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Eurovision: la peur de l'Occident face au «Sud Global»

Eden Golan of Israel enters the arena during the flag parade before the Grand Final of the Eurovision Song Contest in Malmo, Sweden, Saturday, May 11, 2024. (AP Photo/Martin Meissner)
Eden Golan.Image: AP
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Eurovision: ce que cache la remontada d'Israël

Alors qu'Israël est décrié pour sa guerre à Gaza, le public du «bloc de l'Ouest» a placé à la quasi unanimité la chanson israélienne en tête samedi à l'Eurovision. Ce vote s'oppose au discours actuel sur l'Etat hébreu.
12.05.2024, 18:5814.05.2024, 12:41
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Le vote du public pouvait tout changer à l'Eurovision. Pour Israël, il a tout changé. Eden Golan, la représentante de l’Etat hébreu qui était reléguée dans les profondeurs du classement avec sa cinquantaine de points attribués par les jurys nationaux, en a d'un seul coup récolté plus de 300 du public, se hissant dès lors à la 5ᵉ place finale. La chanson israélienne avait sans doute des atouts sur un plan musical, sa qualité artistique ne suffit toutefois pas à expliquer cette avalanche de points sortis des urnes – le vote secret a joué ici tout son rôle.

Que s’est-il passé? Remarquons pour commencer que les pays (on parle du vote du public) qui ont placé en tête Israël appartiennent au bloc occidental, tel qu'il existe depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale: Suisse, France, Allemagne, Italie, Luxembourg, Pays-Bas, Portugal, Saint-Marin, Espagne, Suède, etc. En tout, le public de 15 pays sur 25 a attribué le nombre de points maximum à Israël. C'est énorme. C'est surtout inattendu au regard du discours ambiant qui présente Israël sous le traits d'un Etat voyou.

Les points attribués à Israël👇

Les points attribués à Israël.
Les points attribués à Israël.image: capture

Pourquoi ce vote massif en faveur d'Israël? Plusieurs hypothèses. Eden Golan, harcelée par la rue à Malmö, méprisée par une partie de ses concurrents, huée par des spectateurs, est apparue comme une victime. Une partie du public aura voulu la défendre. Mais cette raison semble secondaire par rapport à d’autres.

L'Occident a choisi son camp

Le bloc occidental (Australie comprise, qui pouvait voter parmi le «reste du monde», lequel a également gratifié Israël de 12 points, la note la plus élevée par pays) a d’une certaine manière choisi son camp. Si le vote du public de l’Europe de l'Ouest pour l’Etat juif ne vaut sans doute pas approbation des crimes de guerre imputés à Israël, voire du risque génocidaire qu'il fait courir à la population de Gaza selon la Cour internationale de justice, il témoigne à tout le moins d’une identification à l'Etat refuge créé en 1948, trois ans après la libération des camps de la mort.

Il est ainsi fort possible que ledit bloc de l’Ouest, depuis ce funeste 7 octobre, se projette dans l’actualité proche-orientale, y voyant un film d’épouvante dont il ne souhaite pour rien au monde faire l’expérience chez lui.

On ne jurera pas qu’il n’y a pas dans ce plébiscite du public en faveur d'Israël une part de racisme anti-arabe ou antimusulman, mais la flambée d’antisémitisme, dès le 7 octobre, qui s’est manifestée par la non prise en compte, dans une partie de la gauche et chez des citoyens de confession musulmane, du massacre qui s’était produit ce jour-là, a activé toutes les alarmes. C’est dire si ces plus de 300 points accordés à Israël samedi soir au concours Eurovision de la chanson sonnent comme la réponse de la «majorité silencieuse» aux occupations d’universités, orchestrées par des partis ou groupes minoritaires, de nature politique ou religieuse.

Le récit «officiel» démenti

Prenons la Belgique, en première ligne dans la dénonciation de la répression israélienne à Gaza. Les 12 points attribués à la chanson israélienne par le public belge sont en totale contradiction avec la position «officielle». Les deux interruptions de programme de la chaîne flamande VRT, lors des passages d’Eden Golan sur les ondes, pour protester contre les bombardements israéliens, ont quelque chose d'artificiel. Même le public de l'Irlande, prête à reconnaître un Etat palestinien et dont la représentante à l’Eurovision a dénigré sa concurrente israélienne, a donné 10 points à Israël.

C’est comme si les deux hémisphères du cerveau occidental discordaient: l’un veut dire son fait à Israël, exige que soit rendue leur dignité aux Palestiniens; l’autre se range derrière Israël et veut se préserver. De quoi? Au doigt mouillé: de l’immigration extra-européenne, par crainte de la dilution. Les gens voient et entendent ce qui se passe autour d'eux. Ce qu’ils disent en public n’est pas toujours ce qu’ils pensent en privé.

Ainsi, les «Allah ouakbar» scandés par un candidat musulman élu sur une liste écologiste à Leeds aux élections locales du 4 mai, au Royaume-Uni, les Verts étant l'une des portes privilégiées par les islamistes pour entrer en politique, peuvent expliquer en partie les 12 points récoltés par Israël auprès du public britannique.

Le leader travailliste et le contrôle des frontières

Le discours prononcé le 10 mai par le leader travailliste britannique, Keir Starmer, insistant, comme rarement peut-être dans l’histoire de la gauche traditionnelle, sur la sécurité aux frontières, pourra être interprété comme un emprunt à la droite, voire à l’extrême droite, mais il rend compte plus sûrement d’une prise de conscience à gauche de la nécessité de s’emparer du thème de l’immigration, quitte à se salir un peu les mains.

Sinon, les «12 points» iront ailleurs, chez ceux qui n’ont aucun scrupule. A l'approche des élections européennes du 9 juin, la démocratie de l'Eurovision via les smartphones a fait office de répétition générale.

L'Occident a répliqué au «Sud Global»

Pour résumer, le vote compact du bloc de l’Ouest en faveur d’Israël est probablement celui de la crainte que ressent l’Occident face au «Sud Global», ce nouveau «tiers monde», Chine, Russie et Iran compris, décrit comme en pleine progression, où l’instauration de l'Etat de droit, protecteur de Nemo et de bien d'autres, n’est pas la première priorité. Alors, l’Occident, en quelque sorte, se protège et vote à la quasi unanimité à l'Eurovision pour Israël.

Nemo casse le trophée de l'Eurovision
Video: watson
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