C'est l'un des principaux arguments des opposants à l'extension des autoroutes proposée par le Conseil fédéral. Pour eux, ce projet, qui se chiffre en milliards de francs et sur lequel les Suisses voteront le 24 novembre, est en contradiction flagrante avec la protection de la nature. Son acceptation entraînerait une augmentation du trafic et donc des émissions de CO2.
L'élargissement prévu de six tronçons autoroutiers, dont la portion de l'A1 entre Le Vengeron (GE) et Nyon (VD) en Suisse romande, «nuirait au climat et rendrait l'air irresponsable», affirme la coprésidente du Parti socialiste suisse, Mattea Meyer, membre du comité référendaire opposé au projet fédéral.
La conseillère nationale écologiste saint-galloise Franziska Ryser est également critique envers le texte du Conseil fédéral, notamment envers ce passage:
A première vue, les arguments des opposants sont cohérent. En Suisse, la mobilité est à l'origine de la plupart (40%) des émissions de gaz à effet de serre. Et contrairement à d'autres domaines, les progrès pour limiter l'empreinte carbone des moteurs thermiques sont modestes. Selon les chiffres de l'Office fédéral de l'environnement, les émissions dues aux transports n'ont baissé que de 8% depuis 1990, alors que celles du secteur du bâtiment ont diminué de 44%.
La réussite du pari écologique pour les routes dépend en grande partie de la volonté des gens de passer aux voitures électriques. Après l'euphorie des débuts, la demande de véhicules électriques s'est récemment quelque peu tassée. En 2023, la part de marché de ceux nouvellement immatriculés était passée de 17,8 à 20,2% seulement.
Une étude de la société de conseil EBP est à ce titre saisissante. Pour les experts, une chose est claire: la marche triomphale de la voiture électrique est inéluctable. Même dans le scénario pessimiste «Business as usual» – dans le cas où la Confédération ne prévoirait pas de prescriptions plus sévères en matière d'émissions – EBP estime que la part de marché des voitures électriques atteindra 80% d'ici 2040.
En réalité, ce scénario pèche peut-être par pessimisme. Principalement parce que l'Union européenne veut serrer la vis. L'année dernière, elle a décidé qu'à partir de 2035, il ne serait en principe plus possible de vendre des voitures neuves fonctionnant à l'essence ou au diesel. Le Conseil fédéral a laissé entrevoir qu'il se rallierait à cette démarche. Dès 2025, des valeurs limites de CO2 plus strictes s'appliqueront aux nouvelles voitures. Cela signifie que les concessionnaires automobiles devront à nouveau augmenter leur part de voitures électriques afin d'éviter de lourdes amendes. Cela a pour conséquence qu'ils vont mettre en place des incitations à l'achat de voitures électriques.
Les experts d'EBP fournissent également des prévisions pour ce scénario. Si les réglementations sur les émissions devaient être renforcées à l'avenir, la part de marché des voitures électriques atteindrait presque 100% dès 2040. Ce scénario est donc «compatible avec l'objectif zéro net en 2050», relatif la neutralité carbone visée par le Conseil fédéral.
Dès lors, quelle est la validité de l'argument des opposants à la votation du 24 novembre, selon lequel l'extension des autoroutes va à l'encontre de la protection du climat? Franziska Ryser se dit prête à faire un compromis.
Mais pour cela, il faudrait que les conditions soient réunies. «Les partis bourgeois ont les cartes en main pour que les choses avancent enfin en matière de protection du climat. Mais manifestement, l'administration fédérale elle-même ne croit pas à ses prévisions», dit-elle.
Franziska Ryser estime que la pollution ira sûrement en diminuant, mais que d'autres types de pollution augmenteront. L'usure des pneus est plus importante avec les voitures électriques, ce qui accroît la pollution par les microplastiques. La députée des Verts souligne également la production énergivore et à fortes émissions des voitures électriques, en particulier de leurs batteries au lithium.
L'augmentation du trafic due à l'élargissement des autoroutes surchargera probablement les quartiers d'habitation, car les voitures électriques nécessiteront des places de stationnement supplémentaires et des routes plus larges. Sans compter que la construction de ces infrastructures est également nuisible pour le climat.
La coprésidente du PS Mattea Meyer est du même avis.
C'est pourquoi elle maintient que «l'extension des autoroutes à coups de milliards est nuisible au climat».
Sans surprise, les arguments des opposants ne convainquent guère Thierry Burkart. Le président du PLR les trouvent erronés.
A moyen terme, on peut aussi s'attendre à une baisse «massive» des émissions si les heures d'embouteillage diminuent du fait de l'extension du réseau.
Pourquoi le comité du «Oui» ne met-il pas l'accent sur la mobilité électrique dans sa campagne? «Notre principal argument est que l'élargissement des routes réduira le trafic de contournement dans les villages», explique Thierry Burkart, par ailleurs conseiller aux Etats argovien. Le trafic de contournement dû aux embouteillages cause une forte pollution, des émissions élevées et des perturbations dans le trafic local. Cela affecte directement les habitants de manière immédiate.
Si les partisans ne vantent pas, en l'espèce, les mérites des voitures électriques, c'est peut-être dû à cette raison. Par le passé, ils ont freiné les efforts en faveur de la mobilité électrique au parlement. Ainsi, en mars 2023, le Conseil national a rejeté l'interdiction de vente de nouvelles voitures à moteur thermique à partir de 2035, contrairement aux projets prévus par l'Union européenne.
Traduit et adapté de l'allemand par Léon Dietrich