l'action du pilote soit prépondérante sur un problème de l'appareil. Plus de 700 F-35 de différents types ont été livrés à 14 pays et opèrent actuellement depuis 21 bases aériennes à travers le monde. Je ne pense pas qu'ils connaissent un taux d'accident supérieur aux autres avions.
Question bête: est-ce qu'il y a une garantie sur ce genre d'appareils?
Les contrats militaires font plusieurs centaines de pages. Il faut s'imaginer toute une série de conditions et donc de prestations de garanties et d'assurances, notamment sur la qualité du produit. Un certain nombre de performances ont été avancées par le constructeur.
A chaque incident, des voix s'élèvent pour remettre en cause le choix du F-35. Cela a un sens à vos yeux?
Non parce que, sans parler des nombreux autres avantages de cet avion, il n'y a simplement pas d'autres choix possibles en fonction du calendrier suisse. Toutes les autres solutions sont plus compliquées ou plus chères. Afin de maîtriser les coûts, les Forces aériennes souhaitent exploiter un seul type d’avion de combat. La fin de vie des F/A-18 actuels est prévue entre 2027 et 2030. A cet horizon, le F-35A est le seul appareil qui sera avec certitude en production et dont la maintenance et le développement seront assurés entre 2030 et 2060.
Comment expliquez vous que ce débat passionne autant les Suisses?
Dans ma thèse sur l'histoire de l'armement en Suisse, je démontre que les commandes d'armements sont depuis longtemps des objets de discussion politique et intéressent toujours davantage l'opinion. Ceci est encore plus vrai dans le cas des acquisitions d’avions - depuis le milieu des années 1930. Depuis longtemps, le monde de l’aviation fait rêver et suscite davantage d’intérêt ou de curiosité, voire des opinions.