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Cinéma

«Bisons»: un film qui fait honneur au cinéma suisse

Bisons apporte un vent de fraicheur bien loin des clichés du cinéma Suisse.
Bisons apporte un vent de fraicheur bien loin des clichés du cinéma Suisse. Image: Ascote Elite

Un film suisse coup de poing et coup de cœur

Dans son troisième long métrage, le Fribourgeois Pierre Monnard livre un film social et brutal qui prend place dans la campagne hivernale du Jura vaudois.
08.02.2024, 18:4909.02.2024, 11:53
Sainath Bovay
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Un jeune paysan champion de lutte à la culotte est entraîné par son frère dans une série de combats clandestins susceptibles de leur procurer l’argent qui permettrait de sauver la ferme familiale. Tel est le synopsis du nouveau film de Pierre Monnard, sorti dans les salles romandes ce mercredi 7 février.

Ce Fribourgeois de 47 ans est une valeur sûre du (maigre) paysage cinématographique suisse. Après Recycling Lily en 2013, et Les enfants du Platzspitz en 2020, le réalisateur a vu son nom présenté au Prix du cinéma suisse plus d'une fois. Bisons est d'ailleurs en lice dans cinq catégories cette année dont les prix seront décernés le 22 mars. Le film est d'ailleurs doublement nominé dans la catégorie Meilleure interprétation masculine. Un prix qui sacrera Maxime Valvini ou Karim Barras, les deux acteurs incarnant ces deux frères que tout oppose et qui vont devoir réapprendre à s’aimer pour sauver ce qui reste.

Cette année est un bon cru pour le cinéma helvétique. Ciao-ciao bourbine de Peter Luisi s'avère être un vrai succès national. Un succès légitime pour une comédie qui a l'intelligence d'être populaire et fédérant grâce à son scénario les quatre régions linguistiques.

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Cependant, le film de Pierre Monnard est d'un tout autre registre. Bisons est un film crépusculaire, un drame social sur fond de ruralité, dans un hiver cru que l'on aurait tendance à voir dans le cinéma nordique.

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Vidéo: watson

Dur comme l'hiver

Le film aborde la précarité paysanne, où les heures ne sont pas comptées et les dettes s'accumulent. La famille Chappuis compte des vachers dont la ferme, qui peine à être rentable, risque d'être saisie à la suite de nombreuses dettes accumulées par leur patriarche aujourd'hui décédé. Steve (Maxime Valvini), s'occupe des vaches, vit avec sa mère veuve et s'adonne à la lutte suisse, sport dans lequel il excelle. Un homme intègre et bienveillant dans un corps puissant et tatoué qui en impose.

Lorsque son frère Joël (Karim Barras) tout juste sorti de prison, découvre l’inéluctabilité de la perte de la ferme, il voit en son frère une solution d'argent facile qui pourrait tout sauver. S'ensuivra une descente dans les bas-fonds des combats clandestins. Une immersion réaliste et sordide à Lyon, et Marseille, où les coups sont portés sans retenue, et l'honneur est laissé au vestiaire.

Maxime Valini dans son premier rôle.
Maxime Valini dans son premier rôle. Un talent brut qui ne demande qu'à sortir.Image: Ascot Elite

Le film reprend quelques archétypes, notamment du film noir, et prend la direction du drame. Celui-ci porte une humilité bienvenue. Alors que dans les mains d'un Luc Besson, Bisons aurait été un film d'action faisant la part belle à la baston, chez Pierre Monnard, la bagarre ne sera montrée que lorsqu'elle est nécessaire, apportant une vraie dimension viscérale. Ici, un simple crochet bien placé peut mettre un homme à terre et lui détruire la moitié du visage.

La caméra de Pierre Monnard, toujours au plus proche de son personnage, plonge le spectateur avec lui dans cette descente aux enfers. Un rapport à la mise en scène intimiste dans lequel se mêle le western dans sa manière de filmer ce Jura couvert par un manteau de neige. Sorte de Fargo en terres romandes, Bisons pousse un personnage fondamentalement bon à devenir une bête forcée de mettre de côté son humanité pour sauver les siens.

Au travers de sa métaphore sur la condition de ces laissés-pour-compte qui doivent parfois sombrer dans l'illégalité pour leur survie, le film est avant tout une chronique familiale, une histoire de sacrifice, de pardon et d'amour fraternel.

Un acteur qui porte le film

Au-delà de cette ambiance unique qui se dégage de cette campagne crue quelque part entre la vallée de Joux et le val de travers, le film ne pourrait exister sans la présence de son acteur principal. Une montagne de muscles, un cœur doux, une voix posée, Maxime Valvini est impérial dans sa partition de brut au grand cœur incapable d'exprimer ses émotions. Un rôle qui lui était visiblement destiné, puisqu’avant d'embrasser une carrière d'acteur, dont Bisons est le premier film, Maxime avait fait des études au Centre de Formation Professionnelle Nature et Environnement de Lullier, puis plusieurs emplois dans le milieu paysan suisse. Il a commencé ensuite à travailler sur les plateaux de cinéma en 2015 en tant que perchman et ingénieur du son. Il pratique également le jiu-jitsu, un art martial qui le rapproche encore un peu plus de son personnage. Un rôle sur mesure qu'il interprète à merveille, sans jamais paraître amateur, alors qu'il l'est.

Bisons est un bon film, un très bon film même, puissant et brut comme la carrure de son interprète. Une noirceur qui contraste, avec un parfait équilibre, avec la douceur de son écriture.

Le scénario brosse avec justesse les liens familiaux, ainsi que la vision de la campagne et de ses habitants. Un petit film, simple, mais marquant, à l'image de cette scène de bison dans la neige qui laissera une empreinte dans la rétine des spectateurs. Lorsque l'on voit la qualité de Bisons, on ne peut que se réjouir de la prochaine œuvre de Pierre Monnard, actuellement en plein tournage de la série Winter Palace, coproduite par la RTS et Netflix.

Bisons de Pierre Monnard, en salle depuis le mercredi 7 février 2024. Durée: 103 min.

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