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Les réserves d'énergie suisses sont-elles en danger cet hiver?

Les compagnies d’énergie mettent-elles en danger nos réserves pour l'hiver?

Le barrage d'Emosson en 2019. (KEYSTONE/Anthony Anex)
Le barrage d'Emosson à Finhaut-Emosson, dans le canton du Valais, au sud-ouest de la Suisse, jeudi 15 août 2019.Image: KEYSTONE
En début d'année, les réservoirs suisses ont atteint un niveau record avant d'être désormais à un niveau inférieur à la moyenne. Les entreprises énergétiques en font-elles assez pour assurer les stocks cet hiver?
31.08.2023, 05:5431.08.2023, 10:37
Mark Walther / ch media
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En été, la crise énergétique que nous avons connu l'hiver dernier semble loin dans nos esprits. Néanmoins, les préparatifs pour cette fin d'année sont d'ores et déjà en cours. Et les réservoirs sont actuellement le théâtre d'événements remarquables, témoignant d'une activité intense au cours de ces dernières semaines.

Les lacs de retenue – ou lac de barrage – jouent le rôle de réserve énergétique hivernale pour la Suisse, agissant comme de gigantesques batteries naturelles. Grâce à l'eau stockée, le pays serait en mesure de générer suffisamment d'électricité, même en cas d'interruption des importations électriques cruciales pendant plusieurs semaines. Actuellement, ces lacs sont remplis à hauteur d'environ 79%, ce qui est légèrement en dessous de la moyenne pluriannuelle de 81%. Une situation pour le moins surprenante étant donné que les niveaux de stockage étaient, au début de l'année, à un niveau record. Comment l'expliquer?

«Le surplus a été vendu»

Depuis juin, les niveaux de remplissage des lacs de retenue augmentent plus lentement que d'habitude – malgré un mois de juillet plutôt pluvieux sur une grande partie du territoire. C'est ce que montrent les données de l'Office fédéral de l'énergie. Cela s'explique probablement par le fait que les centrales à accumulation ont produit relativement beaucoup d'électricité de mai à juillet, comme le montrent des chiffres de la société nationale pour l'exploitation du réseau Swissgrid. Une bonne partie de l'électricité aurait été acheminée à l'étranger, car l'excédent d'exportation a été plus important que d'habitude en juin et juillet.

La situation de départ aurait pourtant été favorable pour des lacs plus pleins: jusqu'en février, le remplissage des lacs atteignait des niveaux records par rapport aux 50 dernières années. L'hiver, beaucoup trop doux, a nécessité moins d'électricité que d'habitude, ce qui a ménagé les lacs. La réserve d'eau pour les cas d'extrême urgence n'a donc pas été touchée. Le Conseil fédéral l'avait fait mettre en place comme une sorte d'assurance – et avait payé 300 millions de francs aux entreprises d'électricité pour ça. Ces coûts ont été ensuite absorbés par tous ceux qui consomment de l'électricité.

Mais la réserve d'urgence a été formellement dissoute le 15 mai 2023. Après cette date, les exploitants de centrales ont pu en disposer librement. Et le niveau de remplissage actuel de cette réserve d'urgence laisse supposer que c'est exactement ce qu'ils ont fait. Ce qui suscite le mécontentement de Berne: «Le surplus a été vendu au cours des deux derniers mois, on ne peut pas le nier», déclare le conseiller national Vert Bastien Girod.

L'opposition entre sécurité d'approvisionnement et intérêts financiers

Pour les exploitants des centrales, cette démarche est nécessaire pour se protéger contre d'éventuelles inondations. Selon un porte-parole d'Axpo, entreprise suisse de production et distribution d'énergie, les accumulateurs doivent pouvoir absorber de l'eau en cas de pluie, y compris dans les mois qui viennent, afin d'éviter un éventuel débordement des rivières dans la zone de la centrale. En outre, il n'est généralement pas possible de stocker les affluents au niveau le plus bas de la centrale et il faut s'en occuper immédiatement.

Même son de cloche chez Alpiq, qui déclare qu' un peu plus d'électricité a été produite en été pour faire de la place à l'eau estivale. Une porte-parole du groupe énergétique se veut toutefois optimiste.

