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14 juin 2022: qui sont ces femmes qui ne feront pas grève

Qui sont ces femmes qui ne feront pas grève ce 14 juin?

Pour la 4e année, les Suissesses sont attendues dans les rues (et en violet) afin d'exiger l'égalité. Alors que la nécessité de ce mouvement féministe est plus que jamais revendiquée par ses instigatrices, certaines femmes n'y participeront pas. Entre contraintes, manque de représentativité et désolidarisation, une vingtaine de femmes témoignent.
14.06.2022, 11:5614.06.2022, 17:30
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Ce 14 juin 2022, la Suisse donnera de la voix pour l'égalité homme-femme. Une revendication fondamentale qui pourra notamment être incarnée par l’absence des femmes sur leur lieu de travail. Mais dans l'ombre de cette grève féministe et ses cortèges inhérents, une partie d'entre elles a déjà fait le choix de l'absence… dans les rues du pays.

Etudiantes ou travailleuses, croyantes ou laïques, militantes ou sans engagement politique: quel que soit leur profil, plusieurs Suissesses ont témoigné auprès de watson: elles ne participeront pas à la mobilisation féministe national. Une 4e édition d'ailleurs principalement portée par «l'AVS 21» - réforme sur laquelle le peuple votera en septembre prochain.

Pour tout comprendre de la grève féministe 2022 👇

Parmi les vingt témoignages recueillis, des femmes évoquent des contraintes professionnelles ou estudiantines, d'autres des principes personnels qui sont aux antipodes de ceux clamés par le mouvement. Certaines, enfin, n'ont participé qu'à la mobilisation historique de 2019, et ne comptent plus y retourner.

Une grève «qui n'est pas une grève»

Sandra*, 29 ans, par exemple. Cette étudiante à l'université évoque, avec une certaine amertume, sa période d'examens: «Je ne peux malheureusement pas sacrifier mon temps de révision pour aller manifester...». De leur côté, un certain nombre de travailleuses déplorent le fait que leur absence soit considérée comme un congé sans solde par leur employeur.

«Si je fais grève, ce sera retenu sur mon salaire et ce serait à moi de trouver un remplaçant»
Kelly*, enseignante à l'école primaire à Genèvewatson
«Malheureusement pour certaines, notre travail ne nous donne pas le congé nécessaire»
Maeva*, responsable réseaux sociaux à Genèvewatson

Alors que la plupart de ces femmes avaient pu participer à la première mobilisation il y a trois ans. Que s'est-il passé depuis? «Cette année, la grève féministe n'est pas accompagnée d'une grève salariale», explique à watson Léa Ziegler, membre du collectif neuchâtelois. Selon la secrétaire au Syndicat des secteurs public et parapublic (SSP), cette situation se justifie par le fait que le mouvement de 2019 avait été soutenu par l'appel des syndicats un an plus tôt. Un projet qui avait demandé «énormément de travail» et n'a pas pu voir le jour les années suivantes.

«D'un point de vue constitutionnel, la grève de 2022 sera donc une mobilisation et non une grève»
Léa Ziegler, membre du collectif de la grève féministe à Neuchâtelwatson

Toutefois, Léa Ziegler précise que la 5e édition, en juin 2023, sera à nouveau soutenue par la grève salariale. Une information confirmée par Anne Michel, membre du collectif genevois et co-présidente du SSP Genève. Elle ajoute que ces précisions ont été clairement annoncées aux participantes. Or, pour une partie de ce public cible, il y a un autre son de cloche.

Participerez-vous à la grève féministe mardi 14 juin 2022?

Essoufflement du mouvement

«Je ne savais même pas que la grève avait lieu cette année»
Béatrice*, 26 answatson
«Je n'ai pas réalisé que le 14 juin était déjà presque là. Au travail, personne n'en a parlé»
Alizée*, 28 answatson
«Je me rappelle très bien de l'édition 2019. Mais cette année effectivement je n'en ai pas entendu parler»
Adeline*, 27 ans.watson

«Je ne savais même pas que la grève avait lieu cette année»: Cette phrase a largement été entendue parmi les témoignages recueillis par watson. Mélanie, diplômée en psychologie, s'interroge sur la circulation de l'information: «Y aurait-il eu un manque de sensibilisation par rapport à 2019?»

Léa Ziegler et Anne Michel s'étonnent. «A Genève, par exemple, en à peine un mois et demi, nous avons distribué plus de 5000 flyers. La promotion sur les réseaux sociaux a également été très riche», souligne la co-présidente du SSP. Du point de vue des organisatrices, tant la motivation des participantes à la grève féministe que la communication des instigatrices sont restées inchangées. Seule ombre au tableau, cette année: la couverture médiatique:

«Il y a très certainement eu un essoufflement du mouvement du côté des médias. Ces derniers ne s'y sont pas intéressés autant qu'en 2019. Il y a certes d'autres choses dans l'actualité qui sont très importantes, mais l'AVS 21 l'est tout autant.»
Anne Michel, membre du collectif genevois de la grève féministewatson

A celles qui ne peuvent pas participer, Léa Ziegler et Anne Michel proposent plusieurs alternatives symboliques: port de bracelet violet, pauses plus longues, soutien sur les réseaux sociaux... Mais que dire à celles qui ne veulent pas (ou plus) se joindre à la mobilisation?

