Le conseiller national neuchâtelois Fabien Fivaz revient à la charge. Il déposera la semaine prochaine une interpellation lors de la présente session des Chambres fédérales, indique-t-il à watson, confirmant une information du Matin Dimanche. L’élu écologiste est membre de la commission de la politique de sécurité. A ce titre, il a tenté de faire voter un mandat destiné à l’administration fédérale, afin qu’elle «étudie les conséquences légales et financières d’une rupture du contrat d’achat des F-35 par la Suisse». Réunie le 25 février, la commission dans sa majorité s’est opposée à sa proposition. Il a donc décidé de passer par une autre voie, celle de l’interpellation parlementaire.
«Dans le cadre d’un mandat, les informations sont directement transmises par l’administration fédérale aux commissions parlementaires, d'où une certaine discrétion, ce qui n’est pas le cas avec une interpellation», explique Fabien Fivaz à watson. Si les choses suivent leur cours normal, le Conseil fédéral rendra sa réponse à la session d'été.
Hormis le contrat d’achat qui lie la Suisse au gouvernement des Etats-Unis, le F-35, le chasseur de l'avionneur Lockheed Martin, n’a pour ainsi dire plus aucun secret pour les Suisses. Justement, Fabien Fivaz voudrait en savoir plus sur certains aspects contractuels. D’autant que les 36 exemplaires commandés aux Américains pourraient coûter 20% de plus par rapport au prix d’origine, inflation oblige, soit 7,2 milliards de francs au lieu de 6, comme le révélait le 22 février la Neue Zürcher Zeitung.
Pour le Vert neuchâtelois, ces questions d'argent sont l'occasion de pousser le questionnement, certains diront le bouchon, à son maximum, à savoir la possibilité d'une rupture de contrat. L’attitude de Donald Trump à l'égard de l’Europe, de l’humiliation infligée à Volodymyr Zelensky à la Maison Blanche, à l’annonce, mardi 4 mars, de la suspension de l’aide militaire à l’Ukraine, ajoute à la défiance que ressentent aujourd’hui de nombreux Européens envers l’administration américaine. Fallait-il acheter le F-35? Si, en Europe, des pays tel l'Allemagne l'ont acquis un peu contraints et forcés par les Etats-Unis, c'est aussi parce que cet avion est conçu pour emporter l'arme nucléaire américaine, instrument de la dissuasion de l'OTAN.
Dans son interpellation, Fabien Fivaz cherchera à savoir:
La gauche – PS et Verts – s'était violemment opposée à l'achat du F-35. Elle n’était pas plus favorable à son concurrent Le Rafale, même si l'appareil français avait l'avantage à ses yeux de ne pas être américain, la marque de l'«impérialisme». Pour remplir la mission de police du ciel, elle se serait contentée de modèles plus modestes. La gauche soupçonne un «scandale F-35». Certains de ses membres, à l’image de Fabien Fivaz, ne désespèrent pas qu'un jour soit créée une commission d'enquête parlementaire.
«La Suisse a acheté l’avion de l’Otan, celui qui équipe aujourd’hui la quasi-totalité des forces aériennes européennes», constate le conseiller national neuchâtelois.
L'élu écologiste estime que l'économie suisse ne s'y retrouve pas. «Les affaires compensatoires de 3,2 milliards de francs ne sont pas intéressantes pour la Suisse romande, qui n'en récoltera que 2%, alors que la loi prévoit une part de 30% pour la partie francophone», dit-il.
Erich Hess, l'UDC bernois qui siège avec Fabien Fivaz dans la commission de la politique de sécurité, en est certain: «Le contrat du F-35 ira à son terme et la Suisse sera livrée.» Il ajoute:
Le centriste jurassien Charles Juillard, membre de la commission de la politique de sécurité du Conseil des Etats, ne le jurerait pas. Mardi, la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, a dévoilé un plan de 800 milliards d'euros pour «réarmer l'Europe».
Pour un certain temps encore, des dizaines d’années en principe, la Suisse sera dotée de matériels américains pour sa défense aérienne. «Tout est fait pour être interopérable: les systèmes radars, les missiles de défense aérienne Patriot et les F-35», explique l’expert en sécurité Alexandre Vautravers, rédacteur en chef de la Revue militaire suisse.
Les Etats-Unis restent-ils un partenaire fiable pour la Suisse? Alexandre Vautravers:
Alexandre Vautravers ne croit pas une seconde que le contrat F-35 puisse être cassé.
On se souvient des propos anti-F-35 d'Elon Musk, le «ministre plénipotentiaire» chargé de dégraisser la fonction publique fédérale aux Etats-Unis. Le patron de Space X les trouve has-been. Il leur préfère les drones. De là à ce que ce soient les Américains qui compliquent la livraison des précieux chasseurs au client suisse... Payerne devrait recevoir ses huit premiers exemplaires en 2027.