Carte journalière, fin d’une époque. Pour un certain nombre de communes et pas des moindres, Genève fait partie du lot mais ne le crie pas sur les toits, la fin arrive plus tôt que prévu. Une vraie tuile. Début février, on apprenait que l’actuelle carte journalière CFF, celle disponible auprès des mairies, serait remplacée dès janvier 2024 par une formule numérique s’inspirant des billets dégriffés. Le système des quotas communaux fera alors place à un contingent unique de cartes journalières, valant pour l'ensemble du territoire.
Mais 2023 n'est pas fini. Le régime actuel reste en vigueur jusqu'à la fin de l'année. Sauf que pour certaines communes, tout s’arrêtera déjà fin juin, dans un mois. Elles n’auront plus de cartes journalières à proposer à leurs administrés. Pourquoi? Parce qu’elles ont «oublié» d’en commander lorsqu’il en était encore temps.
C’est bien dommage, car le prix de ces cartes, autour de 45 francs l’unité, sans abonnement demi-tarif, est imbattable par rapport à l’offre ordinaire des CFF. En passant directement par la régie, il faut en effet débourser 75 francs pour obtenir une carte journalière en deuxième classe non dégriffée, et encore, à condition d'avoir un abonnement demi-tarif. C'est moins cher avec la tarification dégriffée, mais là aussi, sous réserve de détenir un abonnement demi-tarif, lequel a son prix, 185 francs par an pour un adulte. En comparaison, se fournir au guichet communal est plus avantageux.
Alors, que s’est-il passé? En décembre 2021, le consortium éditant les cartes journalières écoulées par les mairies, l'Alliance SwissPass, l'Association des communes suisses et l'Union des villes suisses, a envoyé un e-mail aux communes partenaires afin de les avertir qu’elles avaient jusqu’à décembre 2022 pour passer commande de cartes journalières pour l’ensemble de l’année 2023, rapporte à watson la directrice adjointe de l’Association des communes suisses, Claudia Kratochvil.
Détail qui a son importance: des communes avaient pour habitude d’effectuer leurs commandes selon l’année scolaire, de juin à juin. L'e-mail de décembre 2021 les concernait au premier chef. Et pour elles, cette fois-ci comme les fois précédentes, l’échéance arrive donc à fin juin. D'où la déconvenue de certaines à l'approche du dernier semestre.
Mais où avaient-elles la tête? La ville de Genève, d’autres communes genevoises, mais aussi Cugy dans le canton de Fribourg, Avenches dans le canton de Vaud, ne se sont manifestement pas souvenues de l'existence du courriel fatidique. Résultat, elles n’ont pas commandé à temps – décembre 2022 dernier délai – les cartes journalières pour tout 2023. Dans l’une des communes concernées, on grogne:
Genève a demandé au consortium s’il était possible d'obtenir des cartes journalières pour les six derniers mois de 2023, celui-ci n’a rien voulu entendre.
Les citoyens genevois recourant habituellement aux services de la commune devront se rabattre sur l’offre CFF, plus chère si l’on ne s’y prend pas suffisamment tôt, en tout cas plus onéreuse pour ceux qui ne possèdent pas d'abonnement demi-tarif. Les personnes âgées peu familières des applications de smartphone seront particulièrement touchées par la fermeture six mois durant du guichet communal dédié aux cartes journalières.
Josefine Trebeljahr, cheffe de l’unité d’information de la Ville de Genève, le confirme:
Elles ne pourront pas être honorées. «La carte journalière, Genève en proposant 60 par jour, représente pour le public genevois un moyen de voyager dans toute la Suisse à un prix raisonnable», ajoute la cheffe de presse comme exprimant un regret face à ce gâchis. Dans le canton du bout du Léman, une dizaine de communes, parmi elles, Jussy et Dardagny, sont dans la même situation que le chef-lieu, qui jusqu'à présent déboursait à lui seul plus de 800 000 francs annuellement en cartes journalières.
A Avenches, 4400 habitants, c’est aussi la soupe à la grimace. En 2022, la commune vaudoise a vendu 1600 cartes journalières, avec un quota de cinq par jour. Elle en écoulera la moitié moins cette année. Ses prix, pour un mois encore, sont les suivants: 40 francs pour les habitants de la commune, 50 francs pour les personnes n’y vivant pas, 30 francs pour les AVS et étudiants.
Chez les Fribourgeois de Cugy, 1800 âmes, le quota est de 2 cartes par jour, 720 à l’année, achetées comme partout 38 francs pièce au consortium, soit un total de 28 000 francs. La revente à la clientèle, 43 francs aux résidents, 48 aux autres, permet d’engranger un petit pécule et de couvrir la perte générée en cas d'invendus.
Il semblerait toutefois, comme nous l’indique Bruno Galliker, porte-parole pour la Suisse romande de l’Alliance Swiss Pass, l’un des trois membres du consortium éditant les sets de cartes journalières proposées aux communes, que ces dernières aient reçu un e-mail de rappel en juin 2022. «On ne l’a peut-être pas vu», réagit-on à Cugy.
En 2024, toutes les cartes journalières seront nominatives. Ce n’est pas le cas de celles actuellement vendues par les communes, d’où un certain flou auquel le consortium a souhaité mettre fin. Il sera toujours possible, pour les personnes âgées notamment, de s’adresser aux guichets des mairies. Le principe du billet dégriffé, avec tarif dégressif, sera partout appliqué. Commandée jusqu’à 10 jours à l’avance, une carte journalière en deuxième classe coûtera 39 francs avec un abonnement demi-tarif, 52 francs sans.
La nouvelle offre communale, qui donne l’avantage aux titulaires de l’abonnement demi-tarif, rencontre des critiques. Claudia Kratochvil, la directrice adjointe de l’Association des communes suisses, y répond:
La commune d’Avenches n’est pas convaincue par le nouveau régime. Elle ne l’appliquera pas. Du moins pas sous sa forme prévue. En lieu et place, elle accordera une subvention qui pourrait s’élever à 15 francs à tout résident achetant une carte journalière.
La commune de Lausanne, elle, a commandé à temps ses cartes journalières pour l'ensemble de l'année 2023. Elle s'y est prise en octobre 2022.