Une intervention de grande envergure autour du Palais fédéral à Berne a suscité l'émoi ce mardi. En cause, un homme en tenue de combat tactique qui a tenté de pénétrer dans le bâtiment par l'entrée sud réservée aux visiteurs. La police cantonale bernoise a arrêté l'homme, qui portait aussi un gilet de protection et un holster de pistolet – vide – à la cuisse.
L'homme a carrément garé sa voiture en plein milieu de la Place fédérale. Comme la police ne pouvait pas exclure la présence d'explosifs à l'intérieur, elle a bouclé la zone sur une grande échelle.
Plusieurs bâtiments ont dû être évacués, dont le Palais fédéral. Plusieurs séances de commissions du Conseil national et des États s'y tenaient à ce moment-là. La police a levé l'alerte dès qu'elle a pu attester que la voiture ne contenait pas d'explosifs.
L'affaire n'est toutefois pas terminée. Car si le risque en tant que tel a rapidement été dissipé – l'homme souffre de problèmes psychiques et n'était pas une vraie menace – c'est précisément l'évacuation qui suscite aujourd'hui des doutes quant au bon fonctionnement du dispositif de sécurité fédéral, à Berne.
Le conseiller aux Etats Andrea Caroni (PLR/AR) faisait partie des personnes évacuées mardi. Mercredi matin, il a critiqué les mesures d'urgences prises par la sécurité du Parlement au micro de la RTS:
Il décrit l'évacuation:
Pour Andrea Caroni, il s'agit d'une «situation bizarre» et d'un «scénario idéal» si quelqu'un avait utilisé cette occasion pour s'en prendre aux parlementaires. Un scénario d'attentat crédible, au premier coup d'œil.
Comme il l'a expliqué au Blick, le groupe s'est ensuite déplacé vers l'Hôtel Bellevue, présent non loin et bien connu des parlementaires. Si tout le monde est resté calme, explique Andrea Caroni, il est clair pour lui que la situation n'était pas clairement sécurisée. Selon lui:
Tout ne s'est pour autant pas passé parfaitement. La conseillère aux Etats Brigitte Häberli-Koller (Centre/TG), qui travaillait dans son bureau, a été oubliée. Aucune alarme n'a retenti dans son bureau, l'équipe de sécurité ayant renoncé à déclencher un signal sonore dans certaines parties du Palais fédéral afin d'éviter un mouvement de panique
Tobias Vögeli est un des coprésidents des Jeunes Vert'libéraux et était présent dans le bâtiment au moment des faits. Et il a également été oublié durant l'évacuation. Il tweete:
Scary - gerade aus dem Bundeshaus evakuiert geworden (zuerst zwar vergessen gegangen😅) pic.twitter.com/eZmjlcvDnK
— Tobias Vögeli (@Tobias_Voegeli) February 14, 2023
Le conseiller national PS bâlois Eric Nussbaumer s'est montré un peu plus détendu. Sur Twitter, il a remercié l'Office fédéral de la police (Fedpol) et la police cantonale bernoise pour leur intervention.
De nombreuses questions restent donc ouvertes. Le dispositif de sécurité est-il suffisant en cas d'attaque coordonnée contre le Palais fédéral — un attentat? Pourquoi les parlementaires ont-ils mis autant de temps à quitter le bâtiment? Etait-ce bien sûr de les laisser à découvert à l'extérieur?
Interrogées sur ces éléments par l'auteur de ces lignes, les autorités fédérale se montrent pourtant particulièrement silencieuses.
Une des explications pourrait être le nombre de services déployés lors d'une évacuation. Une brève recherche montre que le dispositif de sécurité du Palais fédéral est composé de diverses hiérarchies, ce qui rend difficile une action rapide et coordonnée en cas de crise. Ce patchwork se remarque notamment au niveau du concept d'évacuation lui-même, dont la responsabilité varie:
Difficile de se dire qu'une évacuation peut être menée efficacement avec ce concept. De plus:
Interrogée sur les critiques de Caroni lors d'une conférence de presse mercredi, la vice-chancelière de la Confédération Viola Ahmerd n'a pas pu s'empêcher de lancer une petite pique, reléguant l'expérience du libéral-radical sur les services du Parlement qui sont responsables de l'évacuation des parlementaires.
Car au moment des faits, Viola Amherd se trouvait dans l'aile Ouest. Elle a donc été évacuée par la Chancellerie fédérale, et selon elle, tout s'est déroulé comme prévu et rapidement. Le porte-parole du Conseil fédéral André Simonazzi n'a, quant à lui, pas laissé passer les critiques sur l'intervention:
La décision d'évacuer a été prise après une analyse complète. Personne n'envoie les gens dehors «s'il y a un danger à l'extérieur». Néanmoins, les services du Parlement et Fedpol ont annoncé qu'ils apporteraient des améliorations si nécessaire. Et les services fédéraux ont indiqué que tout ce qui se passait à l'extérieur du bâtiment relevait de la police cantonale bernoise... Difficile de faire porter une responsabilité si les choses avaient mal tourné.
Si l'évacuation s'est terminée ainsi, ce n'est guère à cause des députés eux-mêmes. En effet, les conseillers aux États s'y étaient exercés il y a seulement deux ans, lors de la session d'automne 2021.
Le président du Conseil des Etats de l'époque, Alex Kuprecht (UDC/SZ), avait préparé un exercice d'évacuation en collaboration avec différentes organisations de l'administration. L'exercice avait eu lieu dans la foulée de l'attaque du Capitole, à Washington.
Les Services du Parlement alors s'étaient dits satisfaits sur Twitter: «Les députés et le personnel des Services du Parlement (environ 50 personnes) ont été évacués rapidement et en toute sécurité du bâtiment du Parlement.»