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Piscine de Porrentruy: «Vous êtes un exemple pour la France»

Le député français Matthieu Bloch.
Le député français Matthieu Bloch en visite chez le maire de Porrentruy ce jeudi 10 juillet 2025, sur fond de polémique concernant la piscine jurassienne.Image: montage watson

«La Suisse, vous êtes un exemple pour nous»: un élu français à Porrentruy

Sur fond d'«arrêté piscine», le député français Matthieu Bloch était en visite, ce jeudi, chez le maire de Porrentruy. Proche du RN, il a lâché les mots. Après cela, watson est allé demander aux baigneurs ce qu'ils pensent des mesures de restriction prises par les autorités communales.
10.07.2025, 18:5213.07.2025, 10:23
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Les autorités de Porrentruy ont trouvé un solide soutien en Matthieu Bloch, le vice-président du groupe d’amitié franco-suisse à l’Assemblée nationale et député de Montbéliard, dans le département voisin du Doubs. Cet élu UDR (Union des droites pour la République), la formation d’Eric Ciotti alliée au Rassemblement national, était l’hôte ce jeudi matin du maire de la commune jurassienne à l’origine du fameux arrêté municipal. Des allures de visite officielle.

Arrivé sur les coups de 9 heures avec son assistant parlementaire au volant d’une Peugeot 3008, modèle assemblé dans les usines de Sochaux-Montbéliard, le parlementaire français de 42 ans, costume bleu, chemise blanche et cravate rouge, s’est entretenu pendant environ une heure avec le premier magistrat local, Philippe Eggertswyler, le «père» de l'arrêté qui limite la fréquentation du bassin bruntrutain aux personnes résidant en Suisse, aux étrangers munis d'un permis de travail helvétique, ainsi qu'aux touristes,

«Une tempête dans un verre d’eau»

Un trio de journalistes dont votre serviteur attendait le député à l’extérieur de l’Hôtel de Ville au terme de son entrevue. On se plaint parfois de la langue de bois des politiques. Là, c'était tout le contraire. Les propos n'en étaient pas moins orientés, l'élu tirant parti du cas suisse pour alimenter sa vision de la France.

«Je vous le dis très clairement, la décision de la mairie de Porrentruy est totalement légitime. J’aurais râlé s’il y avait une stigmatisation des Français, si l’arrêté consistait en un refus de voir des Français dans la piscine. Je vous aurais dit que je ne suis pas d’accord et qu’il ne faut pas mettre tous les Français dans le même panier. Là, on est en train de faire une tempête dans un verre d’eau sur un truc qui n’existe pas, en fait.»
Matthieu Bloch

«Un laxisme en France qu’on ne retrouve pas chez vous»

Matthieu Bloch devant l'Hôtel de Ville de Porrentruy. 10 juillet 2025.
Matthieu Bloch devant l'Hôtel de Ville de Porrentruy. 10 juillet 2025.image: watson

Matthieu Bloch semble admiratif de la civilité suisse et à l’inverse désolé des problèmes de sécurité qui se posent en France et qu’il lie pour partie à l’immigration.

«Il ne vous aura pas échappé qu’on a des problèmes d’assimilation et d’intégration dans certains quartiers. D’ailleurs, nos gendarmes et policiers français me disent toujours "si seulement on avait les mêmes moyens et la même culture que la Suisse, on aurait peut-être moins de problèmes". Il y a en France un certain laxisme qu’on ne retrouve pas chez vous. Vous êtes plutôt un exemple pour nous.»
Matthieu Bloch

«Ces voyous-là, ils cherchent la baignade»

Le député UDR parle d’un jet, comme on vide son sac devant témoins. Il en revient à la question des violences dans les piscines, un symptôme, comprend-on:

«Vous avez dans les quartiers français 90% des gens qui veulent vivre en paix et qui sont pris en otages par quelques voyous. Effectivement, ces voyous-là, ils cherchent la baignade, et quand, chez nous, c’est fermé, ils viennent chez vous. Le problème, chez nous, c’est comment fait-on pour que les voyous soient moins nombreux. En France, on a énormément de zones de non-droit, énormément de quartiers où il y a des problèmes de sécurité parce qu’il n'y a pas la réponse pénale qu’il faudrait.»
Matthieu Bloch

Soutien en 2027 au Rassemblement national

Le message est assurément passé. Matthieu Bloch ne fait pas mystère du soutien qu’il apportera au Rassemblement national à la prochaine élection présidentielle, lui qui vient du parti Les Républicains et avant cela, à ses débuts en politique, de l’UMP tendance à «droite toute», éphémère époque incarnée par Nicolas Sarkozy en 2007.

Mais si le député de Doubs, enfant d'Audincourt, en périphérie de Montbéliard, est venu voir le maire chrétien-social indépendant Philippe Eggertswyler, c’est d’abord pour lui proposer de ressusciter un véritable programme de coopération franco-suisse, qui prendrait la forme d'une «commission transfrontalière», un thème qui lui tient manifestement à cœur.

Augmenter le covoiturage et les liaisons ferrovières

La question des transports paraît centrale à ses yeux. Il en veut beaucoup au vice-président de la région Bourgogne-Franche-Comté, Michel Neugnot, d’avoir snobé la ligne ferroviaire reliant Bienne à la gare TGV de Belfort-Montbéliard – «une connerie de sa part», dit-il. Sa vision? Renforcer le covoiturage des frontaliers français pour désengorger les tunnels suisses aux heures de pointe, augmenter les dessertes en train. Son message? Vous, les Suisses, êtes des modèles de pragmatisme et d’efficacité, nous, Français, sommes la main-d’œuvre sans laquelle vos usines ne tourneraient pas. Unissons nos forces!

