Les autorités de Porrentruy ont trouvé un solide soutien en Matthieu Bloch, le vice-président du groupe d’amitié franco-suisse à l’Assemblée nationale et député de Montbéliard, dans le département voisin du Doubs. Cet élu UDR (Union des droites pour la République), la formation d’Eric Ciotti alliée au Rassemblement national, était l’hôte ce jeudi matin du maire de la commune jurassienne à l’origine du fameux arrêté municipal. Des allures de visite officielle.
Arrivé sur les coups de 9 heures avec son assistant parlementaire au volant d’une Peugeot 3008, modèle assemblé dans les usines de Sochaux-Montbéliard, le parlementaire français de 42 ans, costume bleu, chemise blanche et cravate rouge, s’est entretenu pendant environ une heure avec le premier magistrat local, Philippe Eggertswyler, le «père» de l'arrêté qui limite la fréquentation du bassin bruntrutain aux personnes résidant en Suisse, aux étrangers munis d'un permis de travail helvétique, ainsi qu'aux touristes,
Un trio de journalistes dont votre serviteur attendait le député à l’extérieur de l’Hôtel de Ville au terme de son entrevue. On se plaint parfois de la langue de bois des politiques. Là, c'était tout le contraire. Les propos n'en étaient pas moins orientés, l'élu tirant parti du cas suisse pour alimenter sa vision de la France.
Matthieu Bloch semble admiratif de la civilité suisse et à l’inverse désolé des problèmes de sécurité qui se posent en France et qu’il lie pour partie à l’immigration.
Le député UDR parle d’un jet, comme on vide son sac devant témoins. Il en revient à la question des violences dans les piscines, un symptôme, comprend-on:
Le message est assurément passé. Matthieu Bloch ne fait pas mystère du soutien qu’il apportera au Rassemblement national à la prochaine élection présidentielle, lui qui vient du parti Les Républicains et avant cela, à ses débuts en politique, de l’UMP tendance à «droite toute», éphémère époque incarnée par Nicolas Sarkozy en 2007.
Mais si le député de Doubs, enfant d'Audincourt, en périphérie de Montbéliard, est venu voir le maire chrétien-social indépendant Philippe Eggertswyler, c’est d’abord pour lui proposer de ressusciter un véritable programme de coopération franco-suisse, qui prendrait la forme d'une «commission transfrontalière», un thème qui lui tient manifestement à cœur.
La question des transports paraît centrale à ses yeux. Il en veut beaucoup au vice-président de la région Bourgogne-Franche-Comté, Michel Neugnot, d’avoir snobé la ligne ferroviaire reliant Bienne à la gare TGV de Belfort-Montbéliard – «une connerie de sa part», dit-il. Sa vision? Renforcer le covoiturage des frontaliers français pour désengorger les tunnels suisses aux heures de pointe, augmenter les dessertes en train. Son message? Vous, les Suisses, êtes des modèles de pragmatisme et d’efficacité, nous, Français, sommes la main-d’œuvre sans laquelle vos usines ne tourneraient pas. Unissons nos forces!
Voilà justement que le conseiller aux Etats jurassien Charles Juillard passe devant l’Hôtel de Ville. Les présentations sont faites, les deux hommes ne s'étaient jamais rencontrés. Le sénateur jurassien du Centre dit à quel point il s’est investi dans la défense de la ligne ferroviaire Bienne-Belfort. Il approuve pleinement l’idée d’un partenariat transfrontalier digne de ce nom.
Il est peut-être 10h30, on n’a pas vu les minutes passer. Matthieu Bloch et son assistant parlementaire remontent dans la Peugeot 3008, cap sur la France voisine et ses problèmes. Entre-temps, le maire Philippe Eggertswyler est sorti de l’Hôtel de Ville vêtu d’un jean et d’un t-shirt gris, dans une ambiance estivale revenue, propice à la baignade.
A ce propos, un sommet de crise quadripartite devait avoir lieu ce jeudi à 16 heures entre le maire Philippe Eggertswyler, Lionel Maitre, du Syndicat intercommunal du district de Porrentruy, tous deux favorables à l’arrêté «piscine», le chef de la gendarmerie cantonale et la ministre cantonale Rosalie Beuret. Cette dernière, socialiste, serait favorable à ce que la durée de l’arrêté municipal, entré en vigueur le 4 juillet et courant jusqu’au 31 août, soit raccourcie. La mairie, elle, sauf décision de justice, reste pour l’heure sur ses positions.
A un quart d’heure de marche du centre-ville de Porrentruy, voici la fameuse piscine, devenue le révélateur européen de choses plus ou moins enfouies. Midi approche, la fréquentation est timide en ce retour du beau temps après trois jours de douche froide. Alors, content de l’arrêté? Les avis des personnes en maillot de bain sont partagés:
Un homme, la cinquantaine:
Une mère, ses trois enfants et la grand-mère:
La fille en question, une douzaine d’années, allongée sur sa serviette de bain, coupe sa mère:
Un père avec ses trois filles et sa sœur, qui vient du département du Pas-de-Calais, dans le Nord de la France:
Il poursuit: «J’ai un permis de travail suisse, c’est pour ça que je viens à la piscine de Porrentruy, je ne vais pas ailleurs. En ce moment, je suis au chômage. Je travaillais dans une entreprise horlogère située juste-là à côté (il fait un geste du bras). En Suisse, en tout cas ici, on ne se fait pas voler, on est en sécurité.» Sa sœur intervient:
Une jeune, maître de sport, et son amie, assistante sociale. Ils habitent «à côté» de la piscine de Porrentruy:
Un homme et une femme de nationalité suisse. Lui:
Elle:
Elle et lui:
D'après Lionel Maître, l'un des artisans de l'arrêté, la piscine de Porrentruy aurait enregistré 30 abonnements de plus le premier jour suivant l'entrée en vigueur de la mesure de restriction, 20, le deuxième jour. Ce jeudi 10 juillet, «c'est presque un peu vide», note un baigneur.