L'été 2023 a été extraordinairement chaud. Dans le monde entier, les vagues de chaleur ont provoqué nombre de catastrophes naturelles et en Suisse aussi, le thermomètre est grimpé, et ce jusqu'en septembre.
Parmi les acteurs du changement climatique pointés du doigt: l'aviation. Depuis des années, la branche est clouée au pilori dans le débat sur le climat en raison de son impact sur l'environnement. Et elle a beau se fixer des objectifs pour un trafic aérien sans émissions, ceux-ci ne vont pas être atteints de sitôt.
Mais si la branche est une des causes du réchauffement climatique, elle est, ironiquement, aussi l'une de ses victimes. Y compris au sein de la compagnie nationale Swiss. Le magazine de son association de pilotes, Aeropers, a d'ailleurs consacré un grand article (en allemand) à ce sujet sous le titre: «Plus humide, plus chaud, plus violent: la météo change».
Et un monde plus chaud et orageux, cela ne va pas sans créer des changements importants pour les pilotes, notamment lors de l'interprétation des prévisions météorologiques pour un vol. On peut ainsi lire:
En 2024, un orage est complètement différent d'il y a 30 ans: «Les orages sont destinés à devenir plus grands, durer plus longtemps et s'accompagner de vents plus lourds et violents, de précipitations et de givrage. Mais tout cela, nous ne le savons pas encore précisément.»
L'association des pilotes de Swiss renvoie à un cas concret survenu fin juillet, en Italie. Peu après le décollage d'un Boeing 767 de Milan en direction de New York, les passagers et les membres d'équipage du vol 185 de Delta Airline ont pu constater à quel point un orage peut devenir violent. Au départ, une tempête modérée avec un vent léger était prévue. Mais peu après le décollage, il était clair que l'orage était beaucoup plus violent que prévu.
L'avion a été fortement touché par la grêle. Les grêlons ont transpercé l'aile à plusieurs endroits et le nez de l'appareil a été complètement détruit.
Selon l'association des pilotes de Swiss, ce vol est la preuve que le contournement à grande échelle d'un orage peut parfois s'avérer vital. La conclusion:
Hormis les orages, l'augmentation de la température en tant que telle a un impact direct lors du vol. Car la puissance d'un moteur dépend notamment de la température ambiante. Plus il fait chaud, plus la densité de l'air est faible, et plus la puissance du moteur est réduite. Et de donner en exemple concernant l'aéroport de Zurich:
Selon le porte-parole d'Aeropers Roman Boller, la politique en matière de bruit décidé dans le canton de Zurich complique les choses: «Nous devons parfois décoller avec un vent arrière pour réduire le bruit, ce qui réduit le poids maximal possible au décollage.» Si des températures élevées s'y ajoutent, cela a une influence supplémentaire, ajoute-t-il.
Roman Boller explique qu'il peut en résulter des changements de piste à court terme et des retards. Lors des chaudes journées d'été, la puissance maximale des moteurs ne permet plus de brasser la même quantité d'air. En conséquence: il peut arriver de devoir laisser une partie de la charge utile de l'avion derrière. Aeropers fournit un exemple concret:
Dans une telle situation, le poids total pouvant être déplacé est dépassé d'environ dix tonnes. Une partie de la charge utile de l'avion doit alors rester au sol, avec des conséquences pour la rentabilité de Swiss.
Aux Etats-Unis, de telles mesures ont déjà été nécessaires cet été. Début juillet, de nombreux passagers ont dû quitter un avion de Delta Airlines parce que les moteurs de l'appareil, qui devait voler de Las Vegas à Atlanta, ne pouvaient pas assurer son décollage à cause de l'air ambiant, beaucoup trop chaud.
La compagnie aérienne a déclaré qu'elle allait introduire des mesures supplémentaires pour réagir à la chaleur extrême. Elle a évoqué trois possibilités:
La compagnie aérienne américaine Allegiant a d'ailleurs déjà prévenu qu'elle serait obligée de reporter des vols si la chaleur représentait un danger pour la sécurité des passagers. Il y a six ans déjà, des chercheurs de l'Université Columbia à New York étaient parvenus à la conclusion que 10-30% de tous les décollages pourraient être concernés par des restrictions dues à la chaleur dès le milieu du siècle.
Mais les pilotes de Swiss sont également confrontés à des défis accrus durant la saison froide. La tendance à long terme en Suisse est à des hivers plus chauds, mais plus humides. D'un côté, une diminution des jours enneigés signifie moins de fermetures de pistes et de déneigements. Mais de l'autre:
Cela coûtera à la compagnie aérienne de l'argent et un temps précieux. La conclusion de l'article: «En tant que pilotes, le changement climatique nous met de sacrés bâtons dans les roues.» Ou, pourrait-on dire: dans le train d'atterrissage.
Traduit et adapté de l'allemand par Léa Krejci