Une vieille cabine de téléphérique en guise de décor, de la fondue moitié-moitié au bain-marie et du vin vaudois à la carte. The Lavaux, c’est son nom, fait danser les spécialités suisses à 20 minutes de SoHo et à deux pas du début de la célèbre High Line. Depuis cinq ans, ce wine bar à croix blanche, monté par trois associés romands, propose aux fins palais de Manhattan le meilleur de notre petit pays.
Tout y est ou presque, de la planchette apéro à la plâtrée de roesti et ses deux saucisses, en passant par la raclette, les fusilli du chalet, le Saint-Saph’ et même un mode d’emploi pour immerger correctement sa fourchette dans le caquelon.
Quelques détails nous rappellent pourtant que les vignes de Lavaux sont en réalité à 6300 kilomètres de ce petit bistro de Hudson Street: l’indispensable Caesar Salad (mais avec du «Sbrinz cheese», faut pas déconner) ou encore le verre de Chasselas Lutry Tradition, qui est proposé à 22 dollars. Un prix qui pourrait bien prendre l’ascenseur après le coup de massue commerciale infligé par Donald Trump, mardi.
Alors que les meilleurs experts sont encore en train de disséquer et d’analyser l’ADN des nouvelles taxes douanières brandies par le président américain, au début et au bout de la chaîne, c’est «une grande incertitude qui plane», nous confie Titouan Briaux Chaudet, l’un des trois copropriétaires de The Lavaux, qui importent leur propre production vinicole et les produits du fromager William Wyssmüller.
Au bout du fil, ce vigneron à la tête du domaine familial Chaudet à Rivaz, ne peut s’empêcher d’ironiser sur l’art et la manière du président américain. Même ambiance du côté de son associé, Jean-Charles Estoppey, qui attend de voir «ce que ça va donner concrètement», car «Trump met un peu ses grands pieds n’importe où, sans en comprendre toujours les conséquences». Alors que le flou règne encore, on évoque le scénario catastrophe:
Mais, attention, «compliqué» ne veut pas dire mettre la clé sous la porte: «Le bar n’est pas menacé en tant que tel, mais il y a de grandes chances pour que ces nouvelles taxes douanières se répercutent sur les prix à la carte et, donc, sur le consommateur», projette Titouan Briaux Chaudet, qui estime les droits de douane actuels sur l’alimentation à environ 5%, «en incluant les taxes déguisées et variables».
Selon lui, cette dernière décision brutale ne représente qu’une partie des lourdes conséquences de l’arrivée de Donald Trump au pouvoir, car «la chute du dollar et les tendances inflationnistes touchent chaque recoin de l’économie des Etats-Unis aujourd’hui, pas seulement les droits de douane». Et tout cela aura un impact global sur les activités de nos trois associés à New York, conscient malgré tout que...
De son côté, Jean-Charles Estoppey est impatient d’en savoir davantage sur «les détails qui se cachent derrière ces chiffres encore opaques» et espère que «les négociateurs suisses vont pouvoir aboutir à une solution cohérente et acceptable».
Nos deux associés sont bien conscients que, dans cette rue huppée de Manhattan, où tout coûte un rein, la clientèle de The Lavaux n’est pas forcément la plus à cheval sur les prix. Titouan Briaux Chaudet avoue quand même que «l’incertitude nous empêche d’anticiper correctement les stocks et ne va pas nous aider à rester concurrentiels face à la France ou l’Italie», dont les produits seront taxés, eux, à hauteur de 20%.
Il faut dire que nos trois associés ont déjà largement prouvé leur capacité à s’adapter aux grands imprévus, eux qui ont ouvert The Lavaux en 2020, en pleine pandémie.