Pourquoi la Bourse suisse se fiche des droits de douanes de Trump
Depuis 6 heures du matin, c’est officiel, les exportations suisses vers les Etats-Unis sont désormais frappées de droits de douane supplémentaires de 39%. Un coup dur pour un pays exportateur, un choc pour de nombreuses entreprises helvétiques.
La fédération des industriels Swissmem évoque un «scénario catastrophe» désormais devenue réalité. Pourtant, les marchés boursiers suisses ne cèdent pas à la panique, et les indices étaient tous dans le vert jeudi.
Le Swiss Market Index (SMI), qui regroupe les 21 plus grandes entreprises cotées du pays, a progressé d’environ 0,5% à l’ouverture. Le SPI, plus large, a même gagné 0,7%. A la mi-journée la progression était encore plus importante. Un comportement apparemment irrationnel, que les analystes expliquent par trois éléments clés.
L'exception de taille
Donald Trump a, du moins pour l’instant, épargné l’industrie pharmaceutique du coup de massue des 39%. Voilà qui atténue nettement l’impact sur la Suisse, puisque ce secteur représente à lui seul environ la moitié des exportations helvétiques vers les Etats-Unis. Cette exception pourrait même faire la différence entre une récession, et un simple ralentissement de l'économie helvétique.
Si la pharma venait à être incluse dans les nouvelles taxes, la baisse potentielle du PIB suisse pourrait dépasser les 1%, selon les calculs de Hans Gersbach, codirecteur du centre de recherches conjoncturelles (KOF) de l’EPFZ. Il prévient:
Les multinationales suisses produisent sur place
Les entreprises du SMI sont des groupes mondiaux, avec des implantations multiples et des chaînes de production largement sur place. Leur activité est aussi très diversifiée, comme le souligne Daniel Kalt, chef économiste d’UBS:
Environ deux tiers du chiffre d’affaires réalisé aux Etats-Unis par les entreprises suisses proviendraient de produits fabriqués sur le sol américain, et le tiers restant d’importations depuis la Suisse. Principalement des médicaments, précise Daniel Kalt. Et ces derniers sont actuellement exemptés des nouvelles taxes.
La situation est toute autre pour les PME, surtout celles qui exportent des produits très spécialisés directement depuis la Suisse. Daniel Kalt relativise cependant:
C'est l'optimisme qui domine
Une partie du chaos douanier orchestré depuis des mois par Trump est déjà intégrée dans les cours des bourses. De plus, les marchés ne croient pas que ces 39% vont durer très longtemps, comme l'explique Daniel Kalt:
Un avis partagé par Thomas Heller, chef économiste de la Frankfurter Bankgesellschaft. Trump commence toujours par des menaces extrêmes, pour ensuite se montrer conciliant. En Bourse, le mot d’ordre reste donc: «Ça va s’arranger.»
Tant que ces droits de douane resteront en vigueur, que cela soit quelques jours ou quelques semaines, l’économie suisse saura encaisser le choc, estiment Daniel Kalt et Thomas Heller. En revanche, si ces 39% devaient durer des mois, voire des années, et inclure à terme le secteur pharmaceutique, le moral des marchés pourrait, lui aussi, finir par en prendre un coup.
Traduit de l'allemand par Joel Espi
