Il suffit de déambuler en ville pendant une journée estivale pour s'en rendre compte: dans les espaces urbains, il fait beaucoup plus chaud qu'en périphérie, ou à la campagne. Notamment en été. Cela est dû, entre autres, à la densité des bâtiments, aux matériaux de construction, à la circulation routière et aux systèmes de refroidissement. Tous ces éléments accumulent la chaleur, qui se déverse ensuite sur les habitants.
Cet effet s'appelle îlot de chaleur. En gros: les zones densément bâties emmagasinent la chaleur de la journée, qui est ensuite libérée pendant la nuit. Ce qui augmente «nettement» le nombre de nuits tropicales, estime MétéoSuisse. Dans nos villes, les températures nocturnes sont jusqu'à 7°C plus élevées que dans les zones rurales environnantes. Un écart important s'observe également pendant les heures diurnes, notamment le long des axes routiers ou sur les places dépourvues de végétation.
En raison du réchauffement climatique, la question des îlots de chaleur devient «de plus en plus urgente», poursuit MétéoSuisse: cette situation rend les personnes vivant dans les villes «particulièrement vulnérables aux risques sanitaires liés à la chaleur». Aujourd'hui, trois quarts des Helvètes habitent dans un espace urbain.
Mais alors que la montée des températures semble de plus en plus inexorable, des solutions existent pour limiter l'impact des îlots de chaleur. L'une d'entre elles passe par un nouveau revêtement routier, dit sans «surchauffe». Ce dernier fait l'objet de tests menés depuis 2020 par l'Office fédéral de l'environnement (OFEV) et les cantons du Valais et de Berne.
L'idée est simple: abaisser la température à la surface en recourant à de nouveaux matériaux. L'enjeu est de taille, car l'asphalte joue un rôle de premier plan dans la formation des îlots de chaleur. A cause notamment de sa couleur, il absorbe et stocke beaucoup de chaleur.
«Les chaussées sont les surfaces les plus chaudes dans les villes. Elles couvrent 20% de leur surface», souligne Erik Bühlmann, ingénieur auprès de Grolimund + Partner (G+P), le bureau mandaté par l'OFEV pour tester ce nouveau goudron.
Des essais ont été réalisés à Berne et à Sion. La première phase est désormais terminée, et a donné des résultats «vraiment positifs», se réjouit Erik Bühlmann. «Nous avons testé 12 technologies différentes, et environ la moitié d'entre elles se sont révélées efficaces», développe-t-il.
La technologie la plus performante s'appelle «semi-dense asphalt» (SDA), poursuit l'ingénieur, et consiste à mélanger des granulats clairs à l'asphalte. «L'efficacité de ces cailloux est due aux propriétés de leur surface, comme la couleur, son pouvoir réfléchissant ou son caractère rugueux», ajoute-t-il. Ces caractéristiques réfléchissent davantage le rayonnement solaire, et permettent à la chaleur de se dissiper plus rapidement.
«Ces matériaux résistent bien au passage du temps», ajoute Erik Bühlmann. «Normalement, les dégâts apparaissent deux ou trois ans après la pose. Or, près de cinq ans ont passé depuis le début des tests, et les surfaces sont encore en très bon état». De plus, cette technologie est phonoabsorbante, ce qui permet également de réduire le bruit routier.
Seul désavantage, ce revêtement coûte actuellement 10 à 20% plus cher que les matériaux standards. «Cela est dû au fait que nous travaillons actuellement avec des pierres importées de France», justifie Erik Bühlmann. Et d'ajouter:
Cela devrait bientôt être le cas. Une deuxième phase de tests, chapeautée par l'Office fédéral des routes (OFROU), va en effet débuter prochainement. L'idée de ces nouveaux essais, menés à Lausanne, Lucerne, Zurich et Köniz: «Identifier des sources de pierres claires en Suisse, et comprendre si elles présentent la même efficacité que les granulats français», explique l'ingénieur.
«Les tests vont se terminer à la fin de l'année prochaine. Ensuite, l'idée est d'implémenter cette technologie sur une large échelle», assure Erik Bühlmann. Lequel assure:
«Bien sûr, cela va prendre du temps, ce n'est pas quelque chose qu'on peut faire d'une année à l'autre», nuance-t-il. «Il n'est pas possible de remplacer tout le revêtement routier d'une ville d'un coup, cela doit se faire progressivement». En partant des points critiques, avant de s'étendre, petit à petit, à l’entièreté du réseau routier.
«De plus, pour être encore plus efficace, cette technologie devrait être combinée avec d'autres mesures», affirme l'ingénieur. Le plantage d'arbres et une présence accrue de l'eau en sont un exemple. «Les solutions possibles sont très nombreuses», résume Erik Bühlmann.