Suisse
Covid-19

Alain Berset lié dans un scandale politique impliquant Blick

Selon la Schweiz am Wochenende, le chef de la communication d'Alain Berset, Peter Lauener, aurait transmis des documents confidentiels sur la gestion du Covid à Marc Walder, patron de Ringier.
L'ex-chef de la communication d'Alain Berset, Peter Lauener, aurait transmis des informations confidentielles sur la gestion du Covid à Marc Walder, patron de Ringier.keystone / ch media (montage watson)

Alain Berset est encore lié à un scandale politique

L'ex-chef de la communication d'Alain Berset aurait transmis à répétition, durant la pandémie, des informations confidentielles au patron du groupe de presse Ringier concernant les mesures anti-Covid. La pression du monde politique s'intensifie autour du conseiller fédéral.
16.01.2023, 12:3216.01.2023, 19:06
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On pensait que 2022 enterrait avec elle son lot d'«affaires Berset». C'est raté: 2023 vient de commencer et le conseiller fédéral socialiste est à nouveau dans la tourmente. Et cette fois-ci, pas des moindres: l'entourage politique du conseiller fédéral aurait transmis des informations de plus haute importance concernant la gestion de la politique Covid au patron du groupe de médias Ringier.

Le chef de la communication du conseiller fédéral, Peter Lauener, aurait régulièrement transmis des informations confidentielles à Marc Walder, patron de Ringier, durant la pandémie. Avec cette information, le journal dominical Schweiz am Wochenende (appartenant au groupe CH Media, qui édite également watson) jette un pavé d'importance dans la mare.

Présomption d'innocence
La rédaction de watson rappelle que jusqu'à l'issue des procédures en cours, Peter Lauener ainsi que les autres personnes citées dans cet article bénéficient de la présomption d'innocence.

Qui est au centre de l'affaire?

Voici les acteurs de cette affaire:

  • Alain Berset, conseiller fédéral
  • Peter Lauener, ex-chef de la communication d'Alain Berset
  • Marc Walder, éditeur et patron de Ringier, qui édite Blick
  • Peter Marti, procureur extraordinaire de la Confédération

Que s'est-il passé?

Tout commence avec l'enquête du procureur extraordinaire de la Confédération, Peter Marti, sur l'affaire Crypto. Il s'intéresse, dans ce cadre, à plusieurs fuites ayant eu lieu dans la presse et ses soupçons se concentrent alors sur Peter Lauener, chef de la communication d'Alain Berset.

C'est dans ce contexte qu'il soulève des questions sur de possibles autres fuites, cette fois-ci concernant la gestion de la pandémie, à la presse. Il ouvre un autre dossier.

Der CEO von Ringier Marc Walder anlaesslich des Swiss Media Forum vom Donnerstag, 15. September 2022 auf dem Motorschiff Diamant auf dem Vierwaldstaettersee in Luzern. (KEYSTONE/Urs Flueeler)
Marc Walder, patron de Ringier.Image: sda

Au centre de celui-ci: des contacts très (trop?) étroits entre Peter Lauener et Marc Walder. Le bras droit d'Alain Berset aurait gardé un contact très étroit avec le patron de presse, allant jusqu'à communiquer avec lui «chaque semaine» sur l'évolution des mesures prises par le gouvernement, selon nos collègues de Schweiz am Wochenende.

Alain Berset en compagnie de son ancien chef de la communication Peter Lauener en septembre 2021
Peter Lauener et Alain Berset.Image: keystone

L'exemple le plus flagrant a eu lieu le 11 novembre 2020. Blick révèle en Une que la Suisse a enfin accès au vaccin. Le média alémanique donne l'information plusieurs jours avant l'annonce du Conseil fédéral. De plus, il dispose d'infos solides dont personne n'avait idée à l'époque: le vaccin choisi sera celui de Pfizer/Biontech et le Conseil fédéral prévoit d'acheter 100 millions de doses.

Alain Berset ainsi que Peter Lauener ont tous deux été entendus par Peter Marti. Il est, toutefois, précisé que:

«Ni Ringier, ni ses filiales, ses organes, ou ses employés ne sont accusés dans cette procédure. Ringier coopère avec les autorités compétentes, tout en garantissant la protection des sources.»

Peter Lauener a été entendu par Peter Marti en mai 2022. Durant l'interrogatoire, des questions sur Crypto AG ont lieu, mais aussi sur les messages échangés avec Marc Walder. Durant plusieurs heures, Peter Lauener répète: «Je ne sais rien». Il le fera 204 fois.

Après cet interrogatoire, Peter Lauener a passé plusieurs nuit en détention préventive. La raison mise en avant par Peter Marti: le danger que celui-ci ne profite de sa remise en liberté pour mettre en place des accords avec les parties en présence ou aille se débarasser de possibles preuves. Une décision contestée par l'avocat du chef de la communication de Berset.

Trois semaines après cet entretien, Peter Lauener quitte son poste. Il travaille désormais pour une entreprise de communication privée à Berne.

