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Piscine de Porrentruy: le retour en force de la frontière

Piscine de Porrentruy, le 10 juillet 2025.
Piscine de Porrentruy, le 10 juillet 2025.image: watson
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Piscine de Porrentruy: le retour en force de la «divine frontière»

L'affaire de la piscine de Porrentruy témoigne du retour en force de la thématique de la frontière face à des comportements et modes de vie perçus comme contraires aux mœurs européennes. L'extrême droite en profite, la gauche se perd dans le déni.
11.07.2025, 16:5813.07.2025, 15:17
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Seule l’existence d’une frontière proche a rendu possible et donné du sens à l’arrêté municipal interdisant l’accès de la piscine de Porrentruy à certaines personnes jugées indésirables. Il se trouve que ces personnes habitent pour ainsi dire toutes en France voisine. En réservant la fréquentation de son bassin aux individus résidant en Suisse, ainsi qu’aux titulaires d’un contrat de travail helvétique, la commune jurassienne savait qu’elle réglait un épineux problème de proximité géographique ayant pour toile de fond des comportements plus ou moins délictueux.

Portrait-robot

De plus, par son caractère universel, l’arrêté dispense les autorités municipales d'inconfortables cas de conscience. Même si, dans les faits, la catégorie visée par les mesures de restriction recoupe divers aspects sociologiques formant un portrait socio-ethnique, selon les récits recueillis par la presse auprès de la commune et des usagers de la piscine de Porrentruy: le portrait de jeunes gens majoritairement d’origine maghrébine et provenant des «quartiers», ceux, en l’occurrence, des départements du Doubs et du Territoire de Belfort.

Sur la chaîne française CNews, Lionel Maitre, le maire de Boncourt, dernier village suisse avant Delle, a donné à ces auteurs de violences et d’incivilités – il n’est pas le seul à les appeler ainsi – le nom de «racailles», cet ensemble minoritaire en tout lieu, rappelons-le, mais cherchant à y imposer son hégémonie.

Une injustice, mais un moindre mal

On le sait, elle l’a dit ou laissé entendre, la mairie de Porrentruy ne voulait en aucun cas prêté le flanc à l’accusation de contrôle au faciès, ouvrant la porte à une accusation plus grave, celle de racisme. Mais, en s’ôtant cette épine morale du pied, elle a élargi à l’ensemble des voisins français n’entrant pas dans les critères de dérogation l'interdiction d'accès à sa piscine.

Cette «injustice» valait mieux que la fermeture pure et simple du bassin, argue-t-elle. L’argument est imparable et se défend: alors que de nombreuses communes françaises ont été contraintes de fermer temporairement leur piscine face aux violences de jeunes en bandes, Porrentruy, au moins, sauve l’essentiel.

La frontière protectrice

Sainte frontière, divine frontière, doivent se dire les autorités locales et avec elles de nombreux citoyens de la région. Ils peuvent compter sur cette barrière nationale pour se protéger des intrus, moyennant un artifice légal, pour l’heure non contesté devant la justice.

Ailleurs, en France voisine et en Allemagne, où Porrentruy est devenu l’objet de toutes les attentions et, pour certains, de tous les espoirs, les autorités n’ont pas de frontière à opposer aux fauteurs de troubles des parcs aquatiques, qui, souvent aussi, ont une «origine». Blick rapportait il y a deux jours des tensions dans les bassins allemands, comme début juillet à Gelnhausen, dans la Hesse, où quatre ressortissants syriens ont été accusés d’agressions sexuelles sur au moins huit jeunes filles âgées de 11 à 17 ans.

«L'année dernière, ajoutait notre confrère, l’Office fédéral allemand de la police criminelle a recensé 423 infractions de nature sexuelle dans les piscines. Les statistiques révèlent que les auteurs sont presque exclusivement des hommes, dont les deux tiers ne possèdent pas la nationalité allemande. Ils proviennent majoritairement d’Afghanistan, de Syrie ou de Turquie.» En Allemagne, les «racailles» sont appelées «Talahon».👇

L'extrême droite aux anges, la gauche dans le déni

Les extrêmes droites, l’AfD en Allemagne, le Rassemblement nationale en France et l’UDC en Suisse, jouent sur du velours, au point de stigmatiser le «basané», comme l'a fait récemment l'Union démocratique du centre dans un visuel, versant pour le coup dans le racisme, quand la problématique est avant tout socio-culturelle et non pas raciale. La gauche, elle, prise à revers par les débordements d’une partie de la diversité dont elle promeut les vertus, se réfugie dans le déni ou la minimisation des faits.

Le visuel de l'UDC

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Même la droite libérale se fourvoie parfois. Ainsi à Büren, en Allemagne toujours, dans le Land de Rhénanie-du-Nord-Westphalie, où la mairie à majorité CDU a produit une série d’affiches témoignant visiblement de la peur panique d'être accusé de racisme. Il s’agit d’une campagne contre le harcèlement à la piscine.

Cette ville allemande verse dans le ridicule

Toutes les situations décrites dans cette série d'images sont inversées par rapport aux observations statistiques: les seuls harceleurs sont des Blancs. La démarche tombe dans le ridicule lorsque la personne harceleuse est dépeinte sous les traits d’une femme rousse qui met la main aux fesses d'un adolescent au teint vaguement basané et amputé d’une jambe – le cliché, peut-être, de l’Allemande de 50 ans pratiquant le tourisme sexuel en Turquie, un autre sujet.

C’est comme si les concepteurs de cette campagne, depuis retirée, avaient voulu, par l’absurde, dénoncer le contraire de ce qu’elle donne à voir, à savoir le sexisme «issu de l’immigration». L’inconscient joue de ces tours...

Le visuel de la ville allemande de Büren

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Sauver le modèle universaliste

Si le cas de la piscine de Porrentruy fait un tabac aujourd’hui en Europe, c’est parce qu’il rend compte de cette envie de «frontières» face à des modes de vie et comportements associés à des origines étrangères. L’érection de frontières intérieures sur des critères religieux ou culturels n’est cependant ni possible ni souhaitable. Ce serait la mort de notre modèle universaliste. Aussi les pouvoirs publics agissent-ils sur les leviers de l’immigration, de façon à la limiter. L’Allemagne, par exemple, a décidé de restreindre le regroupement familial pour certains migrants.

L’affaire de la piscine de Porrentruy est donc tout sauf anecdotique. Elle est révélatrice d'une tectonique face à laquelle le pire serait de faire l’autruche ou de s’en remettre à ce pis-aller qu’est le communautarisme. L’universalisme mérite d’être sauvé.

- La Madjer originale de 1987
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