Contrairement à une croyance populaire, la cocaïne ne déclenche une addiction que chez une minorité des personnes consommatrices. C'est ce que soutient une nouvelle étude de l'Université de Genève (Unige). Les neuroscientifiques ont découvert pourquoi: un mécanisme bien utile de notre cerveau qui agit comme un frein à l'addiction, la sécrétion de sérotonine.
Outre le titre d'un bouquin bien connu de Michel Houellebecq, la sérotonine est une hormone présente dans le système nerveux, qui joue notamment un rôle dans la régulation des émotions.
Et elle est pratique: c'est elle qui nous empêche de devenir accro à la cocaïne.
En effet, la cocaïne a pour particularité de déclencher une augmentation massive de sérotonine lors d'une prise de cette drogue. La sérotonine va permettre de ralentir l'effet de récompense provoquée par l'augmentation de dopamine, commune à toutes les prises de drogues (mais aussi à des activités plus saines comme la course à pied). Donc, en gros, en atténuant la sensation de récompense, elle nous empêche de basculer dans l'addiction.
Lorsque l'on consomme de la cocaïne, deux forces s'opposent dans le cerveau:
L'addiction apparaît lorsqu'un déséquilibre se crée entre les deux et que la dopamine supplante la sérotonine.
Il faut bien distinguer «addiction» et «dépendance», qui ne sont pas la même chose.
La dépendance touche beaucoup de monde, contrairement à l'addiction qui n'affecte qu'une minorité de gens, même après une exposition prolongée. On estime par exemple que le taux d'addicts à la cocaïne s'élève à 20% des consommateurs.
Selon le directeur de l'étude, Christian Lüscher, professeur au département des neurosciences fondamentales à l'Unige, le même principe s'applique pour tous les produits potentiellement addictifs:
Pour leurs expériences, les scientifiques ont eu un problème: comment observer un phénomène aléatoire, qui ne se déclenche qu'une fois sur cinq? Avec des souris, pardi!
L'équipe de recherche a appris à un large groupe de souris à s'administrer de la cocaïne de manière volontaire. Une partie de plaisir? Pas vraiment. Une partie d'entre elles recevaient un léger stimulus désagréable après chaque prise. Deux groupes ont alors émergé:
«Ce comportement compulsif est précisément ce qui définit l’addiction qui affecte 20% des individus, chez les souris comme chez les êtres humains», souligne Vincent Pascoli, collaborateur scientifique dans le groupe genevois et co-auteur de cette étude.
Chez d'autres souris, on a coupé le transporteur de sérotonine lors des prises de cocaïne. Il n'y a donc qu'une augmentation de la dopamine, l'hormone du plaisir et de la récompense.
Dans ce cas, 60% des animaux développent une addiction. La cocaïne dispose donc bien d'une sorte de frein naturel, efficace quatre fois sur cinq. (mbr)