L'alimentation des Helvètes pollue. Les émissions qu'elle génère ont un impact important sur l'empreinte écologique globale de la Suisse, et la Confédération le sait: pour atteindre ses propres objectifs climatiques, elle s'est engagée à réduire l'impact environnemental de l’alimentation de 25% d’ici 2030 et d’au moins deux tiers d’ici 2050.
Cela veut dire que les émissions générées actuellement par notre manière de manger, soit environ 1,9 tonne d’équivalent CO2 par personne et par an, devront passer à 0,6 d'ici 2050.
Pour y parvenir, les autorités ont formulé des recommandations nutritionnelles à destination de la population, visant à promouvoir une alimentation saine tout en réduisant l’impact environnemental de ce domaine. En effet, indique Greenpeace, le comportement des consommateurs présente le plus grand potentiel de changement.
Ces suggestions, mises à jour en septembre 2024, proposent par exemple de modérer la consommation de café et de produits laitiers, d'utiliser toutes les parties d'un animal ou d'incorporer davantage de légumineuses, désormais considérées comme des sources de protéines. Une grande marge de manoeuvre est laissée aux particuliers.
Mais quelle est leur efficacité réelle? Greenpeace et le WWF ont demandé à une entreprise spécialisée de déterminer si et dans quelle mesure cette nouvelle pyramide alimentaire permet d'atteindre l'objectif de la Confédération.
Le rapport des deux ONG, diffusé ce lundi, compare les habitudes alimentaires actuelles des Suisses avec deux variantes découlant des nouvelles recommandations de la Confédération: une «variante maximale», incluant la quantité maximale de produits d’origine animale recommandée, et une «variante minimale», essentiellement végétarienne - mais qui comprend le lait et les oeufs.
Verdict: la variante maximale ne parvient à réduire que très peu les émissions, qui passeraient de 1,9 tonne par an et par habitant à 1,4. La faute à la viande et aux produits laitiers, note le rapport, qui sont «les aliments les plus nocifs pour le climat et l’environnement».
Selon le rapport, passer d’un type de viande à un autre «n’est pas très utile du point de vue écologique». «Il faut au contraire consommer nettement moins de viande et la remplacer par davantage de protéines végétales», préconisent ses auteurs.
C'est ce que propose la variante minimale, dont l'efficacité, selon le rapport, est «considérable»: elle permettrait en effet de réduire les émissions à 0,7 tonne par habitant et par an, se rapprochant ainsi de l'objectif de Berne (0,6 tonne).
«Les recommandations nutritionnelles peuvent contribuer de manière importante à la réalisation des objectifs climatiques de la Suisse, à condition de privilégier les aliments les plus respectueux de l'environnement au sein de la pyramide alimentaire», résument les deux ONG.
Si les mesures proposées par les autorités sont donc jugées utiles, du moins sous certaines conditions, le chemin à parcourir est encore long, estiment Greenpeace et le WWF. Tout d'abord, «la consommation actuelle est encore loin de ces recommandations», indiquent-elles. Et de rappeler que notre consommation actuelle de viande est «environ trois fois supérieure à la quantité recommandée».
Deuxièmement, les consommateurs ne sont pas les seuls à avoir un rôle à jouer. «Les autorités politiques et le commerce de détail doivent fixer des conditions-cadres qui déterminent la manière dont nous nous alimentons», affirme Mariella Meyer, spécialiste de l'alimentation durable au WWF.
Selon le rapport, plusieurs «obstacles» entravent la réduction de l’impact climatique du système alimentaire. A commencer par la sphère politique, qui vise à réduire la consommation d’aliments d’origine animale, tout en finançant leur production.
Le commerce de détail, la restauration et le commerce de gros portent, eux aussi, une responsabilité. Leur offre, leur politique de fixation des prix et leurs stratégies de marketing «définissent l’environnement alimentaire et influencent les choix des consommateurs». De plus, ces acteurs «sont aussi incohérents que les milieux politiques», déplore le rapport. Et de conclure: