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Trump pas fiable: la Suisse peut-elle casser le contrat des F-35?

Le conseiller national Fabien Fivaz (Vert/NE) veut-il la peau du F-35?
Le conseiller national Fabien Fivaz (Vert/NE) veut-il la peau du F-35? image: watson

Trump pas fiable: la Suisse peut-elle casser le contrat des F-35?

Alors que l'Amérique de Trump n'apparaît plus comme un allié sûr et au moment où les Européens prévoient de dépenser 800 milliards d'euros pour leur armement, le F-35 reste-t-il un avion désirable pour la Suisse? Le conseiller national Fabien Fivaz va interpeller le Conseil fédéral.
05.03.2025, 05:3205.03.2025, 21:03
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Le conseiller national neuchâtelois Fabien Fivaz revient à la charge. Il déposera la semaine prochaine une interpellation lors de la présente session des Chambres fédérales, indique-t-il à watson, confirmant une information du Matin Dimanche. L’élu écologiste est membre de la commission de la politique de sécurité. A ce titre, il a tenté de faire voter un mandat destiné à l’administration fédérale, afin qu’elle «étudie les conséquences légales et financières d’une rupture du contrat d’achat des F-35 par la Suisse». Réunie le 25 février, la commission dans sa majorité s’est opposée à sa proposition. Il a donc décidé de passer par une autre voie, celle de l’interpellation parlementaire.

«Dans le cadre d’un mandat, les informations sont directement transmises par l’administration fédérale aux commissions parlementaires, d'où une certaine discrétion, ce qui n’est pas le cas avec une interpellation», explique Fabien Fivaz à watson. Si les choses suivent leur cours normal, le Conseil fédéral rendra sa réponse à la session d'été.

Jusqu'à 20% de surcoût

Hormis le contrat d’achat qui lie la Suisse au gouvernement des Etats-Unis, le F-35, le chasseur de l'avionneur Lockheed Martin, n’a pour ainsi dire plus aucun secret pour les Suisses. Justement, Fabien Fivaz voudrait en savoir plus sur certains aspects contractuels. D’autant que les 36 exemplaires commandés aux Américains pourraient coûter 20% de plus par rapport au prix d’origine, inflation oblige, soit 7,2 milliards de francs au lieu de 6, comme le révélait le 22 février la Neue Zürcher Zeitung.

«Avec un tel dépassement, les termes du contrat sont-ils encore respectés? Qui paiera la différence, les Américains ou les Suisses?»
Fabien Fivaz

Pour le Vert neuchâtelois, ces questions d'argent sont l'occasion de pousser le questionnement, certains diront le bouchon, à son maximum, à savoir la possibilité d'une rupture de contrat. L’attitude de Donald Trump à l'égard de l’Europe, de l’humiliation infligée à Volodymyr Zelensky à la Maison Blanche, à l’annonce, mardi 4 mars, de la suspension de l’aide militaire à l’Ukraine, ajoute à la défiance que ressentent aujourd’hui de nombreux Européens envers l’administration américaine. Fallait-il acheter le F-35? Si, en Europe, des pays tel l'Allemagne l'ont acquis un peu contraints et forcés par les Etats-Unis, c'est aussi parce que cet avion est conçu pour emporter l'arme nucléaire américaine, instrument de la dissuasion de l'OTAN.

Dans son interpellation, Fabien Fivaz cherchera à savoir:

  • Combien d’argent la Suisse a-t-elle déjà versé aux Etats-Unis dans le cadre de ce contrat?
  • Quelle somme la Suisse a-t-elle dépensée jusqu'ici dans les infrastructures devant accueillir l’appareil sur l’aérodrome de Payerne?
  • Que coûterait, politiquement, financièrement, militairement et juridiquement, à la Suisse, la rupture du contrat F-35?

Un «scandale F-35»

La gauche – PS et Verts – s'était violemment opposée à l'achat du F-35. Elle n’était pas plus favorable à son concurrent Le Rafale, même si l'appareil français avait l'avantage à ses yeux de ne pas être américain, la marque de l'«impérialisme». Pour remplir la mission de police du ciel, elle se serait contentée de modèles plus modestes. La gauche soupçonne un «scandale F-35». Certains de ses membres, à l’image de Fabien Fivaz, ne désespèrent pas qu'un jour soit créée une commission d'enquête parlementaire.

