«La relation avec la Chine est dans l'impasse», annonçait la NZZ am Sonntag le week-end dernier. Pékin serait irrité par les critiques de plus en plus vives à l'encontre de sa politique vis-à-vis des Ouïghours. La Chine aurait donc gelé le développement de l'accord de libre-échange. Cet accord est entré en vigueur en 2014. Il est d'ailleurs le seul que la Chine ait conclu avec un pays occidental.
Cet accord a porté ses fruits. Le think tank Avenir Suisse a, en effet, montré à quel point la Chine était devenue importante pour l'économie suisse. L'étude pointe:
En 2020, la Suisse a exporté des biens et des services vers la Chine pour une valeur de 14,7 milliards de francs. Les importations se sont élevées à 16,1 milliards de francs.
Après l'Allemagne et les Etats-Unis, la Chine est désormais le troisième plus grand partenaire commercial de la Suisse. L'époque où le pays exportait des machines et des produits pharmaceutiques à haute valeur ajoutée et importait des t-shirts et des jouets appartient depuis longtemps au passé. La Chine est devenue «l'atelier du monde» et un élément central des chaînes d'approvisionnement mondiales. Si les chaînes de production s'arrêtent là-bas, on en subira tous les conséquences ici.
La Chine est également devenue un investisseur important en Occident. En Suisse, les Chinois se sont, par exemple, emparés du groupe agroalimentaire Syngenta et – certes secondaire sur le plan économique, mais symbolique – du club de football zurichois des Grasshoppers.
L'importance économique croissante est inversement proportionnelle à l'évolution géopolitique. Dans la guerre en Ukraine, Pékin s'est clairement rangé du côté de la Russie. Au vu de la question non résolue de Taïwan, cela nourrit la crainte que le président Xi Jinping ne fasse comme son homologue Vladimir Poutine et ne planifie lui aussi une invasion de l'île.
Actuellement, les relations économiques sont ternies par le traitement que réserve la Chine aux Ouïghours. La publication des «Xinjian Police Files» a montré une fois de plus à quel point les agissements contre cette minorité sont inhumains. Ainsi, le président du parti du Centre suisse, Gerhard Pfister, a déclaré à la NZZ am Sonntag:
L'ambassade chinoise conteste la rupture des négociations sur un développement de l'accord de libre-échange. La Suisse est de plus en plus prise entre le marteau et l'enclume dans la question chinoise. Cela n'est pas seulement lié à des questions de droits de l'homme, mais aussi à des questions d'économie.
La Chine continue d’appliquer intensément sa politique Covid. Lorsque les premiers cas du variant Omicron sont apparus, Pékin a donc de nouveau réagi en imposant un confinement strict. A Shanghai, par exemple, les habitants n'ont pas été autorisés à quitter leur domicile pendant 70 jours. Ce n'est qu'hier que cette réglementation a été en grande partie levée.
Le confinement n'a pas seulement irrité les gens, il a également causé des dommages économiques considérables. Ainsi, à Shanghai, la consommation dans le commerce de détail s'est effondrée de près de moitié, la production industrielle a chuté de 62% et les exportations de 42%. On peut donc se demander si la Chine atteindra cette année son objectif de croissance annoncé de 5,5 points de pourcentage.
Aujourd'hui, ce dicton ne correspond que partiellement à la réalité. L'économie chinoise est désormais la deuxième plus grande du monde et est devenue la locomotive de l'économie mondiale. Plus de la moitié de l'augmentation du commerce mondial de ces dernières années est à mettre au compte de la Chine.
L'économie chinoise semble actuellement en mauvaise posture. La crise immobilière est loin d'être terminée, le système bancaire est considéré comme fragile et la politique stricte, due à la pandémie, a étouffé la demande de consommation. A cela s'ajoute le fait que le président Xi Jinping s'attaque énergiquement au secteur privé et aux nouveaux milliardaires.
Cela a des conséquences: «L'économie idéologique du président chinois a de grandes répercussions sur le monde», a récemment constaté The Economist:
La Chine est le plus grand gagnant de la mondialisation. Néanmoins, la démondialisation devient un sujet de discussion à Pékin également. Le président Xi Jinping parle depuis peu à nouveau d'«indépendance» et rappelle ainsi fatalement l'époque de Mao Zedong. Une époque où la Chine ne faisait pratiquement pas de commerce avec l'étranger. Xi Jinping demande expressément aux gens de devenir plus indépendants de l'Occident et de se débrouiller comme cela autant que possible.
Les tensions entre les Etats-Unis et la Chine sont déjà considérables, aujourd'hui, et ne feront qu'augmenter. Nous en ferons également les frais. On peut lire dans l'étude d'Avenir Suisse:
La guerre en Ukraine a montré que la Suisse ne peut plus se baser sur sa neutralité dans un tel conflit. Elle doit profiter le plus longtemps possible de sa marge de manœuvre – de plus en plus étroite –, conseillent les auteurs de l'étude. Mais en cas d'urgence, la Suisse doit prendre position. Non seulement pour des raisons morales, mais aussi pour des raisons économiques. Car «dans les décennies à venir, l'UE et probablement aussi les Etats-Unis resteront les plus grands partenaires commerciaux de la Suisse», conclut l'étude.
Traduit de l'allemand par Léon Dietrich