En septembre, Peter Lauener dépose une plainte pénale contre Peter Marti pour «abus de pouvoir». En conséquence de la nouvelle procédure en cours, les appareils électroniques saisis quelques mois plus tôt n'ont «pas pu être exploités» pour en saisir des preuves. Ils demeurent sous scellé.

Scénario ubuesque: un autre procureur extraordinaire, Stephan Zimmerli, enquête désormais sur le procureur extraordinaire Peter Marti.

Quels sont les enjeux?

Tout d'abord, la question principale: le conseiller fédéral Alain Berset était-il au courant que son chef de la communication faisait fuiter des informations confidentielles dans la presse? Il a répondu de manière assez expéditive au micro de la RTS, dans l'émission Forum, vendredi soir:

«Je devrais commenter des fuites illégales alors qu’une procédure pénale qui n’est pas dirigée contre moi est en cours? Je ne peux pas faire ça»
Alain Bersetforum, rts
epa10407318 Swiss federal president Alain Berset at the 'Davos Alliance' (conference of ministers of culture) on the sideline of the 52nd annual meeting of the World Economic Forum (WEF), in ...
Alain Berset.Image: sda

Emma Bossin, porte-parole du département fédéral de l'Intérieur, n'a également pas souhaité répondre à nos confrères.

Ensuite, la question de l'indépendance de la presse. Car si un média a le droit — ou non — d'approuver ou de critiquer l'action de son gouvernement, qu'en est-il des possibles influences directes ou indirectes?

Marc Walder est, en effet, particulièrement sensible à la thématique du Covid. Les mesures au sein de Ringier ont été particulièrement strictes durant la pandémie. Durant une conférence en ligne organisée en février 2021 par la Swiss Management Association, il a ainsi déclaré:

«Nous voulons soutenir le gouvernement avec nos articles. Le but, c'est de traverser cette crise au mieux»
Marc Walder, CEO de Ringier

Et de rajouter:

«Les médias ne doivent pas amplifier le fossé entre la société et le gouvernement»
Marc Walder, CEO de Ringier

La discussion en ligne devait avoir lieu sur invitation, mais ces propos avaient fuité plusieurs mois plus tard. Le média satirique conservateur alémanique Nebelspalter s'en était fait l'écho. La version romande de Blick a alors publié un éditorial de l'ensemble des rédacteurs en chef des rédactions, dans lequel le média assure «travailler en toute indépendance» (dans le titre). On peut y lire:

«Les déclarations de notre chef nous présentent sous un faux jour. Marc Walder regrette le choix de ses mots»
Editorialblick

Pourquoi c'est important?

Le procureur Peter Marti estime, quant à lui, que le groupe de presse a pu avoir «une influence sur le Conseil fédéral» avec ces liens. Le sérail politique étant, lui aussi, sensible aux informations sorties dans la presse, une fuite peut permettre d'influencer ou de faire pression sur une partie des institutions.

Ueli Maurer, ancien ministre des Finances.
Ueli Maurer, ancien ministre des Finances.Image: keystone

Parmi eux notamment, Ueli Maurer, connu pour être opposé au renforcement des mesures Covid, déclarait ainsi à nos confrères il y a une année:

«La pression médiatique sur le monde politique est devenue énorme. Et le Conseil fédéral n'est le seul à la subir»
Ueli Maurerschweiz am Wochenende, janvier 2022

Selon l'ancien conseiller fédéral UDC, cette pression médiatique aurait permis de faire passer des mesures «qui n'étaient pas forcément nécessaires» au niveau fédéral, mais aussi au sein de différents cantons.

Comment réagit la sphère politique?

Pour l'heure, la critique la plus virulente provient du conseiller national UDC zurichois Alfred Heer, qui appelle à la démission d'Alain Berset.

Ailleurs dans le parti agrarien, on reste critique: interrogés par la RTS, les conseillers ntionaux Jean-Luc Addor (UDC/VS) et Céline Amaudruz (UDC/GE) n'ont pas appelé à la démission, mais lourdement critiqué la crédibilité du conseiller fédéral et laissé entendre qu'il doive lui-même se poser la question de sa démission.

Andres Carroni (PLR/AG) a également indiqué qu'Alain Berset, en tant que représentant élu, «n'était plus crédible». Plus à gauche, les réactions tardent encore à venir. Interrogé par l'émission de la RTS Forum, le conseiller national (Verts/GE) Nicolas Walder (pas de lien connu avec l'éditeur de Ringier) a avancé un autre élément qui pose problème:

«On ne peut pas favoriser ainsi un média par rapport à d'autres. Nombre d'autres auraient aimé avoir ces scoops»
Nicolas Walder, conseiller national (Verts/GE)
En 10 ans au Conseil fédéral, Berset n'a pas changé de coupe
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En 10 ans au Conseil fédéral, Berset n'a pas changé de coupe
En 2011, en mode partyboy: élu conseiller fédéral, Alain Berset fête l'événement au restaurant XIII Cantons dans sa commune de Belfaux, dans le canton de Fribourg.
source: keystone / jean-christophe bott
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