Plus la date butoir de la campagne électorale approche, plus le ton des déclarations des partis se durcit. Ce week-end dernier, la NZZ révélait que les services de désinformation de Poutine avaient ciblé la Suisse avec une vidéo qui a fait le tour du web ces dernières semaines, particulièrement chez les Alémanique. On y voit une personne de couleur urinant en pleine rue devant un café et ses clients à Baden, en Argovie. Une séquence prise au smartphone et de mauvaise qualité, mais vue près de 700 000 fois sur divers comptes des réseaux sociaux.
Ein Smartphonevideo, in dem ein dunkelhäutiger Mann in der Innenstadt von Baden (AG) auf den Boden uriniert, dürfte von "russischen Beeinflussungskonten" auf X verbreitet worden sein. Zu diesem Schluss kommt der #Nachrichtendienst des Bundes #NDB, wie die @NZZaS berichtet. (1/6) pic.twitter.com/KWlnWsDy4M
— Philipp Burkhardt (@BurkhardtPhilip) October 15, 2023
Le Service de renseignement de la Confédération (SRC) a fini par s'y intéresser, comme le rapporte la NZZ am Sonntag. Et il a découvert des choses intéressantes. Si les évènements filmés ont bel et bien eu lieu, sa diffusion, elle, a fait l'objet de manipulations.
Il s'agirait de comptes d'influence russes qui mettent délibérément en avant le thème de la migration sous un mauvais jour. Parmi eux, de nombreux bot dont le but est de faire tourner la vidéo un maximum sur les réseaux sociaux.
L'objectif? Un schéma bien connu des campagnes de désinformation russes: mettre l'accent sur les réfugiés qui se comportent mal et faire croire aux pays occidentaux qu'ils sont submergés par ceux-ci. Avec comme but indirect de favoriser l'essor de certains partis. C'est ici l'UDC qui est mentionné.
Une task force de l'UE contre la désinformation a identifié d'autres thèmes récurrents de la propagande russe: la «lutte contre les élites», la menace que représentent les droits LGBT+ et le féminisme pour la société ou la perte de la souveraineté nationale. C'est ce qui ressort également d'un communiqué du gouvernement fédéral allemand, datant de l'été 2022.
Le Parti socialiste (PS) a réagi à ces révélations. Dans un communiqué de presse envoyé hier, son président, Cédric Wermuth, tape du poing sur la table. Pour le parti, «les trolls russes s’en prennent aux étrangers et attisent la haine à leur encontre», veulent affaiblir la solidarité avec les réfugiés ukrainiens «et renforcer avec l'UDC les forces pro-russes au Parlement». Et exige une enquête parlementaire sur le sujet.
Mais si la proximité avec les thèmes de campagne de l'UDC saute aux yeux, il est vrai que ceux-ci ne datent pas de la guerre en Ukraine. Le parti souverainiste rejette les accusations selon lesquelles les gens voteraient en fonction de la propagande russe.
Pour le Zurichois, le succès de l'UDC ne dépend pas d'une vidéo partagée par quelques bots. «Les gens vivent au quotidien ce que signifie l'immigration dans notre pays», ajoute-t-il. Il critique en passant le SRC, dont il juge l'analyse orientée.
Mais l'UDC n'est pas le seul parti pointé du doigt par le renseignement helvétique. Beaucoup plus à gauche, l'organe de la Confédération pointe également du doigt le Parti du travail bâlois, un micro-parti de la gauche radicale présent à Bâle-Ville.
Cette section locale du Parti suisse du travail, dont le siège social est à Genève, a une position bien particulière au sujet du conflit ukrainien. Elle évoque la «dénazification de l'Ukraine» pour parler de la guerre de Poutine et a même envoyé un tout-ménage de trois pages sur le sujet dans la ville rhénane. Le parti est présent sur des affiches dans le centre-ville et les transports publics de Bâle pour les élections fédérales.
Les autres partis de gauche ont refusé de s'allier avec le Parti du travail bâlois pour ces élections, notamment à cause de ses positions du l'Ukraine, et ses chances d'obtenir un siège sont quasi-nulles. Fun fact: le parti a également imprimé des flyers pour un «oui»... à l'initiative de l'UDC sur la neutralité.
Traduit de l'allemand par Valentine Zenker