«Selon toute vraisemblance, les lacs d'accumulation seront très bien remplis pour le début de l'hiver»
Une porte-parole d'Alpiq

Mais Bastien Girod estime que le prétexte des inondations cache les vraies raisons pour lesquelles cette démarche a été entreprise, soit des raisons économiques. Car en faisant turbiner toute l'eau, ils augmentent leurs profits. Si la réserve d'urgence était encore dans les lacs et qu'un automne pluvieux arrivait, ils pourraient être obligés d'envoyer l'eau vers la vallée par débordement – donc sans la turbiner. Selon le Vert, c'est la raison pour laquelle ils auraient laissé tourner les turbines en été.

«Il y a une divergence entre la sécurité d'approvisionnement et les intérêts économiques»
Bastien Girod

Selon un expert, les motivations pourraient en effet être de nature commerciale. René Baggenstos, directeur de la fiduciaire énergétique Enerprice, suppose que de nombreux producteurs ont vendu l'année dernière de l'électricité à des prix élevés pour cette année et l'année prochaine. Les prix du marché avaient littéralement explosé en 2022. C'est pourquoi la production de juillet était probablement en grande partie une production planifiée pour le marché à terme.

Une nouvelle réserve d'urgence est nécessaire

Pour l'hiver prochain, Swissgrid paiera à nouveau les entreprises d'électricité pour qu'elles constituent une réserve d'eau. Grâce aux coûts du marché relativement bas, cela a coûté jusqu'à présent l'équivalent de 50 millions de francs aux consommateurs d'électricité. Bastien Girod estime ce système est problématique; les exploitants ne sont pas incités à constituer eux-mêmes une réserve suffisante.

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Marianne BinderImage: KEYSTONE

La conseillère nationale du centre Marianne Binder s'engage pour un meilleur remplissage des lacs de retenue suisses. Dans une intervention, elle demande au Conseil fédéral un rapport sur la manière dont les lacs pourraient être remplis de manière plus fiable au début du semestre d'hiver. Selon elle, le potentiel énergétique des lacs pleins est important. Le vote sur cette proposition n'a pas encore eu lieu. Le Conseil fédéral la rejette.

«Il serait facile de l'exploiter, mais cela implique une utilisation parcimonieuse de cette précieuse ressource»
Marianne Binder

Le Conseil national et le Conseil des Etats élaborent actuellement une base légale pour la réserve d'énergie. La commission de l'énergie du Conseil national veut obliger les exploitants des centrales à accumulation à participer à la réserve.

Le risque de pénurie d'électricité est plus faible

Toujours est-il que, selon Werner Luginbühl, président de la Commission de l'électricité (Elcom), le risque de pénurie d'énergie est moins élevé qu'il y a un an. Mais le danger n'est pas écarté, comme il l'a déclaré à Tamedia: «On ne peut pas exclure une situation de pénurie». Selon lui, des problèmes pourraient par exemple survenir si l'hiver s'avérait extrêmement froid.

L'Elcom surveille la sécurité de l'approvisionnement en électricité en Suisse. Une porte-parole prend la défense des exploitants et renvoie aux conditions de la concession qui doivent être respectées, comme les limites supérieures de niveau. Elle ajoute qu'il est normal que les exploitants optimisent leur production en fonction des conditions du marché. Du point de vue de la sécurité d'approvisionnement, cela ne poserait généralement pas de problème. Les exploitants conserveraient un volume de stockage suffisant pour les périodes de pénurie éventuelle, car il peuvent alors s'attendre à des prix élevés. La réserve d'énergie hydraulique aurait été créée comme supplément pour éviter des pénuries inattendues.

Si les lacs d'accumulation étaient entièrement remplis, ils contiendraient de l'eau pour environ neuf térawattheures d'électricité, ce qui correspond à environ un sixième de la consommation électrique suisse d'une année. Mais la barre des 100% est pratiquement inatteignable, car tous les lacs n'atteignent pas leur valeur maximale en même temps.

Traduit et adapté de l'allemand par Léa Krejci

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Video: watson
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