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Comment Poutine peut favoriser le tournant énergétique en Suisse

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L'installation photovolaïque de haute altitude d'EWZ sur le barrage de l'Albigna.image: keystone

Comment Poutine peut favoriser le tournant énergétique en Suisse (ou pas)

La guerre en Ukraine pourrait devenir un catalyseur pour la transition vers les énergies renouvelables. Ou bien provoquer exactement le contraire.
Cet article est également disponible en allemand. Vers l'article
24.03.2022, 06:1524.03.2022, 07:34
Dennis Frasch
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La guerre en Ukraine montre sans ménagement à quel point la Suisse et l'Europe sont dépendantes des énergies fossiles - et donc de pays comme la Russie. Il faut désormais y mettre fin. «Avec la guerre, il devient tellement évident que nous devons réduire notre dépendance énergétique et agir», a déclaré la ministre de l'énergie Simonetta Sommaruga dans une interview accordée aux journaux Tamedia.

Certains pourraient accuser Sommaruga d'opportunisme politique. Mais le fait est que la Suisse, par sa dépendance au gaz et au pétrole russes, contribue au financement de la guerre de Poutine et se met ainsi elle-même dans l'embarras. Cela soulève beaucoup de questions, tant sur le plan éthique que sur la question de la sécurité de l'approvisionnement. En effet, l'indépendance énergétique permettrait d'éliminer la crainte que quelqu'un comme Poutine ferme le robinet à gaz. Dans un pays pauvre en matières premières comme la Suisse, cette indépendance n'est réalisable que grâce aux énergies renouvelables. Ainsi, on ferait d'une pierre deux coups.

La guerre en Ukraine pourrait-elle donc être le catalyseur de la transition énergétique en Suisse? Ce n'est malheureusement pas aussi simple que cela.

Des milliards pour le trésor de guerre de Poutine

Avant d'examiner en détail la possibilité de se passer du gaz et du pétrole russes - et, en fin de compte, de toutes les énergies fossiles -, voici quelques chiffres clés: en 2020, la Suisse a consommé 747 400 térajoules (TJ) d'énergie. L'énergie gazière en représentait 15,1%. 47% du gaz utilisé en Suisse provient de Russie.

Les plus gros consommateurs de gaz ont été les ménages (40%). Le gaz est encore utilisé dans un immeuble d'habitation suisse sur cinq. Dans les villes, la proportion est même plus élevée: dans la ville de Berne, par exemple, environ un tiers de tous les logements sont chauffés au gaz.

En ce qui concerne le pétrole brut, la Russie ne joue qu'un rôle secondaire. La Suisse dispose de sa propre raffinerie de pétrole à Cressier. Celle-ci peut fournir environ 25% de tous les produits pétroliers nécessaires en Suisse et la Russie n'est pas un fournisseur important. En 2020, les grands acteurs étaient le Nigeria, les Etats-Unis et la Libye.

Les 75% restants des besoins pétroliers suisses sont couverts par des importations de produits finis, par exemple du diesel ou de l'essence. Ceux-ci proviennent principalement de l'UE - à 80% d'Allemagne et de France. Ils sont déclarés comme produits de l'UE, indépendamment de l'origine de leurs matières premières.

En 2019, environ un quart du pétrole brut importé dans l'UE provenait de Russie. Certaines années, cette proportion atteignait même un tiers. Il est impossible de savoir quelle part a atterri en Suisse, mais il est très probable que nos importations ne soient pas entièrement «sans Russie».

En prenant tout cela en compte, il est presque impossible de calculer combien de francs suisses sont versés chaque année à la Russie pour le pétrole et le gaz, mais il s'agit vraisemblablement de plusieurs milliards. D'après les calculs du think tank européen Bruegel, les clients européens ont dépensé 660 millions d'euros pour du gaz début mars - en une journée.

Quelles sont les alternatives au gaz russe?

Selon Simonetta Sommargua, il faut couper le flux d'argent vers la Russie en accélérant la transition énergétique. Les Verts et le PS sont d'accord, et vont même plus loin: ils veulent un arrêt total des importations de gaz russe. «La politique énergétique est une politique de sécurité», a déclaré la conseillère nationale Verte Aline Trede pour justifier sa demande lors du débat urgent sur la guerre en Ukraine.

Le ministre allemand de l'économie Robert Habeck (Verts) a justifié de manière similaire l'investissement récemment annoncé de 200 milliards d'euros pour la transition énergétique.

Néanmoins, renoncer immédiatement au gaz et au pétrole russes - comme le font les Etats-Unis - ne sera guère possible sous ces latitudes. L'Europe est trop dépendante des livraisons en provenance de l'Est. Pour les Etats-Unis en revanche, les livraisons de gaz et de pétrole russe ne jouent pas un rôle significatif.

En Europe, les alternatives à court terme, surtout dans le domaine du gaz, sont pratiquement impossibles à trouver. «La nouvelle est amère: nous avons encore besoin de gaz russe. Les erreurs stratégiques des dernières décennies ne peuvent pas être effacées en trois semaines», a déclaré Habeck dimanche au Qatar.

Transition énergétique - une utopie?

