Trump demande bien plus à la Suisse que ce Parmelin a dit
Lorsque le conseiller fédéral Guy Parmelin et la directrice du Secrétariat d'Etat à l'économie (Seco), Helene Budliger Artieda se sont présentés devant les médias pour annoncer le succès des négociations avec les Etats-Unis, les concessions suisses évoquées portaient surtout sur les 200 milliards de dollars d’investissements réalisés par des entreprises helvétiques aux Etats-Unis, ou sur de larges accommodements concernant les droits de douane dans le domaine agricole.
Mais un joint statement, publié vendredi par la Maison-Blanche, montre que Washington attend bien davantage de la Suisse. Selon le SonntagsZeitung, les documents comprennent au total 29 points. Et certains sont sensibles en Suisse. Voici ce que l'on trouve parmi les demandes américaines.
Des importations détaxées
La Suisse va bien obtenir une réduction à 15% de droits de douane, au lieu des 39% annoncés le 1er août dernier. Elle va également bénéficier de quelques exemptions supplémentaires pour des biens spécialisés.
En contrepartie, elle devrait supprimer totalement des droits de douane, surtout dans le domaine alimentaire et agricole. Cela concerne les noix, les fruits, les produits chimiques, le whisky, le rhum.
Les contingents pour des produits comme la viande de bœuf devraient, en outre, être augmentés, ou l’importation des controversés poulets chlorés autorisée. Le président de l’Union suisse des paysans Markus Ritter a déjà réclamé dans le SonntagsBlick davantage de soutien pour l’agriculture suisse.
L'adaptation aux normes automobiles américaines
La demande est très claire, la Suisse devra reconnaître les standards américains en matière de véhicules automobiles. Jusqu’à présent, les gros pick-up et les SUV américains ne pouvaient circuler en Suisse qu’après des modifications. C’est le cas, par exemple, du Cybertruck de Tesla. L’importation et l’utilisation de ce véhicule controversé pourraient ainsi soudain être autorisées sans restriction.
La reprise des sanctions américaines
Ce point est particulièrement sensible. Bien que Guy Parmelin ait assuré au cours des négociations que les Etats-Unis n’avaient jusqu’ici jamais demandé à la Suisse d’adopter des sanctions économiques, la liste montre que de telles exigences sont bel et bien envisagées.
Il y a une semaine déjà, des informations circulaient selon lesquelles Donald Trump aurait avancé ces conditions face à la délégation d’entrepreneurs suisses à la Maison-Blanche. Dans le monde politique suisse, cette perspective a suscité des critiques et des refus à travers tout l’échiquier partisan.
Ne pas taxer les Gafam
Google, Amazon, Facebook, Apple, Microsoft et consorts (les fameux Gafam) ne pourront pas être soumis à une fiscalité spécifique en Suisse. La Maison-Blanche qualifie les taxes sur les services numériques de «nuisibles» et demande donc qu’elle y renonce.
Le sujet est sensible, car plusieurs demandes pour davantage de transparence et de responsabilité de la part des géants de la tech sont en discussion au Parlement à Berne.
Ce ne serait toutefois pas totalement nouveau qu’un geste soit fait en direction des Gafam. Dès la fin août, des informations avaient filtré selon lesquelles le Conseil fédéral était prêt à renoncer à une ligne plus dure afin d'amadouer Donald Trump.
Des exigences floues
Ce que beaucoup de ces points ont en commun, c’est qu’ils ne sont pas formulés clairement, mais souvent de manière plutôt vague.
Interrogé par la NZZ am Sonntag, le Département fédéral de l’économie (DEFR) relativise d’ailleurs à plusieurs reprises la portée absolue des exigences listées. Par exemple en ce qui concerne la reprise de sanctions:
En tant qu’état souverain, la Suisse continuera ainsi à décider de ses propres mesures. On ignore si le gouvernement américain partage cette interprétation du DEFR.
Des déclarations d'intention
Des zones d’ombre subsistent. Que se passera-t-il si les Etats-Unis insistent de toute leur force sur certains points de la liste, alors qu'ils sont particulièrement impopulaires en Suisse?
Ces points pourraient alors être renégociés si la Suisse refusait de s’y plier. Compte tenu de l’impulsivité du président américain, l'exercice pourrait s'avérer très délicat.
Après l’euphorie de vendredi, il ne faudrait pas oublier qu’il s’agit là d’une déclaration d’intention, et non d’un accord signé. Le chemin vers une réduction définitive des droits de douane pourrait donc être nettement plus long que ce que souhaitent les parties, surtout au vu des exigences américaines.
L’incertitude est d’autant plus marquée que la «déclaration commune» n’a pour l’heure été publiée que par les États-Unis, et non par la Suisse. Selon le DEFR, cela s’explique par un «malentendu interne» et sera corrigé «aussi vite que possible», comme il l’a indiqué à la NZZ. (con, adapt. joe)
