EG5, appelé Eris et BA.2.86, nommé Pirola, sont les deux nouveaux variants du Covid-19 qui sont apparus en Suisse ces dernières semaines et qui attirent l'attention des experts. Faut-il s'en inquiéter? Didier Trono, virologue et professeur à l'EPFL répond à nos questions.
Cet été marque l'arrivée de deux nouveaux variants en Suisse, que sait-on actuellement?
Il y a bien sûr plus de deux variants en circulation dans le monde, mais ceux qui ont attiré l'attention de la communauté scientifique sont le EG5 appelé Eris et le BA2.86 appelé Pirola. Ce sont des variants qu'on a vus émerger à plusieurs endroits du monde, donc ils sont déjà en circulation un peu partout.
Cela est probablement dû au faible séquençage, car si on le détecte dans les eaux usées, cela veut dire que des personnes ont été infectées.
Pourquoi Eris et Pirola attirent l'attention des épidémiologistes aujourd'hui?
Parce que ces deux variants se distinguent particulièrement de leurs souches initiales. Pirola, par exemple, a beaucoup de mutations dans sa protéine Spike (gène qui permet au virus de pénétrer dans la cellule), à ce titre, ce variant pourrait être inquiétant comme l'avait été Omicron à l'époque.
Vous utilisez le conditionnel?
Oui, car nous n'avons pas encore tous les résultats concernant sa sensibilité à l'immunité prévalant dans la population ou aux anticorps monoclonaux qu’on pourrait utiliser pour protéger les personnes dont le système immunitaire est affaibli, et des résultats préliminaires suggèrent que les nombreuses mutations que Pirola a accumulées l’ont été au prix d’une baisse de son infectivité, donc peut-être de sa capacité à se propager ou à induire des infections de caractère explosif.
Pas de raisons de s'inquiéter alors?
Pour l'instant on n'est pas trop inquiets par rapport à ces nouveaux variants, mais ce sont les jours et les semaines à venir qui nous le diront.
Justement, au niveau de la courbe des infections, où en sommes-nous?
Ça commence à monter, comme chaque année en été. Le Covid est une infection saisonnière comme la grippe, mais la principale différence, c'est que la courbe des infections du Covid-19 monte en été, elle atteint un pic en automne et redescend au printemps. Pour l'instant, sans qu'il y ait cette année d'incidence majeure sur les courbes d'hospitalisation.
Inutile donc de ressortir les masques?
Pour les personnes à risques, comme les personnes âgées ou les personnes qui souffrent de maladies sous-jacentes, cardiovasculaires ou autres, je pense que c'est une bonne idée.
Vous avez ressorti votre masque aujourd'hui?
Non. Mais la question se pose. D’une part, l'infection bénigne dont souffrirait vraisemblablement une personne en bonne santé et qui a été préalablement vaccinée ou déjà exposée au virus dans le passé est une bonne manière de stimuler son immunité ou plutôt de l'actualiser à la sauce du dernier variant. D’un autre côté, tout individu infecté et symptomatique peut transmettre la maladie à un individu qui lui pourrait être plus en danger. A noter que le port du masque est la règle chaque hiver dans les pays asiatiques, où la population l’adopte tant pour se protéger que pour protéger les autres.
Le gel hydroalcoolique semble toujours d'actualité...
Oui. Il est resté dans les mœurs, même si, avec l'expérience, nous avons constaté que la transmission du Covid a toujours été plus importante via les aérosols que par les contacts directs.
Et la vaccination dans tout ça?
Elle est recommandée dans certains de nos pays voisins pour les individus à risque, mais en Suisse, il n'y a pas de politique officielle pour l'instant.
On ne sait pas encore quelle est la sensibilité du Pirola à l'immunité conférée par les vaccins actuellement disponibles. On pourra en dire plus prochainement.
On peut dire que vous n'êtes pas inquiet ou que vous attendez de voir?
Eh bien, je dis qu'il ne faut surtout pas baisser la garde. Il faut surveiller le virus et monitorer sa propagation au cours des jours et des semaines qui viennent afin d'être prêt à réagir très rapidement si les courbes d'hospitalisation grimpent ou si des formes de maladies plus graves apparaissent.
A ce titre, j'espère que l’Office Fédéral de la Santé Publique renouvellera dans le futur son soutien à cet effort remarquable d’impact et d’un coût infime si on le compare à celui d’une épidémie qui reprendrait de la vigueur. Il faut aussi suivre de près ce qui se passe ailleurs dans le monde, car le virus ne respecte aucune frontière et peut se déplacer à grande vitesse d’un côté du globe à l'autre.