Le tunnel est immense pour abriter le nouvel accélérateur de particules du Cern. Il faudra 90,7 km pour faire la place au collisionneur de l'Organisation européenne pour la recherche nucléaire, appelé FCC-ee, qui devrait se réveiller, si tout se passe bien, en 2040. L'ardoise est estimée à 15 milliards, étalée sur 15 ans. Viendra ensuite une nouvelle machine, qui répond au nom de FCC-hh, qui se glissera dans le même tunnel.
Une fois les fondations évoquées, encore faut-il démarrer le projet. C'est là que ça coince. Le 21 avril, la RTS évoquait les inquiétudes de riverains concernant le projet actuellement à l'étude. Pour contrer les réticences, le Cern a organisé une réunion publique d’information et d’échanges le 24 avril. Une réunion pour convaincre, qui a affiché complet et enclenché un débat nourri.
Face aux questionnements concernant la demande en énergie et aux aménagements futurs, en plus de la perte de surfaces agricoles, la grogne monte. Le Temps s'est procuré des documents transmis par l’Etat français et la Confédération sur les travaux prospectifs réalisés par le Cern.
Comme le souligne le quotidien basé à Genève, la majorité du circuit pensé par le Cern est en France. Mais la Suisse est aussi concernée par ce grand cercle: Dardagny, Russin, Satigny, Meyrin, Pregny-Chambésy, puis sous le Léman et du côté de Choulex, de Meinier et de Presinge.
La France et la Suisse ne sont d'ailleurs pas très contents des plans présentés par le Cern, comme le souligne le rapport parcouru par Le Temps. La faisabilité fait défaut. Le quotidien le commente ainsi: des «scénarios» ont été fondés sur des hypothèses qui n’ont pas été vérifiées par les autorités locales. Pire, certains sont même «impossibles à réaliser», est-il écrit dans le rapport helvétique.
Les inquiétudes, comme le soulignait le reportage de la RTS, sont spécialement écologiques - la nappe phréatique et le débouché à trouver pour le stockage des immenses volumes de déblais.
La surface agricole est aussi au centre des débats. Sur le territoire helvétique, le Cern a identifié deux espaces de quatre hectares pour bâtir son FCC. Problème: cette portion de terrain est classée en zone agricole et devrait être, par conséquent, déclassée. Pour compenser, le Cern propose de chauffer les villages environnants. Le Secrétariat d’Etat à la formation, à la recherche et à l’innovation (Sefri) n'a que peu goûté à cette idée: «Nous souhaitons rappeler au Cern qu’il ne s’agit pas d’une option de compensation légale», rapporte Le Temps. Pour compenser, l'organisation scientifique devrait offrir une surface qualité équivalente.
La crise climatique n'arrange pas les affaires du laboratoire. Une association genevoise, Noé21, a tout bonnement glissé que ce projet devrait être abandonné. En cause? La consommation gigantesque annoncée pour le nouveau bébé du Cern – entre chantier et exploitation – un facteur qui fait bondir les membres de l'association. Cette dernière demande une étude claire du projet sur l'impact environnemental et sur le climat. Toujours selon les calculs du Temps, ce sont près de 80 à 100 millions de tonnes CO2 qui seront fabriqués de 2030 jusqu'à la fin du siècle.
Pour se défendre, le Cern assure que ce n'est que la première étape du projet visant sa faisabilité. «Elle est soumise aux Etats afin que nous puissions prendre en compte leurs remarques pour la suite», rétorque Arnaud Marsollier, porte-parole du centre de recherche.
Piano piano semble brandir Arnaud Marsollier. Car le dénouement n'est pas pour demain. Ce n'est qu'en 2028 que les Etats membres donneront leur aval. Sauf que le temps presse, car en 2025, l'institution va devoir ébaucher sur la faisabilité de son projet final. Le Cern joue la montre, mais il n'y a pas de temps à perdre. (svp)