Si l'Europe était une voiture, elle ne serait donc certainement pas une Tesla. Le moteur qui fait tourner l'économie et la société reste encore un moteur à essence. La question est donc de savoir comment se passer des énergies fossiles.

En Suisse, on pourrait remplacer les énergies fossiles principalement par l'énergie hydraulique et solaire. C'est ce que prévoit la stratégie énergétique 2050 du Conseil fédéral. En revanche, les éoliennes semblent coincées dans un maquis d'oppositions, et la géothermie n'en est qu'à ses débuts - à ce jour, aucun kilowatt d'électricité n'a été produit par la géothermie.

Ce n'est pas tout: le remplacement de 900 000 chauffages fossiles et la rénovation énergétique d'un million de maisons à court et moyen terme restent des questions sans réponse. De plus, le secteur de l'énergie solaire souffre d'une grave pénurie de main-d'œuvre qualifiée. Pour atteindre les objectifs climatiques d'ici 2050, il faudrait au moins 11 000 emplois à temps plein supplémentaires dans les prochaines années. C'est deux fois plus que ce qui existe actuellement.

Kornelia Hässig d'Energie Suisse déclare à la SRF:

«Le scénario selon lequel nous ne pourrions pas atteindre les objectifs énergétiques et climatiques en raison du manque de personnel qualifié, ou du moins que cela soit retardé, est parfaitement réaliste.»

De plus, la Suisse ne sera pas complètement indépendante de l'étranger, même avec la transition énergétique. En effet, 70% de tous les panneaux solaires sont fabriqués en Chine. La domination chinoise est tout aussi imposante en ce qui concerne la production de silicium, un élément important dans les compositions des panneaux photovoltaïques.

Le tournant énergétique rapide que souhaite Sommaruga correspond donc pour l'instant plutôt à un vœu qu'à une réalité. La guerre en Ukraine ne fait que révéler la complexité de cette tâche herculéenne, sans parvenir à l'atténuer, bien au contraire.

La renaissance des centrales à gaz et nucléaires

Aujourd'hui, tout semble indiquer de manière réaliste que le tournant énergétique sera retardé, notamment à cause de la guerre. Cela s'explique notamment par le risque de pénurie d'électricité au niveau national, que l'Office fédéral de la protection de la population (OFPP) considère comme le plus grand danger pour la Suisse.

Selon ce rapport, dans des cas extrêmes, c'est-à-dire en cas d'enchaînement de plusieurs événements malheureux, la Suisse risque de manquer d'électricité pendant 10 à 20 jours dès 2025.

La crainte de devoir bientôt se passer de pétrole et de gaz provenant de Russie ne fait qu'alimenter cette peur. Cela pourrait avoir pour conséquence que l'idée de nouvelles centrales nucléaires, par exemple, devienne plus séduisante. Et cela malgré le fait que l'accident de Fukushima semblait avoir définitivement scellé la fin du temps de l'énergie nucléaire. En effet, le peuple suisse s'était prononcé en 2017 pour l'interdiction de nouvelles centrales nucléaires.

Mais ces dernières années, des voix se sont élevées dans le monde politique pour réclamer de nouveaux réacteurs. Le Parti radical-démocratique (PRD), par exemple, ne veut plus exclure cette option. Le Club suisse de l'énergie, une association de défenseurs de l'énergie nucléaire, fait en outre campagne pour le lancement d'une initiative populaire intitulée «Stop au black-out». L'objectif de cette initiative est de lever l'interdiction de construire de nouvelles centrales nucléaires.

Des centrales à gaz, qui elles dépendent à 100% de l'étranger, pourraient également être construites en Suisse. Peu avant le début de la guerre, Sommaruga a présenté un plan d'urgence visant à réduire le risque imminent de pénurie d'électricité. Outre des réserves hydroélectriques, ce plan prévoit également deux nouvelles centrales à gaz. Celles-ci ne devraient toutefois être utilisées qu'en cas d'urgence absolue, constituant une «réassurance par rapport au courant hydraulique». Reste à savoir dans quelle mesure il est réaliste de penser que deux centrales à gaz restent en grande partie inutilisées.

L'innovation par la guerre

La guerre en Ukraine favorise-t-elle la transition énergétique ? Oui et non, c'est compliqué. Et paradoxal. Peu de choses pourraient être moins utiles à la lutte contre le changement climatique que des chars à moteur diesel qui détruisent des régions entières. Et pourtant, la guerre parvient à montrer à l'Europe et à la Suisse l'interdépendance de l'économie et des énergies fossiles. Et de faire prendre conscience que seules les énergies renouvelables peuvent nous permettre de sortir de ce bourbier.

Une prise de conscience accrue ne suffit toutefois pas. Le tournant énergétique s'est jusqu'à présent heurté à la réalité: un nombre insuffisant d'emplois, des guerres de tranchées politiques et un manque d'argent. En conséquence, la guerre ne joue qu'un rôle secondaire. De plus, avec des tentatives précipitées d'abandon du gaz et du pétrole russes, la Suisse court le risque de se contenter d'acheter les énergies fossiles à d'autres fournisseurs au lieu de les remplacer par des sources renouvelables.

Traduit de l'allemand par Léa Krejci

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