Berne, sous un ciel nuageux, en pleine journée: pour peu qu'on ait décidé de lever les yeux au sommet du Palais fédéral ce jour-là, on aurait aperçu une curieuse forme sombre se déplacer le long de la coupole. Est-ce un cambrioleur? Un ouvrier qui s'est égaré?
Rien de tout cela: c'est un jeune homme curieux et apparemment taquin qui a réussi à monter au sommet du bâtiment le plus important du pays. Pour cela, rien de plus simple: il a utilisé les échafaudages disposés autour de l'édifice, en restauration.
La vidéo alterne les prises de vue effectuées par le jeune curieux depuis le sommet de l'édifice et celles prises par ses amis, au sol. Comment a-t-il pu réussir à monter jusque-là?
En fin de vidéo, notre acrobate redescend et enjambe un paravent en bois, de deux mètres de haut environ certes, mais par-dessus lequel il passe facilement. Est-ce par ici qu'il est entré?
Cet évènement, qui survient trois mois après l'évacuation chaotique du Palais fédéral, fait ressurgir une question qu'on aurait pu oublier à nouveau: la sécurité des parlementaires à Berne est-elle assurée? Comment se fait-il que le jeune curieux n'ait pas été inquiété par qui que ce soit, alors même qu'il se trouvait au sommet du Palais fédéral aux yeux de tous, en plein jour?
Le conseiller aux Etats Andrea Caroni (PLR/AG), qui s'était montré particulièrement agacé par l'évacuation du Parlement en février, a réagi à cette vidéo:
Le sénateur complète: «Il va falloir déterminer comment cette personne a réussi à monter sur le toit et s'il y a des choses à améliorer au niveau sécuritaire.»
Si un simple curieux a réussi à entrer sur zone, une personne mal intentionnée aurait-elle pu entrer dans le bâtiment via une fenêtre ou une porte? Ou, plus grave: le scénario terroriste. Imaginons un homme armé sur le toit ou avec des explosifs: pourrait-il s'en prendre aux personnes présentes dans le bâtiment? Le fronton où l'acrobate se trouve à un moment, par exemple, est situé juste au-dessus du Conseil des Etats.
Du côté de l'office fédéral de la police, Fedpol, on admet n'avoir «eu connaissance de l'escalade du bâtiment du Parlement qu'après sa survenue». Le Service fédéral de sécurité (SFS), responsable de la sécurité du bâtiment et qui dépend de Fedpol, dit «rassembler tous les faits disponibles sur cet événement».
Le service de sécurité du Palais fédéral dit envisager de porter plainte pénalement. Toutefois, on explique qu'il «n'y avait pas de danger pour des tiers ou des parlementaires».
Fedpol indique ainsi sa volonté d'assumer un «rôle de conseiller» auprès du SFS «sur la nécessité et les moyens d'assurer une protection supplémentaire» et «pour d'éventuelles mesures techniques liées à l'infrastructure ou à la surveillance». Et rappelle que:
Patrick Carruzzo est fondateur de l'Académie suisse de sécurité. Pour cet expert du domaine, «c'est sûr que quand la routine s'installe et qu'il ne se passe rien, on baisse sa garde. Ce genre d'évènements permet de rehausser le niveau sécuritaire pour un mettre un petit coup de pression sur les services concernés».
Le SFS a-t-il failli à sa mission en laissant un individu monter sur le toit? «Je ne connais pas l'entièreté du dispositif. J'imagine que pour ce bâtiment important, il y a de la vidéosurveillance et des gens qui regardent», indique l'expert. Toutefois, des mesures existent pour limiter ce genre d'incidents:
L'intrus aurait-il pu profiter de ses acrobaties pour entrer dans le bâtiment sans se faire voir? Rappelons qu'au rez-de-chaussée, l'accès au hall principal est surveillé par des gardes armés et l'entrée des visiteurs fait passer ceux-ci à travers des caissons de détection de métaux, comme à l'aéroport.
Cet évènement fera-t-il office d'électrochoc pour les SFS quant à la sécurité des parlementaires au Palais fédéral? Si un autre incident doit arriver, on ne pourra pas dire que le service de sécurité n'était pas au courant des lacunes de son système.