Taxer la snus comme la cigarette? Pourquoi le Conseil fédéral dit non
Dans le bus, au bistrot, en soirée: partout, on voit des gens glisser discrètement un petit sachet blanc sous leur lèvre supérieure. Ces sachets, qui contiennent du tabac et libèrent de la nicotine, sont de la snus. Comme la cigarette, le produit peut créer une dépendance. Ces dernières années, le nombre d’utilisateurs de snus a fortement augmenté.
Un produit bon marché et populaire
Le produit est particulièrement prisé chez les jeunes, qui en consomment parfois même en cours. On trouve de la snus à toutes les saveurs, de la myrtille à la mangue. L’un de ses atouts, c'est son prix: une boîte de vingt sachets coûte moins de dix francs.
Ce prix bas s’explique en partie par la fiscalité. La snus est un produit du tabac, mais son taux d'imposition est de 10%, soit bien moins que pour les cigarettes. En comparaison, la taxe d'un paquet de cigarettes représente presque la moitié du prix de vente. D’où la proposition du député vert’libéral Patrick Hässig: appliquer à la snus la même fiscalité qu'au tabac à rouler et pour le narguilé, soit environ trois fois plus qu’à présent.
Un risque de commerce illégal
Le Conseil fédéral ne compte toutefois rien changer pour l’instant, comme il l’indique dans sa réponse à l’intervention parlementaire de Patrick Hässig. La Confédération prépare une analyse globale de la situation, qui servira de «base décisionnelle complète pour une éventuelle adaptation de la fiscalité sur le tabac». L'élu zurichois dit pouvoir «vivre avec cette attente, pour le moment».
Mais la position du gouvernement transparaît dans sa réponse:
Le commerce illégal pourrait alors prospérer, avec des effets négatifs sur l’économie. Jusqu’ici, comme le souligne encore le Conseil fédéral:
Un argument peu convaincant pour Patrick Hässig. L’objectif de sa proposition n’est pas d’accroître les revenus de l’Etat, mais de réduire la consommation. «Ou au moins de dégager davantage de moyens pour la prévention», précise le conseiller national vert'libéral. Le gouvernement rappelle pour sa part que la fiscalité sur le tabac vise «principalement à financer les assurances sociales».
1000 kilomètres pour économiser?
Un autre argument avancé par le Conseil fédéral: une hausse de taxe pourrait «augmenter le tourisme d’achat». Pour la snus, cela paraît pourtant peu plausible. Dans tous les pays voisins, sa vente est interdite. Pour acheter légalement et à moindre prix de la snus contenant du tabac, il faudrait donc se rendre jusqu'en Suède. Distance à vol d’oiseau: environ 1000 kilomètres. Difficile d’imaginer qu'on puisse faire un tel trajet pour quelques francs d’économie.
En réalité, c’est plutôt la Suisse qui profite actuellement d’un certain tourisme d’achat. Bien que la vente de snus soit interdite en Allemagne, la possession et l’importation de petites quantités pour usage personnel sont autorisées. Dans les régions frontalières, de nombreux points de vente ont donc fleuri.
Outre Patrick Hässig, Yvonne Bürgin (Centre/ZH) et Giorgio Fonio (Centre/TI) ont également déposé des interventions sur la fiscalité du tabac. Toutes visent à rendre ces produits moins attractifs en augmentant leur prix. Giorgio Fonio souhaite relever le taux sur les produits du tabac à chauffer, et Yvonne Bürgin propose d'harmoniser et augmenter la taxe de prévention. Les élus se sont coordonnés pour le dépôt de leurs propositions, et se retrouvent tous trois déboutés, le Conseil fédéral les renvoyant systématiquement à la future «analyse globale».
