Suisse
Féminisme

«Les femmes sont les premières victimes de la crise climatique»

L'écoféminisme au sein de la grève féministe
Le défilé de la grève féministe à Lausanne, l'an dernier.Image: KEYSTONE

«Les femmes sont les premières victimes du dérèglement climatique»

L'écoféminisme établit une analogie entre la domination masculine sur les femmes et sur la nature. A l'occasion de la grève féministe, nous avons posé quelques questions à une militante écoféministe.
14.06.2024, 05:5114.06.2024, 05:51
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Ce vendredi 14 juin, des milliers de personnes sont attendues dans les rues de toute la Suisse à l'occasion de la cinquième édition de la grève féministe. Cette année, une attention particulière sera portée à la révision du 2e pilier, mais plusieurs autres luttes et revendications seront présentes lors des défilés. L'écoféminisme en fait partie. Solenn Ochsner, membre du collectif neuchâtelois, est une militante écoféministe. Elle nous explique de quoi il s'agit.

Pouvez-vous nous expliquer en quelques mots en quoi consiste l'écoféminisme?
Solenn Ochsner:
L'écoféminisme établit une analogie entre la domination des hommes sur les femmes et la domination des hommes sur la nature.

«Il s'agit d'une approche holistique, qui se bat contre toute forme d'oppression masculine, avec pour objectif un avenir écologiquement durable et égalitaire»

Pour ce faire, il faut remettre en question le capitalisme. Il s'agit d'un système intrinsèquement patriarcal, et qui exerce une domination sur la nature, les femmes et les plus précaires.

Quel est le lien entre les femmes et la crise climatique?
Les femmes sont les premières victimes du dérèglement climatique, et sont beaucoup plus impactées que les hommes. C'est particulièrement le cas dans les pays du Sud global, où les femmes ont moins de capitaux, et donc moins de possibilités de s'adapter au changement climatique, en changeant leurs habitudes, leur emplacement de vie, etcétéra.

Elles sont également plus impactées dans leur quotidien. L'accès à l'eau, indispensable pour les tâches domestiques, devient de plus en plus compliqué. Par conséquent, les femmes doivent travailler davantage et plus longtemps pour la famille, gratuitement. Ce qui les empêche, finalement, d'intégrer le marché du travail.

«Pour cette raison, la solidarité avec les femmes du monde entier est un élément très important de l'écoféminisme»
Solenn Ochsner est une militante écoféministe.
Pour Solenn Ochsner, le mouvement féministe et celui pour le climat sont «profondément imbriqués».Image: dr

Le lien entre féminisme et lutte pour le climat a-t-il toujours été évident pour vous?
Non, ça a plutôt été une découverte. Quand j'ai commencé à militer dans le collectif de la grève féministe à Neuchâtel, je ne me définissais pas du tout comme écoféministe. Cela est né dans la pratique. Quand j'ai intégré le mouvement climatique, peu de temps après, je me suis rendu compte qu'il y avait des convergences évidentes, systématiques, entre ces deux milieux. Tant dans la manière de lutter que dans les revendications.

«Pour moi, l'écoféminisme n'est pas théorique. Je le vis au quotidien, à travers la lutte. Le mouvement féministe et celui pour le climat sont profondément imbriqués»

Certaines personnes diront que ces deux dimensions n'ont rien à voir...
Tout est lié. Il est très important de comprendre cette convergence. Les revendications sont communes et indissociables. Finalement, l'écoféminisme se bat contre toute sorte de domination, contre un système patriarcal et capitaliste.

En parlant de revendications communes, pouvez-vous donner un exemple?
La réduction du temps de travail en est une. Elle répond à deux urgences. Ecologique, tout d'abord, car on doit produire moins pour respecter les limites de la planète. Féministe, ensuite, car cela permettrait de mieux répartir les tâches domestiques entre hommes et femmes. De plus, en travaillant majoritairement à temps partiel, les femmes subissent une perte de salaire qui se répercute sur leur rente, à la retraite. Si tout le monde travaillait moins, cette perte de salaire pourrait être vécue collectivement, et pas peser seulement sur les femmes.

Qu'en est-il de la manière de lutter? Quelles formes l'écoféminisme prend-il dans la pratique?
Les modes d'action de l'écoféminisme ressemblent beaucoup à ceux employés par les collectifs féministes et climatiques. Il s'agit d'une lutte collective qui ne se passe pas dans l'arène politique classique, mais principalement dans la rue. Avec la société civile, en intégrant un maximum de personnes au quotidien.

«C'est une autre manière de vouloir vivre la démocratie»

Est-ce que cela prévoit également la désobéissance civile, utilisée notamment par les activistes du climat?
Oui, mais pas uniquement. Il y a également la volonté de se réapproprier l'espace public, de s'organiser en assemblées. De faire vivre une vraie démocratie, finalement, où l'on ne se contente pas de voter, mais où l'on s'exprime et l'on donne des idées. Un autre élément très important est la nécessité d'intégrer les personnes étrangères, qui n'ont pas le droit de vote et, de ce fait, qui n'ont pas d'autres moyens de s'exprimer qu'au travers de ces assemblées et manifestations.

Faut-il mettre en avant cette approche et cette étiquette lors d'importantes manifestations féministes, telles que la grève de ce vendredi?
Oui, mais ça se fait de manière spontanée. Beaucoup de personnes actives dans des mouvements climatiques participent à nos manifestations féministes, elles viennent naturellement avec leurs slogans et leurs revendications. Nous, de notre côté, on participe à leurs événements et on évoque toujours ces problématiques dans nos prises de parole.

«Lors de la grève, je vais faire un discours sur les salaires et la réduction du temps de travail, ce qui a des implications tant au niveau de l'égalité que de l'écologie»

Quelle est la situation de l'écoféminisme en Suisse? Existe-t-il des organisations spécifiques?
Les arguments écoféministes se retrouvent dans différents mouvements, mais, à ma connaissance, il n'y a pas d'organisations écoféministes à proprement parler en Suisse. Je ne sais pas si c'est vraiment une nécessité. J'ai l'impression que la convergence se fait déjà de manière assez forte à l'heure actuelle. Je ne sais pas s'il faut ajouter une plateforme supplémentaire. Je trouve plus intéressant que les femmes qui se revendiquent écoféministes militent dans les collectifs de la grève féministe. C'est comme ça qu'on va être plus fortes.

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