«La Suisse a acheté l’avion de l’Otan, celui qui équipe aujourd’hui la quasi-totalité des forces aériennes européennes», constate le conseiller national neuchâtelois.

«C’est Trump, à l’époque de son premier mandat, qui a poussé la Suisse à acheter le F-35, afin qu’il soit facilement intégrable à tout un ensemble d'armement. C’est comme ça qu’il nous l’a vendu»
Fabien Fivaz

L'élu écologiste estime que l'économie suisse ne s'y retrouve pas. «Les affaires compensatoires de 3,2 milliards de francs ne sont pas intéressantes pour la Suisse romande, qui n'en récoltera que 2%, alors que la loi prévoit une part de 30% pour la partie francophone», dit-il.

Erich Hess, l'UDC bernois qui siège avec Fabien Fivaz dans la commission de la politique de sécurité, en est certain: «Le contrat du F-35 ira à son terme et la Suisse sera livrée.» Il ajoute:

«Les Etats-Unis sont un partenaire fiable sur lequel la Suisse pourra compter à l’avenir»
Eric Hess

Le centriste jurassien Charles Juillard, membre de la commission de la politique de sécurité du Conseil des Etats, ne le jurerait pas. Mardi, la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, a dévoilé un plan de 800 milliards d'euros pour «réarmer l'Europe».

«Je suis le premier à dire qu’il faut coopérer avec nos partenaires étrangers. Demain, il nous faudra trouver sur le marché européen ce dont nous avons besoin, pour autant que l’Europe produise des matériels efficaces»
Charles Juillard

Pour un certain temps encore, des dizaines d’années en principe, la Suisse sera dotée de matériels américains pour sa défense aérienne. «Tout est fait pour être interopérable: les systèmes radars, les missiles de défense aérienne Patriot et les F-35», explique l’expert en sécurité Alexandre Vautravers, rédacteur en chef de la Revue militaire suisse.

Les Etats-Unis restent-ils un partenaire fiable pour la Suisse? Alexandre Vautravers:

«La Suisse et les Etats-Unis sont liés dans des échanges de haute technologie et de recherche. Sur le plan géopolitique, il est certain que ce qui se passe actuellement aura des conséquences pour la Suisse. S’agissant de l’Europe, les bouleversements en cours poussent les Européens à remettre sur pied une industrie de défense et c’est en soi une bonne chose.»
Alexandre Vautravers

Alexandre Vautravers ne croit pas une seconde que le contrat F-35 puisse être cassé.

«On perdrait beaucoup de temps dans de nouveaux processus d’acquisition. Cela hypothéquerait la défense de la Suisse ces quinze prochaines années»
Alexandre Vautravers

Les F-35, c'est nul, selon Musk

On se souvient des propos anti-F-35 d'Elon Musk, le «ministre plénipotentiaire» chargé de dégraisser la fonction publique fédérale aux Etats-Unis. Le patron de Space X les trouve has-been. Il leur préfère les drones. De là à ce que ce soient les Américains qui compliquent la livraison des précieux chasseurs au client suisse... Payerne devrait recevoir ses huit premiers exemplaires en 2027.

- Serhii, soldat ukrainien blessé aujourd'hui en Suisse
Video: watson
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Les stands de tir de l'armée suisse ont un problème
D'ici fin juillet, le Département fédéral de la défense est censé avoir assaini ses stands de tir pour réduire les nuisances sonores. Mais cet objectif restera largement non atteint. Un postulat du Conseil des Etats pourrait même permettre de revenir en arrière.

Quand il est question de nuisances sonores dues aux tirs militaires, le fédéralisme suisse se manifeste au Parlement. A intervalles irréguliers, des élus de tout bord politique interpellent le Conseil fédéral pour savoir s’il est conscient des problèmes que pose tel ou tel stand de tir, et s’il a connaissance du nombre élevé de plaintes que celui-ci génère. Oui, répond systématiquement le gouvernement: le problème est connu. Et de préciser: les stands de tir du pays sont en cours d'assainissement.

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