Pendant six ans, Emmanuel Macron a fait patienter la Suisse. Un signe qui montre à quel point les relations entre Berne et Paris sont ternies. En effet, la France, très europhile, reprend et oriente régulièrement les positions de la Commission européenne, et celle-ci n'est pas en bons termes avec la Suisse depuis les difficultés rencontrées avec l'accord-cadre.
Et puis, la France aurait volontiers vendu son avion de combat Rafale à l'armée suisse. Berne aurait apparemment envoyé des signaux positifs aux constructeurs du Rafale, avant de finalement choisir le F-35 américain.
Les deux dernières visites d'un président français remontent à François Hollande. Celui-ci est venu en Suisse en 2015 à titre officiel, et a assisté en 2016 à l'inauguration du nouveau tunnel du Gothard.
Depuis son élection en 2017 et jusqu'à aujourd'hui, Emmanuel Macron n'a pas trouvé le temps de rendre visite à ses «amis suisses». Il aurait pourtant de nombreux sujets à aborder avec Berne: les frontaliers, la controverse sur le droit de succession ou encore le fameux accord-cadre.
De plus, on a souvent dit que l'alchimie entre Macron et Berset est parfaite. Le Fribourgeois a su dès 2018, alors qu'il était président de la Confédération pour la première fois, comment il fallait aborder le président français.
Pour une collaboration efficace, il faut le soutenir concrètement sur le plan diplomatique. Alain Berset s'est d'ailleurs fait remarquer à plusieurs reprises ces dernières années pour avoir assisté en première ligne aux mises en scène grandioses d'Emmanuel Macron – des gestes qui ont été reçus avec bienveillance à l'Élysée.
C'est dans cette optique que le président de la Confédération s'est rendu à Paris le 11 novembre 2018 – à la demande d'Emmanuel Macron –, lorsque la France a célébré le centenaire de la fin de la Première Guerre mondiale. Ce n'était pas une obligation pour la Suisse, mais Alain Berset savait que pour les Français, de telles cérémonies comptent souvent plus que les questions de fond.
En 2023, Alain Berset, à nouveau président, a participé au sommet de la nouvelle «communauté européenne», et à l'acte fondateur d'un «nouveau pacte financier mondial» en juin.
Ces deux événements avaient un point commun: ils découlent des idées du président français. Emmanuel Macron n'a pas manqué de remarquer que la Suisse neutre, qui se tient habituellement à l'écart de la politique européenne, a répondu à son appel les deux fois – et qu'Alain Berset se donnait de la peine.
En retour, le président français prévoit donc une visite en Suisse. Ce geste montre à quel point la présence d'Alain Berset a compté pour Emmanuel Macron. Le porte-parole du président de la Confédération ne s'est pas trompé lorsqu'il a affirmé que cette visite était «le résultat des bons contacts noués avec Emmanuel Macron». Le conseiller aux Etats socialiste genevois Carlo Sommaruga parle d'un «succès diplomatique pour Alain Berset et la Suisse».
Les opposants politiques objecteront que la visite d'Emmanuel Macron ne changera pas grand-chose aux relations entre les deux pays. Pour cela, il faudrait que certaines discussions sortent de l'état de stagnation dans lequel elles se trouvent depuis des années.
C'est vrai. Mais cette visite est un pas vers une normalisation des relations entre Berne et Bruxelles et certainement plus qu'un simple cadeau d'adieu à un conseiller fédéral qui quitte ses fonctions à la fin de l'année.
Traduit et adapté de l'allemand par Léa Krejci