Lorsque l'on pense à la pollution, on imagine souvent des marées noires, des îles de déchets flottant sur l'océan, ou des usines rejetant d'épaisses fumées toxiques dans l'atmosphère. Ces représentations, bien que tristement réelles, sous-entendent deux choses: qu'il s'agit d'un problème visible, et que cela se passe essentiellement à l'étranger. Autrement dit, que cela ne nous concerne pas. Pas encore, du moins.
C'est rassurant, mais doublement faux. La pollution a déjà atteint des proportions inimaginables - et probablement irrémédiables - sous nos latitudes, tout en restant invisible. Je m'en suis pleinement rendu compte la semaine dernière, en travaillant sur deux articles sur ce sujet. Je me doutais que la situation n'était pas idéale, mais je n'imaginais pas qu'elle était compromise à ce point.
Selon une récente étude, près de 100 tonnes de plastiques finissent chaque année dans le Léman. Il s'agit pour la plupart de fragments microscopiques, invisibles et, par conséquent, impossibles à récupérer une fois présents dans l'eau.
C'est la même chose pour les soi-disant «polluants éternels», des substances chimiques qui se dégradent très lentement, contaminant de ce fait la nature de manière durable. Leur présence a été constatée dans de centaines de sites en Suisse. Utilisés depuis très longtemps et dans énormément de domaines différents, ces produits s'infiltrent dans les sols, les eaux souterraines et les eaux de surface.
Là encore, impossible de les extraire de la nature, du moins pour le moment. Des solutions sont à l'étude, mais aucune ne permet actuellement de résoudre vraiment le problème.
Ce ne sont que deux exemples. Mais le constat est clair. Même si cela ne se voit pas à l'œil nu, notre planète (ou, pour mieux dire: la Suisse) est devenue une immense poubelle. Et nous avec elle. Car ces substances finissent dans notre organisme, où elles s'accumulent, provoquant de sérieux problèmes de santé.
Des microplastiques ont été retrouvés dans différents organes humains, dont le placenta des nouveau-nés et le cerveau. Quant aux polluants éternels, chaque Suisse en a dans son organisme, nous expliquait une spécialiste.
Face à l'ampleur du problème, on pourrait avoir la tentation de se dire qu'on ne peut rien faire. Que mieux vaut laisser tomber. C'est vrai, y remédier sera probablement impossible. Mais il est toujours possible d'agir, afin que les choses n'empirent pas davantage. Seule une prise de conscience collective permettra d'y arriver.
Et peu importe si, comme on l'entend souvent, la Suisse est trop petite pour avoir un quelconque impact au niveau mondial. Cette fois, c'est différent. Nous ne parlons pas de déchets infestant des océans lointains, mais d'une pollution toxique qui prolifère dans nos lacs, nos fleuves, nos champs et nos corps. Le problème est chez nous, et nous sommes tous concernés.