Toute personne qui prend le train souhaite voyager en toute sécurité. Cela implique que les aiguillages soient correctement réglés et que le passage au feu rouge soit strictement évité.
Garantir la sécurité du trafic ferroviaire nécessite une organisation complexe. Or, chaque pays possède traditionnellement ses propres systèmes de contrôle et de signalisation, ce qui crée une grande fragmentation en Europe.
Pour y remédier, on cherche depuis plus de vingt ans à instaurer une technologie commune, interopérable et harmonisée à l'échelle européenne: l'ERTMS (réd: «European Rail Traffic Management System»), ou système européen de gestion du trafic ferroviaire.
Le cœur de l'ERTMS réside dans la digitalisation des systèmes de contrôle et de signalisation, grâce au «European Train Control System» (ETCS). Au niveau 2, les conducteurs ne reçoivent plus leurs instructions via les signaux placés le long des voies, mais directement de manière numérique sur l'écran installé dans leur cabine de conduite.
Ce processus de digitalisation est en plein essor, notamment en Norvège, qui est jusqu'à présent le seul pays européen à avoir décidé de moderniser l'intégralité de son réseau ferroviaire, soit 4200 kilomètres de voies et 375 gares, au standard ETCS niveau 2. Le contrat, d'un montant de deux milliards d'euros, a été attribué en 2018 à Siemens Mobility.
L'ampleur du projet est considérable: le réseau comprend environ 700 tunnels et 2600 ponts. Il faut notamment installer 6000 moteurs d'aiguillages et 14 000 balises, points d'information indispensables. 335 postes d'aiguillage actuels seront supprimés et remplacés par un seul poste centralisé dont l'emplacement reste secret pour des raisons de sécurité.
Lors d'un récent voyage de presse, il a été possible de découvrir la situation en Norvège. Le trajet menait à Jaren, sur la ligne de Gjøvik au nord d'Oslo, la première ligne entièrement modernisée avec un système de contrôle et de signalisation informatisé. Environ la moitié des travaux est déjà achevée.
A la gare de Jaren, le passé et l'avenir se côtoient de près: la salle des commandes utilisée jusqu'à récemment est toujours visible. Ses fenêtres ornées de rideaux lui donnent un air presque muséal.
Effectivement, plus personne ne travaille ici. Le contrôle est désormais entièrement automatisé depuis un conteneur installé sur un quai. La digitalisation complète devrait être achevée d'ici 2034, promettant une meilleure fiabilité, une ponctualité accrue des trains et une fréquence de passage plus élevée.
Près d'Oslo, la société ferroviaire nationale norvégienne, Bane NOR, a créé un laboratoire de test où sont organisées des formations sur un tronçon de 50 mètres, équipé d'un passage à niveau miniature.
Et en Suisse? Alors que les lignes conventionnelles équipées de signaux extérieurs fonctionnent avec une version de l'ETCS niveau 1, selon l'Office fédéral des transports (OFT), dix sections de ligne utilisent déjà la signalisation en cabine ETCS niveau 2. Cela concerne notamment la nouvelle ligne entre Berne et Olten, les tunnels de base du Lötschberg, du Gothard et du Ceneri, ainsi que certains tronçons entre Lausanne et Sierre (VS).
La mise en œuvre est de la responsabilité des exploitants d'infrastructures, principalement les CFF. Ceux-ci prévoient de convertir trois tronçons supplémentaires au standard ETCS niveau 2 d'ici 2026: deux au Tessin, entre Lugano et Capolago ainsi qu'entre Bellinzone et Castione (en direction de la nouvelle usine industrielle des CFF), et un tronçon en Suisse romande, entre Lausanne et les communes vaudoises de Villeneuve et Bex.
Selon le directeur des CFF, Vincent Ducrot, la stratégie de digitalisation norvégienne est difficilement transposable à la Suisse, où le réseau est beaucoup plus sollicité et les intervalles entre trains plus courts. Dans un entretien avec la NZZ, Ducrot explique que la digitalisation seule ne permettrait pas d'augmenter davantage la fréquence des trains:
Traduit et adapté par Noëline Flippe