Mort et désolation après les orages et les précipitations massives de la semaine dernière. Dans la partie italophone des Grisons, le val Mesolcina, au sud du col du San Bernardino, a été particulièrement touché par les éboulements et les glissements de terrain. Plusieurs dizaines de personnes ont dû être évacuées de leurs maisons. Une partie de l'autoroute A13 a été emportée.
Comment expliquer l'ampleur des dégâts? La Suisse est un pays où les glissements de terrain ne doivent pas surprendre, répond Alexander Puzrin, professeur de géomécanique et de technique des géosystèmes à l'EPF de Zurich. Nous vivons certes dans un magnifique décor naturel, mais celui-ci comporte des dangers.
Pour les comprendre, il faut savoir comme se constitue une pente: différents dépôts de roches – des éboulis – qui, en temps normal, se maintiennent ensemble par la résistance au cisaillement. Il s'agit d'une résistance au frottement dans le sous-sol, sur laquelle l'eau a une influence en permanence. S'il pleut fortement et pendant un certain laps de temps, comme cela s'est produit ces dernières semaines, l'eau s'écoule profondément dans le sol et vers le fond de la vallée. Pendant longtemps, la résistance au cisaillement des éboulis et des roches maintient la cohésion du sol. Mais au bout d'un moment, la résistance ne suffit plus. Tout s'effondre alors, comme c'est le cas à de nombreux endroits dans la vallée de Mesolcina.
Le risque de glissement de terrain dépend de la perméabilité du sol. En général, une forte pluie n'est jamais bonne pour une pente raide, explique Alexander Puzrin. Si le terrain est principalement rocheux, les précipitations abondantes n'auront que peu d'effets. En revanche, avec une dominante sablonneuse et argileuse, l'eau pénètre alors lentement dans les sous-couches. Le niveau de la nappe phréatique augmente et la pente devient plus instable.
La grande quantité de neige qui recouvre les montagnes depuis cet hiver peut jouer le même rôle que les pluies prolongées. La fonte fait ensuite lentement grimper le niveau de la nappe et par conséquent aussi le risque de glissements de terrain. Car l'eau souterraine – on le rappelle – réduit la résistance au cisaillement des matériaux du sol.
Pour un sol terreux, une forte pluie n'est pas forcément un problème, car l'eau n'a pas le temps de pénétrer, mais s'écoule en surface. Dans les roches meubles, la pluie entre toutefois par les pores des éboulis et vient également, dans les cas extrêmes, réduire la résistance au cisaillement qui assure leur cohésion. Un éboulement peut se déclencher d'un moment à l'autre vers la vallée.
Pour qu'un glissement de terrain se produise, il faut des pentes raides, un sol constitué de roches meubles et beaucoup d'eau.
Reste à savoir si l'on ne pourrait pas prévoir de telles catastrophes. Selon le scientifique, en principe, il est possible de faire des prévisions sur les glissements de terrain et les éboulements. Dans les faits, cela n'est pas réalisable pour toute la Suisse. Tout au plus pour quelques endroits problématiques, pour lesquels il faut étudier la géologie et les conditions mécaniques du sol.
Une projection, par ailleurs, très coûteuse. A Fukushima, au Japon, des modèles avaient été établis pour un tsunami de sept mètres de haut au maximum. Mais la vague a dépassé les dix mètres et a inondé une centrale nucléaire. La nature réserve toujours des surprises, qu'on ne pourra jamais complètement éviter.
(Adaptation française: Valentine Zenker)