Longtemps, même les Vaudois en convenaient, la chose allait de soi pour les Jurassiens et les Valaisans, Genève fut la capitale de la Suisse romande, son Paris. C’est fini. La voilà, non pas devancée, mais dépréciée. Prenons la ligne CFF du pied du Jura: pour rejoindre Genève en partant de Neuchâtel, il faut – on ne le découvre pas, mais on ne s’y fait pas – changer à Renens, de train et de quai, sauf exception confirmant la règle du nouvel horaire de la régie fédérale.
En choisissant Genève pour lieu de sa conférence de presse, tenue ce vendredi, les communes de l’Arc jurassien mécontentes des réformes introduites par les CFF ont voulu dire toute l’importance qu’elles accordent au statut de la cité-canton dans l’ensemble confédéral. Or, supprimer les liaisons ferroviaires directes avec Genève et son aéroport sur l’un des axes Est-Ouest de la Suisse, c’est dévaluer le statut de Genève, partant, celui de la Suisse romande, qui vit mieux avec deux poumons sains, le genevois et le lausannois.
Il est loin le temps de la Genève rayonnant de la victoire du général Dufour sur les troupes du Sonderbund. Ce n’est pas qu’elle vend les bijoux de la couronne, c’est qu’elle les perd, ou se les fait voler, ce qui revient au même. A la RTS, le départ de l’«info» de la «tour», située sur le mythique Quai Ernest-Ansermet, pour Ecublens dans la banlieue de Lausanne, est sans doute le symbole le plus marquant du déclassement genevois.
La ville et le canton restent riches de leurs Aga Khan toujours vivants, de leurs courtiers, de leurs marques horlogères prestigieuses, sources d’abondantes rentrées fiscales, mais le décrochage les guette. On craint qu’il ne soit à l’œuvre: le raccordement ferroviaire et la télé, donc, mais aussi le déménagement annoncé de la multinationale SGS pour Zoug, le choix de Bâle pour l’organisation de l’Eurovision, l’installation dans le chef-lieu vaudois de l’école romande de théâtre, le choix de Lausanne, là encore, comme nouveau centre de la presse romande, au détriment de la rue des Savoises, orpheline depuis la disparition du quotidien La Suisse, en 1994.
Et maintenant, la crainte d’un détricotage des organisations internationales qui jusqu’ici bénéficiaient du carnet de chèque américain, confisqué par Donald Trump.
Si Genève se «déshelvétise», par éloignement, par la volonté, peut-être, d’une partie de la Suisse qui la trouve trop peu suisse, elle gagne des habitants, et ses relations transfrontalières se développent, grâce à la coopération des CFF et de la SNCF. Tout cela n’est probablement pas très glamour, tant la France voisine accuse des années de retard en presque tout et, disons-le, fait peur à plus d'un. Mais se crée là, qui sait, une future métropole.