Suisse
Climat

Le réchauffement climatique pose des problèmes aux pilotes

Ein Pilotin der Swiss im Cockpit.
Le réchauffement climatique pose bien des problèmes dans le domaine de l'aviation.Tom Haller/Swiss

Grêles, orages: les pilotes suisses craignent le réchauffement climatique

La multiplication des tempêtes et la hausse des températures imposent des changements fondamentaux au trafic aérien. Les employés de Swiss partagent leurs réflexions.
02.10.2023, 06:0702.10.2023, 10:14
Benjamin Weinmann / ch media
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L'été 2023 a été extraordinairement chaud. Dans le monde entier, les vagues de chaleur ont provoqué nombre de catastrophes naturelles et en Suisse aussi, le thermomètre est grimpé, et ce jusqu'en septembre.

Parmi les acteurs du changement climatique pointés du doigt: l'aviation. Depuis des années, la branche est clouée au pilori dans le débat sur le climat en raison de son impact sur l'environnement. Et elle a beau se fixer des objectifs pour un trafic aérien sans émissions, ceux-ci ne vont pas être atteints de sitôt.

Mais si la branche est une des causes du réchauffement climatique, elle est, ironiquement, aussi l'une de ses victimes. Y compris au sein de la compagnie nationale Swiss. Le magazine de son association de pilotes, Aeropers, a d'ailleurs consacré un grand article (en allemand) à ce sujet sous le titre: «Plus humide, plus chaud, plus violent: la météo change».

Des orages plus chauds et imprévisibles

Et un monde plus chaud et orageux, cela ne va pas sans créer des changements importants pour les pilotes, notamment lors de l'interprétation des prévisions météorologiques pour un vol. On peut ainsi lire:

«Notre travail quotidien est directement impacté. Davantage d'orages et de tempêtes, cela implique inévitablement des répercussions lors des nos planifications des vols»
Aeropers

En 2024, un orage est complètement différent d'il y a 30 ans: «Les orages sont destinés à devenir plus grands, durer plus longtemps et s'accompagner de vents plus lourds et violents, de précipitations et de givrage. Mais tout cela, nous ne le savons pas encore précisément.»

L'association des pilotes de Swiss renvoie à un cas concret survenu fin juillet, en Italie. Peu après le décollage d'un Boeing 767 de Milan en direction de New York, les passagers et les membres d'équipage du vol 185 de Delta Airline ont pu constater à quel point un orage peut devenir violent. Au départ, une tempête modérée avec un vent léger était prévue. Mais peu après le décollage, il était clair que l'orage était beaucoup plus violent que prévu.

«L'équipage a réussi à contourner le centre de l'orage, mais le 767 a été si violemment malmené par les grêlons que les pilotes ont décidé d'atterrir en urgence à Rome»
Aeropers

L'avion a été fortement touché par la grêle. Les grêlons ont transpercé l'aile à plusieurs endroits et le nez de l'appareil a été complètement détruit.

Ende Juli geriet der Delta-Flug 185 von Mailand nach New York in ein gefährliches Sommergewitter, bei dem Hagelkörner die Nase des Flugzeugs völlig zerstörte.
Les images sont saisissantes.Vola Malpensa

Selon l'association des pilotes de Swiss, ce vol est la preuve que le contournement à grande échelle d'un orage peut parfois s'avérer vital. La conclusion:

«En tant que pilotes, nous devons nous habituer au fait que le climat change et avec lui la météo, soit un des principaux facteurs influençant notre quotidien»
Aeropers

La politique en matière de bruit pose problème

Hormis les orages, l'augmentation de la température en tant que telle a un impact direct lors du vol. Car la puissance d'un moteur dépend notamment de la température ambiante. Plus il fait chaud, plus la densité de l'air est faible, et plus la puissance du moteur est réduite. Et de donner en exemple concernant l'aéroport de Zurich:

«A Kloten, des décollages sont effectués à la limite de la performance de l'appareil, pour raisons politiques. Avec la chaleur, cela pourrait entraîner davantage de problèmes»
Aeropers

Selon le porte-parole d'Aeropers Roman Boller, la politique en matière de bruit décidé dans le canton de Zurich complique les choses: «Nous devons parfois décoller avec un vent arrière pour réduire le bruit, ce qui réduit le poids maximal possible au décollage.» Si des températures élevées s'y ajoutent, cela a une influence supplémentaire, ajoute-t-il.

«On opère à la limite des performances possibles. A cause de ces obligations, un avion lourdement chargé doit parfois décoller avec ses moteurs au maximum»
Roman Boller

Roman Boller explique qu'il peut en résulter des changements de piste à court terme et des retards. Lors des chaudes journées d'été, la puissance maximale des moteurs ne permet plus de brasser la même quantité d'air. En conséquence: il peut arriver de devoir laisser une partie de la charge utile de l'avion derrière. Aeropers fournit un exemple concret:

«Un avion long-courrier de type A340 avec un poids maximal au décollage de 275 tonnes peut décoller normalement avec une température de 15 degrés, avec ses moteurs à fond. Mais si le thermomètre monte à 35 degrés, cela n'est plus possible.»
Aeropers

Dans une telle situation, le poids total pouvant être déplacé est dépassé d'environ dix tonnes. Une partie de la charge utile de l'avion doit alors rester au sol, avec des conséquences pour la rentabilité de Swiss.

Des passagers doivent renoncer à leur vol

Aux Etats-Unis, de telles mesures ont déjà été nécessaires cet été. Début juillet, de nombreux passagers ont dû quitter un avion de Delta Airlines parce que les moteurs de l'appareil, qui devait voler de Las Vegas à Atlanta, ne pouvaient pas assurer son décollage à cause de l'air ambiant, beaucoup trop chaud.

La compagnie aérienne a déclaré qu'elle allait introduire des mesures supplémentaires pour réagir à la chaleur extrême. Elle a évoqué trois possibilités:

  • réduire la quantité de carburant qu'elle transporte dans ses réservoirs,
  • mettre moins de bagages ou de passagers à bord,
  • attendre que les températures baissent et décoller dans la soirée.

10 à 30% des décollages concernés

La compagnie aérienne américaine Allegiant a d'ailleurs déjà prévenu qu'elle serait obligée de reporter des vols si la chaleur représentait un danger pour la sécurité des passagers. Il y a six ans déjà, des chercheurs de l'Université Columbia à New York étaient parvenus à la conclusion que 10-30% de tous les décollages pourraient être concernés par des restrictions dues à la chaleur dès le milieu du siècle.

Mais les pilotes de Swiss sont également confrontés à des défis accrus durant la saison froide. La tendance à long terme en Suisse est à des hivers plus chauds, mais plus humides. D'un côté, une diminution des jours enneigés signifie moins de fermetures de pistes et de déneigements. Mais de l'autre:

«Les jours d'hiver secs devenant plus rares, nos avions devront être dégivrés plus souvent»
Aeropoers

Cela coûtera à la compagnie aérienne de l'argent et un temps précieux. La conclusion de l'article: «En tant que pilotes, le changement climatique nous met de sacrés bâtons dans les roues.» Ou, pourrait-on dire: dans le train d'atterrissage.

Traduit et adapté de l'allemand par Léa Krejci

Elle voit un fantôme dans l'avion
Video: watson
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