Des Suisses à New York: «On est des victimes collatérales de Trump»
En avril dernier, lorsque Donald Trump brandissait ses premières menaces de taxes douanières face au reste du monde, nous avions contacté le trio de propriétaires suisses du Lavaux Wine & Fondue Bar de New York, pour recueillir leurs impressions à chaud. A l’époque, Titouan Briaux Chaudet et ses associés savaient déjà «que ça allait tomber de manière abrupte», mais il leur était «impossible d’analyser cette information en toute rationalité».
La brutalité et la surprise des annonces du président américain les avaient poussés à prendre du recul et à ne pas réagir sous le coup de la colère.
Quatre mois plus tard, alors que le Conseil fédéral a échoué dans ses négociations avec le gourou MAGA et que la Suisse se retrouve officiellement taxée à 39%, la colère s’est transformée en incompréhension et en frustration.
Notre interlocuteur a bien conscience que son business n’est pas dans le collimateur de Trump et qu’il «n’évolue pas dans la Pharma ou l’or». Depuis cinq ans, les trois associés font tourner un petit bistro 100% suisse avec, notamment au menu, leur propre production vinicole vaudoise et les produits du fromager gruyérien William Wyssmüller.
The Lavaux a beau ne pas avoir l’influence d’un Novartis, l’ADN de l’établissement se joue sur l’exportation de nos petits joyaux de la gastronomie.
Alors que le Conseil fédéral annonce vouloir doucement continuer à négocier avec les Etats-Unis au lieu de sortir franchement les crocs, nos petits Suisses à New York vont-ils fermer boutique ou faire enfler leurs prix pour compenser les 39% de taxes douanières? «On ne va abandonner notre affaire, mais il a fallu anticiper», nous explique Titouan Briaux Chaudet au bout du fil.
Une technique qui a d’ailleurs été empoignée par d’autres sociétés suisses, Swatch en tête. Bourrer les stocks avant le couperet leur a aussi permis de «ne pas augmenter les prix de manière brutale». Car Titouan Briaux Chaudet refuse de verser dans le pessimisme. Selon lui, il y a encore une chance que les droits de douane ne soient plus à 39% dans quelques mois: «Pour l’instant, on se contente de limiter la casse».
The Lavaux, qui emploie huit équivalents plein-temps, pourrait d’ailleurs étoffer son offre «au-delà des produits suisses», si cette guerre commerciale avec les Etats-Unis ne s’atténue pas avec le temps, «mais nous n’en sommes pas encore là». Etant donné que le Domaine Chaudet propose également ses crus en dehors de l’établissement de Manhattan, «il s’agit de rassurer nos distributeurs que les prix ne vont pas prendre l’ascenseur demain matin».
«Déçu» par le Conseil fédéral
Tout en étant bien conscient de la «taille de la Suisse face au géant américain», Titouan Briaux Chaudet regrette que le Conseil fédéral n’ait pas trouvé «le moyen de limiter la casse, comme nos voisins de l’Union européenne et du Royaume-Uni»:
A Manhattan, le désarroi helvétique ne truste pas les discussions des New-Yorkais, même lorsqu’ils plongent leur pain dans une fondue gruérienne. Une métropole démocrate «qui déteste Donald Trump», nous confirme le copropriétaire de The Lavaux. Et les Suisses de la Grosse Pomme, comme réagissent-ils à cette gifle économique? «Entre expatriés, on en parle beaucoup et c’est l’incompréhension qui domine.»
Un problème après l’autre. Une fois que les stocks seront méchamment entamés, il «faudra prendre une décision». D’ici là, pour les associés et leurs partenaires, une «grosse séance» est prévue vendredi. Pour faire le point. Avec, sans doute, le poing dans la poche.