Tel un moteur de jet prêt à rugir avant le décollage, la saga du F-35 ne cesse de faire vibrer la Suisse. Les affaires à répétition s'accumulent autour de l'engin: problèmes techniques, prix à la hausse et bien d'autres. Avec la réélection du nouveau grand patron de l'armement américain, Donald Trump, la coupe est pleine pour beaucoup.
On vous a donc posé quelques questions sur l'actuelle commande de 36 appareils qui lie l'armée de l'air suisse et le constructeur californien Lockheed Martin. Pour rappel, les engins doivent être livrés dès 2027 et auront coûté (au moins) six milliards de francs. Alors, qu'en est-il? Voici les résultats d'un sondage représentatif réalisé par watson en collaboration avec l'institut de recherche sociale Demoscope.
La réponse à la première question que l'on vous a posée laisse peu de place au doute: 81% des sondés sont opposés à l'achat des avions de combat américains, dont une bonne partie «totalement» contre. Le chiffre est d'autant plus élevé en Suisse romande: 87%.
Pour savoir si les sensibilités politiques pouvaient jouer un rôle, nous avons également demandé aux sondés pour quel parti ils ont principalement voté aux fédérales de 2023. Malgré quelques différences de graduation, c'est flagrant: aucune d'entre elles n'est majoritairement liée à une attitude favorable envers le F-35.
Ce sont les votants du PLR qui sont le plus en faveur de l'engin, à 37%. A l'opposé, les Verts ne sont que 4%. Nos sondés de droite soutiennent tout de même plus favorablement l'achat, mais restent en majorité défavorables.
Nous avons ensuite voulu savoir pour quelles raisons les opposants refusaient l'avion. Une très large majorité des sondés qui sont contre estiment que la Suisse doit mener une politique indépendante du parapluie sécuritaire américain sous Donald Trump: 98%. La solution? Miser un avion de combat européen, une solution préconisée à 93%.
Les arguments financiers comptent également. Près de 92% estiment qu'il est encore temps de faire marche arrière financièrement et 86% craignent des surcoûts. Quant à la question de savoir si six milliards, c'est trop, elle divise et ne convainc «que» 54% des opposants.
La minorité en faveur du F-35 a pu s'exprimer sur les raisons qui expliquent le maintien de son choix. L'argument qui a le plus de poids? Tenir parole. Le peuple a dit oui aux avions de combat en 2020 (87%), tout d'abord — même si l'appareil a été choisi par le Conseil fédéral. Et puis un contrat, ça se respecte (91%).
Et s'il faut bien tenir ses engagements, pourquoi mettre en l'air les 700 millions de francs déjà versés par la Confédération? 85% des sondés le pensent. En dernier, l'argument de l'absence d'alternative ne convainc «que» 66% des sondés.
Avec Donald Trump au pouvoir, c'est simple: très peu de Suisses ont changé d'avis en faveur de l'engin depuis. Soit leur opinion n'a pas changé, soit ils sont plus sceptiques.
Une différence intéressante est présente ici: les Alémaniques sont plus sensibles à l'influence de Trump que les Romands, dont l'opinion semble mieux forgée depuis le début.
Bon, c'est très bien de savoir pourquoi les Suisses sont pour ou contre cet avion. Mais si les autorités en arrivaient réellement à faire marche arrière, que devrait-on faire ensuite?
Pour la plupart des sondés, la priorité va à la coopération européenne. Une bonne partie d'entre eux estime, ensuite, que le grand game changer, c'est Donald Trump. Ensuite, on retrouve l'idée d'un avion européen et de l'importance primordiale des drones, mais cette idée ne convainc pas plus de 65% des sondés.
Enfin, seule une minorité estime que la Suisse n'a pas besoin de nouveaux avions de combat. Près de 60% des sondés restent pour – un chiffre qui confirme la votation de septembre 2020.
Quittons un instant la question des avions de combat et parlons de sécurité au sens général. Selon la plupart de nos sondés, elle s'est détériorée sous Donald Trump. Une certaine part interrogée estime quant à elle que rien n'a changé. Mais qu'elle s'est améliorée? Seuls 3% le croient.
Couplé avec la variable «sensibilité politique», les résultats deviennent d'autant plus intéressants. Nos sondés de droite ont moins ont tendance à penser que la politique de Donald Trump a fait changer la politique sécuritaire en Suisse pour le pire.
Il n'empêche: ceux à penser que la Suisse se porte mieux sécuritairement sous Trump sont très rares. C'est du côté de l'UDC que se trouve cette exception marginale. Mais la majorité des partisans de UDC sondés pense que la situation s'est dégradée (58%).