Le Conseil fédéral avait deux scénarios à disposition. Le premier était de restreindre le nombre de pays éligibles à l'adoption internationale et de durcir les règles de l'adoption, tandis que le second était tout simplement d'interdire la pratique. Le 29 janvier, Beat Jans, conseiller fédéral en charge de Justice et Police, a donc opté pour la décision la plus radicale.
Cette décision fait suite au constat de nombreuses irrégularités en matière d'adoption internationale, notamment au Sri Lanka a rappelé Beat Jans en conférence de presse. Quelle est la réaction des associations soutenant les enfants adoptés et les parents adoptifs? watson a interrogé l'association Back to the Roots, qui soutient les personnes adoptées à la recherche de leurs origines, le Bureau d'Aide et de Recherche des Origines (Baro) à Lausanne et à l'association mosaïques adoptions.
Celin Fässler est porte-parole de l'association Back to the Roots, elle se dit satisfaite des échanges avec le Conseil fédéral sur la thématique et ajoute que cette décision est «un bon signe», mais qu'il ne résout pas pour autant «les problèmes du passé». La Saint-Galloise explique que la fondatrice de l'association a fait partie du groupe d'experts qui a conseillé la Confédération sur ce sujet.
Back to the Roots a été la première association a avoir révélé le scandale des bébés sri lankais adoptés illégalement en Suisse durant les années 1980. Ce lourd passé, mettant en cause les autorités fédérales et cantonales, avait été examiné par la haute école zurichoise de sciences appliquées (ZHAW) à la demande du Conseil fédéral en 2020. La décision du Conseil fédéral, quatre ans après la publication du rapport est un «soulagement» selon Celin Fässler.
Elle tient à rappeler que la priorité de l'association Back to the Roots est d'aider les enfants victimes d'adoptions illégales à retrouver leurs origines et leurs mères biologiques, pour cela elle souhaite un soutien accru des autorités et espère que le contenu de la nouvelle loi facilitera cette recherche.
Du côté du Bureau d'Aide à la Recherche des Origines (Baro), on se montre sceptique face à cette décision. En effet, il explique qu'une interdiction ne garantit pas pour autant la protection de l’intérêt supérieur de l’enfant. L'association aurait préféré des réponses «plus nuancées», relatant de nombreux éléments qui montrent la complexité de cette thématique.
Le Bureau d'Aide à la Recherche des Origines souligne que l'adoption internationale est reconnue comme une mesure de protection par l'art. 21 de la convention des droits de l'enfant, à condition qu'elle respecte les principes de subsidiarité et l’intérêt supérieur de l’enfant.
Jenny Xu, présidente de l'association mosaïque qui soutient les familles adoptives dans leur démarche, qualifie la décision du Conseil fédéral de «tout simplement scandaleuse».
Elle pointe aussi une conséquence que pourrait avoir cette interdiction pour les futurs parents adoptifs, celle de se tourner vers des circuits illégaux d'adoption, comme les mères porteuses qui constitueraient «une dérives face à cette interdiction», hypothèse partagée par le Bureau d'Aide à la Recherche des Origines (BARO).
Alors que la Suisse a vu les adoptions internationales baisser drastiquement ces 20 dernières années, passant de plusieurs centaines en 2006 à une trentaine d'enfants en 2023, selon l'Office fédéral de la justice, mosaïques adoptions s'interroge sur la nécessité du Conseil fédéral d'interdire cette pratique. «Nous avons l'impression que la Confédération voulait "se faciliter" la tâche en l'interdisant, au lieu de surveiller au mieux les pratiques», conclut amère Jenny Xu.