Tout a démarré avec des vidéos diffusées sur les réseaux sociaux - que nous avons visionnées. On y voit Vincent Veillon, sur le plateau de RTS Première, la voix trafiquée. Puis le visage de Jean-Marc Sabet, patron de la société b-sharpe, apparaît. A l'écran, l'entrepreneur romand, actif dans la fintech, décrit une opportunité unique à saisir et affirme qu'il est impossible «d'ouvrir cette plateforme à tout le pays, car les résultats sont si puissants qu'ils risqueraient de déstabiliser le système».
Il s'agit en réalité d'un deepfake, ces contenus vidéo ou audio manipulés grâce à l'intelligence artificielle. Pour le créer, les escrocs ont détourné et volé une vidéo publique: «Elle est trouvable sur le site de la société où je fais la promotion de mon entreprise.»
L'arnaque prétendait proposer des investissements pouvant rapporter jusqu'à 2000 francs par semaine. En réalité, les victimes étaient envoyées sur une plateforme pour de soi-disant investissements en crypto. Un service que la société n'offre pas, active dans le service de change de devises en ligne.
Des connaissances lui ont écrit pour en savoir plus après avoir découvert la vidéo:
Pour l'entrepreneur, la situation est délicate: «C'est un grand moment de solitude, on éprouve une telle impuissance. On ne peut pas prévoir les conséquences», souligne le patron.
Et d'enchaîner:
Une fois la plainte déposée, «c'est un flou artistique qui s'installe», nous glisse le patron lésé. Il n'a pas eu l'impression que les autorités prenaient son problème au sérieux. «C’est la police cantonale qui s’en occupe. Ils écrivent à l'hébergeur et ils sont tributaires de sa capacité à réagir», relate Jean-Marc Sabet.
Il poursuit:
«Seul», «pas assisté», «aucun feedback» sont des mots qui reviennent dans la bouche de l'entrepreneur. Face à un phénomène qui est en train d'exploser, les ressorts pour se défendre restent très maigres.
Contactée par watson, la police cantonale genevoise ne peut évoquer les cas particuliers et concède que les arnaques de ce calibre ne sont pas monnaie courante:
En évoquant ses déboires, Jean-Marc Sabet nous cite plusieurs noms de sociétés telles qu'Alpentrust, CHedge, Vaudtrust ou encore Alpenfi. Les différentes entités mentionnées ne sont parfois plus valides ou renvoient à des comptes Facebook sans aucun lien.
Ces entités usent de publicités sponsorisées sur Youtube et sur les plateformes Facebook et Instagram pour promouvoir leurs arnaques. Nous avons tenté de joindre Meta, mais sans succès.
Alors, comment contrer ces détournements? «On m’a proposé de me faire accompagner par des spécialistes en cybersécurité, mais face à des deepfake comme celui-là, il faudrait passer par des systèmes coûteux», répond le patron. Il n'exclut toutefois pas d'investir si le problème devait se répéter.
De nombreux cas similaires ont été révélés dans la presse ces derniers mois. Toujours à Genève, David Sadigh, fondateur et directeur général de Digital Luxury Group, a vu sa voix clonée, rapportait la Tribune de Genève, en février 2025.
En mai de cette année, une campagne vidéo deepfake sur Instagram détournait des images de dirigeants de Goldman Sachs. Abby Joseph Cohen et David Kostin voyaient leur frimousse déblatérer des conseils pour attirer les amateurs souhaitant s'enrichir rapidement, relayait le magazine Fortune.
Ou encore cet autre cas relayé par la police de Hong Kong: un employé travaillant dans le secteur financier pour une multinationale hongkongaise (dont le nom n’a pas été divulgué) pensait participer à une visioconférence avec plusieurs de ses collègues, alors qu’en fait, les huit participants n’étaient pas réels.
Contacté, l'Office fédéral de la cybersécurité (OFCS) souligne que, de manière générale, «il est très difficile d'empêcher techniquement la création et la diffusion de deepfakes».
Les personnes exposées publiquement, dont de nombreuses images, vidéos ou enregistrements audio sont librement accessibles, sont les premières victimes potentielles: