Ce 16 février restera-t-il dans l'Histoire? Absolument pas. Ou alors en tout petit, dans le coin d'une page, comme une péripétie de plus de cette longue crise Covid. Bien sûr, les annonces du Conseil fédéral du jour sont plus que réjouissantes: la plupart des restrictions vont disparaître de notre quotidien.
C'est super, mais cela ne suffit pas à faire de ce 16 février un jour historique. Un jour dont on se rappellera dans 20, 50 ou 100 ans, un jour qui deviendrait férié pour le commémorer.
Ce jour n'est tellement pas historique que ce mercredi matin, avant de venir proclamer la fin des restrictions en Suisse, nos sept Sages ont pris le temps de parler entre eux de politique spatiale, de F-35, de stratégie maritime et de pénurie des médicaments. Vous pensez vraiment que le 8 mai 1945, après avoir enregistré la capitulation de l'Allemagne nazie, les Alliés ont discuté le bout de gras avant de se pointer pour annoncer:
Ce jour n'est tellement pas historique que ce mercredi matin en séance, l'un de mes collègues était davantage intéressé par regarder l'équipe suisse de hockey prendre une taule face à la Finlande que par les futures décisions du Conseil fédéral.
Pas encore convaincus? Voici trois raisons pour lesquelles ce 16 février n'a rien d'historique:
En réalité, pour la grande majorité d'entre nous, la pandémie est terminée depuis plusieurs mois. Depuis que, vaccinés ou guéris, nous avons obtenu notre certificat. Très égoïstement, le Covid n'est plus qu'un bruit de fond dans nos vies que nous sommes libres de mener comme bon nous semble grâce au précieux sésame. Alors, si vous voulez un jour historique à célébrer, regardez la date inscrite sur votre certificat.
Quand on y pense, le virus ne perturbe désormais que très peu notre quotidien. Restaurants, fitness, cinémas, tout nous est ouvert. Nous avons même repris l'habitude de faire la bise à nos proches.
Alors, certes, nous n'aurons plus besoin de montrer patte blanche pour entrer quelque part et nous voilà débarrassés de l'obligation de porter le masque à l'intérieur (sauf dans les transports en commun). C'est bien, mais est-ce suffisant pour graver ce 16 février dans le marbre?
Cela peut sembler contradictoire, mais si le temps des contraintes et des peurs semble derrière nous, le virus lui continue de circuler en Suisse et à l'étranger. Et en deux ans de pandémie, nous avons appris à être méfiants. Est-ce une trêve de plus ou est-ce réellement fini?
Ignazio Cassis et Alain Berset, le rappelaient eux-mêmes ce mercredi:
Un nouveau variant préoccupant qui émerge à l'autre bout du monde, une immunité qui chute radicalement, nous sommes loin d'être à l'abri d'une énième surprise. A deux reprises, on s'est crus tirés d'affaire, avant de voir Delta et Omicron venir tout gâcher.
Alors, avant de faire le V de la victoire avec nos doigts, croisons-les en espérant que ce soit bel et bien fini.
C'est sans doute la raison la plus simple pour laquelle ce 16 février ne peut pas être considéré comme un jour historique. Face au Covid, il n'y aura pas de jour de la libération. Pas de jour J à partir duquel le Covid, c'est fini.
La preuve? La grippe espagnole a causé entre 50 et 100 millions de décès entre 1918 et 1921. Soit 10 à 20 fois plus que le Covid. Et pourtant, avez-vous la moindre idée de sa date de fin? Non? Moi non plus. Personne ne célèbre le jour historique où l'épidémie s'est terminée, tout simplement parce que personne ne sait précisément quand elle s'est arrêtée.
Dans le meilleur des cas, le virus va désormais devenir endémique, quelques personnes vont être malades chaque année, certaines vont mourir, mais pas suffisamment pour que cela paralyse nos hôpitaux et notre société. Dans le pire des cas... Ai-je vraiment besoin de vous réexpliquer le scénario du pire? Alors, profitons de ce moment et laissons les historiens du siècle prochain trancher. Se souviendront-ils seulement de la crise Covid?