La Suisse attend avec impatience l'enquête sur ce qui est probablement le plus grand scandale économique de l'histoire récente: l'effondrement du Credit Suisse. Le contexte et les responsabilités de chacun sont passés au crible par une commission d'enquête parlementaire. Cette CEP, comme on l'appelle, a presque terminé son enquête. Il s'agit maintenant de finaliser le rapport – dans le plus grand secret. Jusqu'à présent, tout le monde s'est tenu à carreau. Ça a changé ce week-end.
Le grand dominical alémanique SonntagsZeitung a lancé les hostilités en titrant: «La CEP révèle les rencontres secrètes d'Ueli Maurer». L'article met en lumière le rôle de l'ancien conseiller fédéral UDC et ministre des Finances de 2016 à 2022, soit la période précédant l'effondrement du Credit Suisse, le 19 mars 2023.
La CEP a découvert que Maurer a joué un rôle bien plus actif qu'on ne le pensait jusqu'à présent. Entre octobre 2022 et la fin de l'année, des rencontres secrètes ont eu lieu régulièrement entre le conseiller fédéral d'alors, le président de la Banque nationale suisse, Thomas Jordan, et le président du Credit Suisse de l'époque, Axel Lehmann. Fait inhabituel: ces rencontres n'ont pas été documentées.
Maurer semble malmené dans le rapport de la CEP. Il aurait affirmé, à tort, à ses collègues du gouvernement que la situation de la grande banque était sous contrôle, alors qu'il nourrissait de grandes réserves en interne. Un autre point critique est que Maurer n'a pas informé le Conseil fédéral à temps de la crise imminente, comme l'exige pourtant la règle.
L'article soulève également des questions sur les motivations du ministre d'alors, qui semble avoir contourné la cellule de crise officielle et agi de son propre chef. Le rapport de la CEP semble suggérer que l'action d'Ueli Maurer a aggravé la situation de la grande banque. Après sa démission, sa successeure, la conseillère fédérale Karin Keller-Sutter (PLR), a mis fin aux réunions non officielles.
L'enquête de nos confrères a provoqué la consternation au sein de la CEP. Comment les informations ont-elles pu être divulguées? Et sont-elles vraies? La SonntagsZeitung indique qu'aujourd'hui, toutes les personnes impliquées qui ont témoigné devant la CEP peuvent consulter les passages qui les concernent et prendre position. Ce cercle de personnes est relativement large.
Les membres de la CEP contactés par CH Media (groupe auquel appartient watson) ont déclaré, lundi, que le secret de commission était absolu. Apparemment, chaque conversation téléphonique avec un journaliste est enregistrée. Ils ont renvoyé au bureau de la CEP et celui-ci a fait la déclaration suivante:
Par une autre source, nous avons appris que la Commission entendait empêcher de nouvelles indiscrétions en «frappant fort». Lors de la prochaine réunion de la commission, il devrait être décidé de déposer une plainte pénale. Ensuite, le Ministère public de la Confédération interviendra. Le rapport complet de la CEP est attendu pour novembre 2024, d'ici là, il faut éviter de nouvelles fuites.
Aujourd'hui, dans la capitale fédérale, les indiscrétions sont plus sévèrement réprimées qu'il y a quelques années. Ce n'est qu'en juillet que ce journal avait rapporté que les problèmes liés à la répartition des départements conduisaient à des procédures pénales: les sept conseillers fédéraux doivent s'expliquer.
En décembre dernier, les conseillers fédéraux n'étaient pas au courant qu'Elisabeth Baume-Schneider voulait changer de département après seulement un an. La réunion sur le sujet n'avait pas été bien préparée, tel était le reproche. Le Ministère public de la Confédération enquête désormais.
Traduit et adapté par Noëline Flippe