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Rapatrier les enfants de Suisses partis faire le djihad: quels risques?

Duel enfants de djihadistes
Le conseiller aux Etats (PS/GE) Carlo Sommaruga et la conseillère nationale (UDC/GE) Céline Amaudruz croisent le fer.Image: Montage watson
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Rapatrier les enfants de Suisses partis faire le djihad: quels risques?

Faut-il rapatrier les enfants de djihadistes? Si oui, à quelles conditions? On en débat avec Carlo Sommaruga (PS/GE) et Céline Amaudruz (UDC/GE).
09.12.2021, 17:35
Jonas Follonier
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Pour la première fois, la Suisse a effectué un rapatriement d'enfants de djihadistes. Deux jeunes Genevoises de 9 et 15 ans avaient été enlevées par leur mère en 2016; elles sont de retour dans le canton de Genève, depuis ce mardi 7 décembre. Elles ont passé plus de cinq ans en Syrie, détenues par le groupe terroriste Etat islamique (EI).

A Berne, tous les élus ne voient pas du même œil cette opération et les enjeux qu'elle englobe, sur le plan éthique, juridique et sécuritaire. On en débat avec Carlo Sommaruga (PS/GE) et Céline Amaudruz (UDC/GE).

1. Est-ce un devoir moral et politique d’aller chercher les enfants de djihadistes suisses, détenus par exemple au nord de la Syrie?

Carlo Sommaruga: C’est un devoir moral, juridique et politique. La Suisse se devait d’agir. Les enfants enlevés par l’un des parents ou nés dans les camps sont des victimes innocentes. Il n’y a aucune raison de faire porter à ces jeunes Suisses la responsabilité du choix inconsidéré des parents de rejoindre l’Etat islamique.
Céline Amaudruz: Je m'interroge quant à notre éventuel devoir moral vis-à-vis de ces enfants. Si leur sort est bien sûr regrettable, la Suisse n'a pas à assumer le choix fait par les parents. Ceux-ci sont partis faire le djihad, c'est-à-dire faire de leur mieux pour détruire nos valeurs. Il est un peu facile de faire appel à ces mêmes valeurs pour implorer la pitié.

2. Quels risques comporte une telle opération?

Carlo Sommaruga: L’opération réalisée pour rapatrier les deux petites Genevoises montre que les risques, qui existent, sont maîtrisés. Avec des engagements fermes de la part des autorités des régions kurdes autonomes de Syrie et d’Irak, avec qui la Suisse a de bons rapports, même si non officiels, les risques sont minimes. Le succès par contre est une libération pour les fillettes.
Céline Amaudruz: Le rapatriement d'enfants élevés dans la haine de nos valeurs est un risque, particulièrement selon leur âge. Il faut un suivi serré pour s'assurer que ces jeunes ne mettent pas en pratique ici les préceptes dans lesquels ils ont baigné là-bas. Le rapatriement n'est que la première étape d'une longue route visant à désamorcer le risque. Il faut mettre les moyens à disposition.

3. Si l'on rapatrie les enfants, faut-il aussi rapatrier les mères, dont on ignore le degré d’adhésion à l’idéologie djihadiste?

Carlo Sommaruga: Le simple fait de rejoindre l’Etat islamique est un délit qui peut être poursuivi en Suisse. Et cela, même si la personne n’a jamais été au front. La Convention d’Istanbul accorde un droit inaliénable aux enfants à entretenir les liens avec leurs parents. La Suisse aurait dû rapatrier la mère des enfants plutôt que de lui retirer la nationalité. Nous avons une justice et des prisons pour faire face à ces rares cas.
Céline Amaudruz: On peut entrer en matière pour les enfants, mais en aucun cas pour les mères qui ont fait un choix conscient en allant soutenir cette idéologie. Elles doivent en assumer les conséquences. Il ne faut pas être naïfs, la bonté dont nous pourrions faire preuve à leur égard sera identifiée comme de la faiblesse, la haine qui les anime ne disparaîtra pas d'un coup. On ne joue pas avec des allumettes. Priorité à la sécurité.

4. A la Matinale RTS, mardi 7 décembre, le délégué au Réseau national de sécurité André Duvillard expliquait qu’un enfant de djihadiste rapatrié en Suisse «peut rester radical par rapport à l'idéologie, mais ce qu'on veut c'est réduire au maximum le potentiel de violence». N’est-ce pas baisser les bras?

Carlo Sommaruga: En matière philosophique, politique et religieuse, ce n’est pas la radicalité des idées qui est un problème dans nos démocraties libérales. C’est l’appel et le passage à la violence. Ils doivent être combattus. L’Europe l'a réussi avec les Brigades rouges, Action directe et la Bande à Baader. Il n’y a pas de raison de ne pas réussir avec les djihadistes.
Céline Amaudruz: En aucun cas. La France a tenté l'exercice en créant un centre de déradicalisation qui n'a pas donné satisfaction, selon un rapport sénatorial rédigé en 2017, dont je cite un extrait: «La critique fondamentale à laquelle ce dispositif s’expose est son absence totale de résultat.» On ne déprogramme pas un cerveau comme on le fait d'un portable.

5. La sécurité de la population suisse versus la sécurité de quelques enfants au destin tragique: comment concilier les deux en respectant l’Etat de droit et les conventions internationales?

Carlo Sommaruga: Le nombre de djihadistes et d’enfants de djihadistes dans les prisons kurdes est limité. Notre réseau diplomatique, nos systèmes judiciaire, carcéral et social sont à même de prendre en charge, de juger, sanctionner et accompagner la déradicalisation de ces personnes. Il faut simplement de la volonté et du courage politique.
Céline Amaudruz: Cela revient à réclamer le soleil et la lune à la même heure, j'en ai bien peur. La question nécessités sécuritaires versus Etat de droit et conventions internationales se pose régulièrement, c'est au politique de choisir où mettre l'accent. En ce qui me concerne, la sécurité de la population suisse doit l'emporter.
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