Voilà justement que le conseiller aux Etats jurassien Charles Juillard passe devant l’Hôtel de Ville. Les présentations sont faites, les deux hommes ne s'étaient jamais rencontrés. Le sénateur jurassien du Centre dit à quel point il s’est investi dans la défense de la ligne ferroviaire Bienne-Belfort. Il approuve pleinement l’idée d’un partenariat transfrontalier digne de ce nom.

Matthieu Bloch et Charles Juillard. Porrentruy, 10 juillet 2025.
Matthieu Bloch et Charles Juillard. Porrentruy, 10 juillet 2025.image: watson

Sommet de crise

Il est peut-être 10h30, on n’a pas vu les minutes passer. Matthieu Bloch et son assistant parlementaire remontent dans la Peugeot 3008, cap sur la France voisine et ses problèmes. Entre-temps, le maire Philippe Eggertswyler est sorti de l’Hôtel de Ville vêtu d’un jean et d’un t-shirt gris, dans une ambiance estivale revenue, propice à la baignade.

A ce propos, un sommet de crise quadripartite devait avoir lieu ce jeudi à 16 heures entre le maire Philippe Eggertswyler, Lionel Maitre, du Syndicat intercommunal du district de Porrentruy, tous deux favorables à l’arrêté «piscine», le chef de la gendarmerie cantonale et la ministre cantonale Rosalie Beuret. Cette dernière, socialiste, serait favorable à ce que la durée de l’arrêté municipal, entré en vigueur le 4 juillet et courant jusqu’au 31 août, soit raccourcie. La mairie, elle, sauf décision de justice, reste pour l’heure sur ses positions.

Ce qu'ils en disent à la piscine

A un quart d’heure de marche du centre-ville de Porrentruy, voici la fameuse piscine, devenue le révélateur européen de choses plus ou moins enfouies. Midi approche, la fréquentation est timide en ce retour du beau temps après trois jours de douche froide. Alors, content de l’arrêté? Les avis des personnes en maillot de bain sont partagés:

Un homme, la cinquantaine:

«C’est un peu n’importe quoi, cet arrêté. C’est discriminatoire, quand on voit en plus que c’est repris par l’extrême droite allemande!»

Une mère, ses trois enfants et la grand-mère:

«On approuve, c’est mieux. L’une de mes filles venue avec l’école, à qui j’avais donné la permission de rester une heure de plus à la piscine avec ses copines, a entendu des mots qu’on ne doit pas entendre à son âge. Un jeune avait un couteau»

La fille en question, une douzaine d’années, allongée sur sa serviette de bain, coupe sa mère:

«Un couteau suisse, maman, le jeune était à l’extérieur de l’enceinte de la piscine»
Piscine de Porrentruy, 10 juillet 2025.
Piscine de Porrentruy, 10 juillet 2025.image: watson

Un père avec ses trois filles et sa sœur, qui vient du département du Pas-de-Calais, dans le Nord de la France:

«Ici, c’est tranquille, et puis, on peut fumer. Je viens d’Audincourt, en France voisine. La piscine la plus proche côté français est à Montbéliard, je n’y suis jamais allé»

Il poursuit: «J’ai un permis de travail suisse, c’est pour ça que je viens à la piscine de Porrentruy, je ne vais pas ailleurs. En ce moment, je suis au chômage. Je travaillais dans une entreprise horlogère située juste-là à côté (il fait un geste du bras). En Suisse, en tout cas ici, on ne se fait pas voler, on est en sécurité.» Sa sœur intervient:

«Dans le Pas-de-Calais, je ne vais jamais à la piscine»

Une jeune, maître de sport, et son amie, assistante sociale. Ils habitent «à côté» de la piscine de Porrentruy:

«Ça cherchait parfois l’embrouille, des profils plutôt maghrébins. Ils prenaient des chaises longues et se mettaient de côté pour fumer la chicha. On sentait que ça pouvait partir pour un regard»
Piscine de Porrentruy, 10 juillet 2025.
Piscine de Porrentruy, 10 juillet 2025.image: watson

Un homme et une femme de nationalité suisse. Lui:

«On peut comprendre la décision de cet arrêté, mais il aurait fallu que ça vise les 18-25 ans, par exemple, et pas tous les âges»

Elle:

«Je ne trouve pas ça normal de priver des retraités français, des mamans vivant l'autre côté de la frontière, d’un moment de détente à la piscine de Porrentruy, tout ça parce qu'ils n’ont pas de permis de travail suisse»

Elle et lui:

«Il y a quelques jours, un jeune a été emmené menotté par la police, c’était un bon Suisse, un vrai!»

D'après Lionel Maître, l'un des artisans de l'arrêté, la piscine de Porrentruy aurait enregistré 30 abonnements de plus le premier jour suivant l'entrée en vigueur de la mesure de restriction, 20, le deuxième jour. Ce jeudi 10 juillet, «c'est presque un peu vide», note un baigneur.

Ce groupe K-pop n°1 aux US est entièrement fictif
Video: watson
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