La droite genevoise et le Conseil d’Etat, ça fait un. Ben non. Depuis l’élection complémentaire de 2021 suite à l’embardée Maudet, la gauche, avec deux socialistes et deux écologistes, y est majoritaire. Avant cela, deux fois seulement celle-ci avait ravi l’exécutif cantonal. En 1933 et en 2005. La droite partant divisée, la gauche gouvernementale, qui se présente unie, augmente ses chances de se maintenir. Les résultats du premier tour, ce dimanche 2 avril, donneront de précieuses indications en vue du second, le 30.
Dans ce scrutin majoritaire, ils sont 23 dont 8 femmes sur la ligne de départ. Leur partition en treize listes donne à l’électeur tout loisir de biffer les noms qui ne lui conviennent pas. Face aux quatre candidats de la majorité sortante (trois actuellement en poste, une nouvelle venue, la socialiste Carole-Anne Kast, en lieu et place d’Anne Emery-Torracinta), la droite fait chambre à part.
Le PLR, l'UDC et Le Centre (ex-PDC) présentent des tickets à deux. Idem chez les Verts libéraux, visiblement sûrs d’eux-mêmes. Le MCG (Mouvement des citoyens genevois), Elan radical (une scission du PLR) et Pierre Maudet (Libertés et Justice sociale) y vont, eux, à un candidat. On a bien compté: cela fait sept listes à droite et au centre droit, sans compter des candidatures aux chances infimes.
Le grand ratage, selon les uns, un soulagement, pour d’autres, reste l’absence de ticket commun englobant le PLR, l’UDC et Le Centre. «L’UDC voulait cette grande alliance, le PLR y était favorable, mais Le Centre n’a pas voulu s’associer à l’UDC», explique le politologue Pascal Sciarini, professeur à l’Université de Genève (Unige), auteur du récent ouvrage Politique suisse. Institutions, acteurs, processus (éditions Presses polytechniques et universitaires romandes, collection Sciences politiques).
Dans la famille «droite et centre droit», d’autres alliances auraient pu voir le jour. «Le Centre n’était pas contre un ticket commun avec le PLR, mais c’est ce dernier qui ne voulait pas, préférant un ticket élargi à l’UDC», reprend Pascal Sciarini.
L’entre-deux-tours, a fortiori si aucun candidat n’est élu au premier, pourrait donner lieu à des rapprochements, qui sait, jusqu’ici insoupçonnés. Cela tient pour l'heure de la galéjade: le très populaire conseiller d’Etat Mauro Poggia, qui ne se représente pas, pourrait se lancer dans la course après le 2 avril, si d’aventure son parti faisait un score «canon» au Grand Conseil. Peu probable, d'après les fins limiers de la politique genevoise.
Reste Pierre Maudet, 45 ans. Celui dont il ne faut pas dire le nom, mais qui squatte les pensées tel un bon vieux refoulé. Le proscrit de la République, pas nécessairement des électeurs, fait à la fois figure de favori et d’outsider dans l’élection au gouvernement cantonal. Lors de la complémentaire de 2021, ayant remis son siège en jeu pour cause d’ennuis judiciaires liés à son voyage en famille «tous frais payés» à Abou Dhabi, il avait créé la surprise, comme on dit.
Sans la présence au second tour de la centriste Delphine Bachmann (à nouveau candidate cette année), donnant lieu à une triangulaire, il aurait peut-être battu la verte Fabienne Fischer, élue à cette occasion et qui se représente dimanche. Si la chance devait lui sourire cette fois-ci, le canton en serait tout chamboulé.
Les débats qui agitent la société suisse et genevoise influeront-ils sur les résultats? Le PLR pâtira-t-il de la débâcle de Credit Suisse? Les restrictions à la circulation des voitures, leur dogmatisme sur des questions sociétales seront-ils préjudiciables aux Verts, un parti touché par des dissensions internes entre «fundis» et «realos»? Sa conception orthodoxe de la neutralité suisse, son discours sur l’islam, joueront-ils en faveur ou en défaveur de l’UDC?
Le Grand Conseil, lui, pourrait rester à droite, son ancrage familier. D’autant plus que l’extrême gauche présente deux listes concurrentes. Il y a toutefois suspense: et si, ni l’extrême gauche, donc, ni Libertés et Justice sociale, ni les Verts libéraux, ni le MCG, ni l’UDC, ni même Le Centre n’obtenaient le quorum de 7% des voix donnant droit à des députés? Ce surprenant scénario n’est pas impossible. Il pourrait se produire en cas de forte dispersion des voix. Auquel cas, hypothèse spectaculaire, seuls le PLR, le PS et les Verts se partageraient le pouvoir législatif. Toutes les réponses et des débuts de réponses dimanche. Le plus fracassant serait qu'on s'achemine vers l'élection de Pierre Maudet au gouvernement.