Manque de représentativité

Une part importante des femmes s'étant entretenues avec watson avouent ne plus se reconnaître dans le mouvement féministe suisse. C'est le cas de Sophie*, 27 ans, qui était, comme près de 500 000 autres personnes, descendue dans les rues du pays le 14 juin 2019, afin d'exiger l'égalité entre les hommes et les femmes: «Mais je n'irai plus, signale-t-elle. Je ne me retrouve plus dans le groupe. C'est devenu un mouvement qui en inclut plein d'autres tels que ceux du climat ou des LGBTQIA+».

D'autres, comme Nicole*, 26 ans et diplômée en communication, ont l'impression d'être tenues à l'écart par les organisatrices du mouvement:

«Je ne me reconnais pas du tout dans ce courant féministe qui est encore majoritairement blanc et n'aborde pas (ou du moins néglige) les questions sociales touchant les femmes racisées comme moi»
Nicole*, 26 answatson

Cette idée que la grève féministe serait au coeur d'une convergence de plusieurs luttes, Lea Ziegler l'a souvent entendue. Mais la syndicaliste rappelle que le mouvement féministe a toujours été «inclusif et transversal»:

«Le mouvement n'a pas changé. Si ces femmes lisent notre manifeste, elles verront que nous avons toujours parlé à toutes les femmes. Il est important de donner la parole à celles qui subissent plusieurs peines, en étant à la fois femme et handicapée, migrante, trans, racisée ou d'une toute autre minorité.»
Léa Ziegler, membre du collectif de la grève féministe Neuchâtelwatson

Actions qui «desservent la cause»

Ces valeurs, Pauline, 36 ans, les salue. Mais pour cette mère de deux enfants qui avoue admirer les anciennes générations de militantes ayant, notamment, lutté pour le droit de vote des femmes en 1971, aujourd’hui, le problème est ailleurs:

«Le message fondamental est honorable. Je suis évidemment pour l'égalité des sexes. Mais il y a des manières de le faire, et ces dernières années, le message est obstrué par des actions trop extrêmes»
Pauline, 36 ans.
Des femmes manifestaient seins nus lors de la grève féministe, dimanche 14 juin 2020 a Lausanne.
Des femmes manifestaient seins nus lors de la grève féministe, dimanche 14 juin 2020 a Lausanne.Image: keystone

Pauline cite notamment le fait de manifester seins nus ou encore les scandales qu'il y a eu en 2019, comme la mise en retrait des hommes de la manifestation ou de son organisation. Pour cette employée en administration, bien qu'il reste des points à améliorer, la situation des femmes a tout de même bien évolué. Elle ne nécessite plus la même agitation qu'il y a cinquante ans: «Mon entreprise s'assure que les salaires soient attribués selon les compétences de manière égale entre les hommes et les femmes. Et, dans mon couple, nous nous partageons les tâches. Je connais de plus en plus de femmes qui sont dans la même situation que moi.»

«Moi aussi, je ne pense pas que ce genre d’actes puisse faire évoluer les choses. Même si je suis bien entendu pour cette manifestation et totalement pour les femmes qui iront à cette manifestation ou qui feront grève, car je défends totalement cette cause.»
Saskia, 27 answatson

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Pour Anne Ziegler, qui milite au sein de la SSP depuis 25 ans, des constats comme celui de Pauline ne justifient pas tout: «La non-mixité du mouvement est nécessaire. Elle a permis à plein de femmes qui n'osaient pas parler dans un contexte mixte à se sentir plus incluses dans la cause. Partout dans le monde où des mouvements féministes se sont mis en place de manière concrète, cela s'est toujours fait sans les hommes dans l'organisation.»

Concernant les femmes militant seins nus, si Léa Ziegler rappelle qu'il s'agit d'une infime partie des manifestantes, la syndicaliste tient aussi à pointer le fait que le procès qui leur est fait met plus particulièrement en lumière la sexualisation du corps de la femmes, et de laquelle celle-ci cherche justement à se libérer. Fédératrice, elle conclut son discours:

«Toutes celles qui ne se sentent pas ou plus en accord avec le mouvement féministe sont évidemment les bienvenues dans les groupes de parole. Cela afin d'y apporter des propositions qui leur conviennent et leur ressemblent. Nous sommes à l'écoute et nous voulons améliorer les choses.»
Léa Ziegler, membre du collectif de la grève féministe Neuchâtelwatson
La mobilisation féministe 2022 aura lieu le mardi 14 juin dans toute la Suisse. Des prises de parole, des stands et des conférences seront organisés dans plusieurs villes dès le début de l'après-midi. En Suisse romande, les cortèges auront lieu simultanément à Fribourg, Genève, Lausanne et Neuchâtel aux alentours de 18 heures.

Toutes les informations ci-dessous:
- Le site web du collectif genevois de la grève féministe
- Le site web du collectif neuchâtelois de la grève féministe
- Programme fribourgeois de la grève féministe
- Programme vaudois de la grève féministe

*Ces personnes n'ont pas souhaité témoigner sous leur réelle identité pour des raisons personnelles et/ou professionnelles.

La première grève féministe de Suisse le 14 juin 1991
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La première grève féministe de Suisse le 14 juin 1991
La première grève des femmes* de Suisse avait impliqué plus de 500 000 femmes à travers le pays.
source: keystone
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Ce 14 juin, elles dénoncent le sexisme en politique
Video: watson
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